« My Sunshine » : la magie des premières amours dans l’hiver japonais

Avec My Sunshine, Hiroshi Okuyama pose un regard tendre et poétique sur la relation, qui, autour du patinage artistique, unit Takuya, Sakura et leur entraîneur, Arakawa. Un conte sensible et doux-amer dans un Japon où il ne fait pas bon s’écarter des normes.

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Quand il joue au baseball, Takuya regarde tomber la neige. Quand il joue au hockey sur glace, il s’attarde pour regarder Sakura, subjugué par la grâce avec laquelle elle enchaîne arabesques et pirouettes. Mais comment approcher cette fille étincelante quand, comme Takuya, on est un adolescent timide qu’un fort bégaiement isole de ses camarades ? C’est l’histoire que raconte dans My Sunshine, son deuxième long-métrage, le jeune réalisateur japonais Hiroshi Okuyama : un récit qui, avec une infinie délicatesse, se déploie, le temps d’un hiver, sur l’île d’Hokkaido.

mysunshine-afficheMy Sunshine est une histoire simple, dont les images sont nimbées d’un léger brouillard, qui semble envelopper aussi de sa douceur les sentiments enfouis et les non-dits. Au cœur de la relation naissante entre Takuya (Keitatsu Koshiyama) et Sakura (Kiara Nakanishi), le patinage, qu’elle pratique avec un talent évident et une fluidité qui vient s’opposer au rythme heurté de la parole du jeune adolescent. D’un côté, une maîtrise élégante, de l’autre un empêchement douloureux. C’est par les corps que le rapprochement se fera, favorisé par l’entraîneur de Sakura, Arakawa (Sosuke Ikematsu). Et les corps, Hiroshi Okuyama – qui, enfant, pratiqua lui-même le patinage artistique – aime à les filmer, longuement, tendrement, opposant à la grâce aérienne de la jeune fille la maladresse pataude de Takuya, bientôt converti par amour au patinage… Il les filmera aussi dans l’harmonie, lentement conquise, de leur danse de couple, métaphore d’un sentiment, voire d’un désir, que Takuya espère réciproque.

My Sunshine a tout, donc, du film d’apprentissage où un garçon solitaire et parfois moqué, prisonnier de son incapacité à s’exprimer, découvre en quelques mois, non seulement le patinage artistique mais aussi l’amour, les espoirs, les doutes et les chagrins qui peuvent l’accompagner. Mais c’est à trois que se joue l’histoire : grâce à Arakawa, touché par son acharnement, Takuya progressera rapidement et vivra une relation, silencieuse mais intense, avec Sakura. Non seulement l’entraîneur, un ancien grand champion, lui prêtera les patins de sa jeunesse, mais il convaincra aussi Sakura de s’essayer avec lui aux épreuves en duo. Il autorisera ainsi les émois d’un rapprochement physique qui se concrétisera par l’accord parfait des corps évoluant sur la glace. Père de substitution, sans doute Arakawa reconnaît-il en Takuya le petit garçon qu’il a été, marginalisé par la pratique d’un sport considéré comme féminin au Japon. Une marginalisation qui continue à peser sur lui, son homosexualité l’ayant contraint à partir vivre loin des regards avec son compagnon.

My Sunshine est un film qui émeut par sa simplicité, la façon dont il s’écarte des sentiers battus – pas de dérive dans cette relation à trois qui ne passe pas par la parole mais par l’intensité d’un regard, la sollicitude d’un geste. Il émeut aussi par la bienveillance chaleureuse d’un entraîneur qui suit ses élèves sur la glace, un vieux magnétophone à la main, qui les emmène un jour patiner en pleine nature, sur un lac gelé, avant de se livrer avec eux, dans un moment de joie partagée et quasi-familiale, à une exubérante partie de glissades et de boules de neige. Certes, c’est un film contemplatif, indolent, qui, pourra, par moments, paraître longuet à certains. Avare en péripéties, fuyant le spectaculaire, il s’attache avant tout à saisir les émotions qui traversent imperceptiblement les corps, à restituer la beauté de la nature – les forêts enneigées d’Hokkaido, les cieux roses des couchers de soleil, les chemins qu’éclaire une lumière voilée. Une musique discrète – signée Yoshinari Sato – laisse toute sa place à celle qui accompagne les évolutions sur la glace – la Valse hollandaise et le Clair de lune de Debussy. Et une fin brutale ne vient , là encore, rien nous imposer et se contente de nous laisser entrevoir, avec la venue du printemps, un rayon d’espoir.

« Journal de la croissance d’un jeune garçon des premières neiges jusqu’à la fonte des neiges » : c’est en ces termes qu’Hiroshi Okuyama définit My Sunshine, inscrivant ainsi explicitement son histoire dans le rythme des saisons. Mêlant la magie émouvante des premières amours à la réalité amère des amours empêchées, le film dénonce les préjugés qui gangrènent une société japonaise violemment conformiste. Ainsi, d’un récit nourri de ses propres souvenirs, le réalisateur, disciple revendiqué de Kore-eda, a-t-il su faire une œuvre universelle, imprégnée de grâce, de tendresse, et infiniment poétique.

Anne Randon

My sunshine
Film japonais d’Hiroshi Okuyama
Genre : drame
Avec : Sosuke  Ikematsu, Keitatsu Koshiyama, Kiara Nakanishi
Durée : 1h30
Date de sortie : le 25 décembre 2024

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