Purrs – Goodbye Black Dog : ronronnements prometteurs

Avec leur premier album, Goodbye Black Dog, Purrs, le quatuor d’Angoulême, apportent leur propre pierre à l’édifice du post-punk hexagonal.

1- PURRS ©Robin RAUNER
© Robin RAUNER

Purrs, c’est un quatuor post-punk d’Angoulême dont les prestations scéniques avaient déjà été évoquées par ici. Quatre potes formant le groupe pop Oh Ulysses. Avant de former Purrs en 2015 par désir d’une approche plus fondée sur la saturation. Une aventure poursuivie en parallèle de leur vie étudiante. Et une volonté de ne pas essayer de vivre de la musique. Par exemple en faisant les pochettes soi-même, à l’économie.

purrs goodbye black dogBien que le groupe se réclame de bien des groupes post-punk récemment apparus des deux côtés de la Manche, leur premier album Goodbye Black Dog a sa propre singularité dans ce cadre. Rien ici par exemple des morceaux parfois longs et jazzy de Squid, rien du côté arty d’un Dry Cleaning… Bien que cette période musicale ne soit pas mentionnée par le groupe en interview, il y a dans l’esprit du premier album quelque chose de la scène indépendante US de la fin des années 1980 et du début des années 1990. Une alternance calme/tempête, une vraie attention à la gestion de l’espace. Une rage empaquetée dans une approche resserrée, rigoureuse. D’ailleurs, en dépit de quelques intonations vocales proches du chanteur des Idles, la voix a quelque chose de plus tenu que le relâchement punk du débit de Joe Talbot.

Quant aux textes écrits dans la langue de Shakespeare, ils confirment une chose : faire du Rock, c’est souvent raconter la même chose que ses aînés en le reformulant pour son époque. Chose dont le groupe semble d’ailleurs conscient puisque dans la chanson Brutal Round here il appelle à « garder ses amis près de soi et les étrangers encore plus près » (Keep your friends close and strangers even closer). En rebondissant par un « je sais que ça sonne cliché mais on est tous dans le même bateau » (I know it sounds cliché we’re all in this together). L’introspection sur la masculinité n’est pas une idée neuve dans le Rock (cf. une rétro en cours sur le site). La sensation de grandir dans un monde plus dur, plus violent, plus fracturé, auquel on ne se sent pas adapté non plus (joyeux anniversaire). Quant à l’attaque contre la réussite financière revendiquée par le chanteur/parolier Elliott, bien des grands groupes indie britanniques et US des années 1980 auraient (et ont eu) pas mal à raconter concernant le culte de l’argent qui prit ses racines sous Thatcher et Reagan.

Le refrain « Let’s be overwhelmed together » (« soyons accablés ensemble ») du morceau Overwhelmed together pourrait lui servir de slogan à tous ceux et toutes celles qui à l’adolescence ont arboré une houppette morrisseyienne ou une allure corbeau afin de trouver d’autres camarades de tristesse. La conclusion apaisée Not sure how all this will end regarde elle l’année écoulée (« it’s been a long year  » : « c’était une longue année ») sans en faire un bilan très joyeux… et plein d’incertitudes sur l’avenir. Une vision des choses pas loin d’un pessimisme très présent dans le rock indépendant des années 1980. Et du coup il est possible de réagir aux textes de deux manières : la posture blasée Stop me if you’ve think you‘ve heard this one before… ou constater qu’en dépit de thèmes très contemporains ce que raconte le groupe s’inscrit dans une tradition rock hautement respectable.

La nouvelle scène post-punk, surtout britannique, peut susciter une part de lassitude en dépit de ses qualités. Mais il peut être au moins reconnu à Purrs de montrer, après Psychotics Monks, qu’un groupe français peut exister dans ce cadre sans ressembler à une version de deuxième division de ses modèles. Et on suivra avec attention la suite des ronronnements (to purr, c’est ronronner) du quatuor.

Ordell Robbie

Purrs – Goodbye Black Dog
Label : À Tant Rêver du Roi
Date de parution : 23 février 2024