Trois ans après The Sea Drift qui les avait vus avoir un joli succès d’estime, le groupe de Portland The Delines, mené par le guitariste écrivain Willy Vlautin, revient avec un nouvel album encore une fois somptueux.
Quand le maître George Pelecanos encense un roman en le qualifiant de « roman américain que j’attendais depuis longtemps » cela mérite une attention particulière. Ce fameux roman, c’est Northline, de Willy Vlautin, sorti en 2018 et dont la mémorable héroïne trouvait le réconfort à un passé troublé dans des conversations imaginaires avec Paul Newman. Ces destins brisés au plus profond de l’Amérique, c’est ce qui inspire Vlautin. Quand il écrit des chansons, les paroles sont des petites nouvelles comme les écrivait son maître revendiqué Raymond Carver.
Pour accompagner la description de la vie de ces personnages, Vlautin a imaginé un écrin dans lequel cohabitent des notes de piano langoureuses, quelques touches de guitare, des cuivres jamais envahissants et surtout la fabuleuse voix expressive d’Amy Boone. C’est d’ailleurs en l’entendant chanter que Vlautin aurait décidé de former le groupe.
Rempli de petites vignettes décrivant l’American Way of Life sur fond d’une country soul voluptueuse, le disque oscille entre mid tempo (Her ponyboy ; Nancy and the Pensacola Pimp ), pures ballades à la Tom Waits (Sitting on the curb ; The hunting thoughts), et morceaux plus enlevés (Lefthook like Frazier , le formidable single emmené par une trompette majestueuse, Maureen’s gone missing ). Tout cela porté par des arrangements lumineux et une musicalité de tous les instants.
Alors bien sûr, on ne garantit pas que les fans du MC5 s’y retrouvent. Ces gens là ont repris par ailleurs du Sparklehorse, et cet album est plus destiné aux mordus de Tindersticks et d’Elysian Fields.
En ces temps troublés, ces délicates cartes postales ont en tout cas tout pour former un disque de chevet, en attentant une future tournée annoncée à l’automne, et à ne manquer sous aucun prétexte.
Laurent Fegly