Gros choc que le drame coréen la Traque dans le Sang, avec son scénario à forte teneur émotionnelle et ses combats radicaux ! Dommage qu’une conclusion bâclée nous laisse sur une impression mitigée… Reste un spectacle saisissant de brutalité extrême… coréen, quoi !
Sans vouloir revenir inutilement sur une récente et désagréable expérience, la première chose qui vient à l’esprit après quelques minutes seulement de visionnage de Bloodhounds / La Traque dans le Sang (encore une traduction française gratinée, le titre original pouvant être traduit par « Chiens de Chasse »), la nouvelle série coréenne sur Netflix, est combien il est bon de retrouver du véritable cinéma coréen après l’édulcoration américaine opérée sur le récent Black Knight. Prévenons donc d’emblée les moins téméraires parmi nous, La Traque dans le Sang, c’est « du raide » : cette histoire de deux jeunes boxeurs unis par une amitié inconditionnelle à la suite de leur rencontre sur le ring, qui vont devoir lutter contre une organisation criminelle maléfique s’étant développée à partir des pratiques usurières illégales – apparemment courantes en Corée du Sud -, va nous offrir au long de 8 épisodes d’une heure une multitude de situations d’extrême violence, physique comme émotionnelle. Âmes sensibles, s’abstenir !
On sait depuis longtemps que le strict contrôle des armes à feu en Corée a obligé le cinéma policier et le cinéma d’action local à mettre en scène des combats à main nue ou à l’arme blanche (marteaux, battes, couteaux, etc.) particulièrement brutaux : ce qui était au départ un handicap par rapport aux inévitables gunfights états-unien est devenu, par la grâce du savoir-faire des réalisateurs locaux, un vrai « plus » des films coréens. L’impact physique de la violence s’en voit décuplé, la souffrance devient beaucoup plus viscérale, et c’est l’émotion qui en sort victorieuse. Impossible de ne pas admirer le réalisme – parfois insoutenable – des multiples scènes de baston générale, impeccablement chorégraphiées, filmées et montées (là encore, une vraie différence par rapport aux blockbusters US) qui occupent une grande partie de la série. Si l’on ajoute que, dans le cinéma coréen, on sait que n’importe qui, héros ou non, bon ou méchant, peut mourir à tout moment, et que le happy end ne fait pas partie du cahier des charges, l’implication émotionnelle du (télé)spectateur est forte.
Autres caractéristiques du cinéma et des séries coréennes : la dénonciation, ou tout au moins, l’exposition sans fard des tares de la société, comme ici la collusion entre la police et les truands, et la complicité entre les grands groupes financiers et les mafias locales. S’il existe toujours des individus qui refuseront de se taire, le couvercle est lourdement scellé pour empêcher toute rébellion significative du citoyen. Dans le contexte, très réalistement intégré à la fiction, d’une société appauvrie et sous tension du fait du Covid et du confinement, la manière dont les petits commerçants sont rackettés dans les premiers épisodes de La Traque dans le Sang est particulièrement effrayante, et ajoute à l’impact d’une série qui gagne en crédibilité d’un épisode à l’autre, jusqu’à un sixième éprouvant… Un épisode dont on aurait aimé qu’il soit le dernier, en dépit (ou à cause) de son extrême noirceur. Car jusque-là, on avait affaire à un quasi sans faute de la part de Kim Joo-Hwan… tout au moins si l’on oublie quelques passages qui se veulent drôles et sont surtout embarrassants (on connaît la qualité très discutable de l’humour coréen !).
On sait depuis Hitchcock que la qualité d’un thriller est directement liée à celle de son « méchant », et La Traque dans le Sang nous en offre deux remarquables pour le prix d’un : le boss Kim Myung-gil, interprété avec un magnétisme rare par le séduisant (et dangereux) Park Sung-Woong, déjà vu dans New World, et son homme de main bestial, Kang In-Beaom, inarrêtable machine à tuer. Mais il serait injuste de ne pas signaler que, face à eux, la paire de héros mal assortie mais touchante, fait aussi des merveilles grâce à deux – très beaux – jeunes acteurs parfaitement crédibles.
Il est plus que dommage que le crédit accumulé par la série, qui est adaptée, il faut le souligner, d’un webtoon, soit largement dilapidé lors des deux derniers épisodes décevants : le scénario se met à accumuler les invraisemblances, les raccourcis aberrants, dans une sorte d’accélération absurde de la fiction qui ne semble n’avoir qu’un seul but, renverser totalement la situation pour arriver à un happy end (hein ?) en deux heures chrono. On sort donc de La Traque dans le Sang profondément déçus, tant la série se profilait comme l’une des meilleures de l’année, alors qu’elle nous laisse littéralement tomber avec un dénouement aussi idéaliste qu’improbable.
Eric Debarnot
Bonjour,
Merci pour cette super critique !
Sur les 2 derniers épisodes, je voulais ajouter une précision. La sortie de ce drama a été retardée à cause du scandale de conduite en état d’ivresse de Kim Sae Ron, l’interprète de Hyun Ju. Le truc a fait grand bruit parce qu’elle a défoncé un générateur avec son véhicule à 8h du matin, coupant l’électricité dans tout le quartier et mettant les commerçants dans la panade. Bon, elle a tout remboursé de sa poche, est allée voir personnellement chaque commerçant pour s’excuser et a accepté sa peine sans faire appel, donc je pense qu’on peut la laisser tranquille.
En attendant, ça s’est produit en plein tournage et la production s’est retrouvée en difficulté. Ils recevaient des injonctions de l’opinion publique de la virer et de retourner ses scènes, ce qui était irréaliste. Le réalisateur Kim Joo Hwan confiait récemment en interview qu’il en a fait des nuits blanches. Bref, ils ont trouvé un compromis : ils n’ont presque touché à rien sur les 6 premiers épisodes et ont retourné les 2 derniers en introduisant un autre personnage féminin.
Personnellement, je trouve qu’ils s’en sont bien sortis et que ça tient la route, même si cette dernière partie est effectivement un peu moins bien. Le duo entre Woo Do Hwan et Lee Sang Yi fonctionne tellement bien que je suis prête à tout pardonner, je suppose !
Mokuren
Merci pour cette information qui aide en effet à comprendre la rupture entre les 6 premiers épisodes et les 2 derniers (au moins partiellement). ET je suis heureux que tu valides ma critique !
Eric