[Netflix] « The Residence » : à la Maison Blanche

Dans cette délicieuse nouvelle série Netflix, Paul W. Davies s’inspire d’un best seller documentant le fonctionnement de la Maison Blanche pour nous offrir un régal de « murder mystery » à la Agatha Christie. Une étonnante réussite !

La résidence
Copyright Jessica Brooks/Netflix

Le bon vieux « murder mystery » à la Agatha Christie, qui fut à une époque considéré comme ringard, ne veut décidément pas mourir : après l’étonnante résurrection / modernisation opérée par Rian Johnson avec son A Couteaux tirés, avec le succès littéraire des « cosy mysteries », et, dans une moindre mesure, la version familiale light « à la Disney » qu’est la série Only Murders in The Building, voici que La Résidence lui rend tout son éclat, de manière inattendue.

La résidence afficheCar l’idée littéralement géniale de Paul W. Davies, le scénariste et showrunner de cette nouvelle série qui s’impose comme une réussite totale dans le genre, c’est de partir d’un best seller US… qui n’est nullement un roman policier, mais au contraire une description « documentaire » du fonctionnement pratique de la Maison Blanche : dans The Residence: Inside the Private World of the White House, la journaliste Kate Andersen Brower a raconté par le menu le travail des dizaines (centaines ?) de professionnels qui s’affairent à l’intérieur de la résidence présidentielle, pour que tout fonctionne parfaitement, aussi bien en ce qui concerne la vie quotidienne de la famille du POTUS, que pour les nombreuses réceptions qui y sont données. The Residence – la série Netflix – offre donc à son énigme policière classique (Whodunnit ? : quelqu’un a été assassiné, qui l’a tué ?) un contexte réaliste aussi passionnant, voire même plus peut-être que l’enquête menée par Cordelia Cupp (« la meilleure détective du monde », car on est aux USA !) pour résoudre le plus rapidement possible un meurtre perpétré au cours de la réception offerte par la Président à une délégation australienne.

Mais si La Résidence fonctionne aussi bien, ce n’est pas seulement à cause de la crédibilité des situations qui y sont décrites, et de l’intérêt que l’on ressent instinctivement pour des personnages ayant des jobs « ordinaires » (femmes de ménage, serveurs, cuisiniers, plombiers, électriciens, etc.) dans un contexte « exceptionnel » comme celui de la Maison Blanche. C’est aussi parce que son écriture est impeccable : Paul W. Davies a construit une histoire fonctionnant à la perfection, réglée comme une horloge, réellement digne de celles d’Agatha Christie, avec une multitude de suspects potentiels, un enchaînement de rebondissements crédibles, et une conclusion qui, si elle n’est pas surprenante, est absolument satisfaisante pour le fan du genre. Sans jamais être confuse, la série est d’une très haute complexité, s’étalant sur huit épisodes qui ne paraissent jamais longs (avec en plus les idées lumineuses d’une mise en abyme offerte par une audition ultérieure des enquêteurs par une commission politique, et d’un break au sixième épisode qui permet de respirer…).

La Résidence bénéficie également de beaux personnages, pittoresques – voire à la limite du burlesque – mais finement écrits, comme la détective passionnée de « birdwatching » (Uzo Aduba, découverte dans Orange Is The New Black), son sidekick hilarant et dépassé, par ailleurs agent du FBI (Randall Park), ou encore le délirant frère du Président (Jason Lee, qu’on a plaisir à retrouver dans un rôle conséquent). Mais c’est sans doute le beau personnage de A.B. Winter, que Giancarlo Esposito nourrit de son talent, qui permet d’équilibrer l’humour omniprésent dans la série par une note de « sérieux » : il illustre, avec sa conviction habituelle, l’importance du travail bien fait et de l’engagement personnel de chacun, quelle que soit la place qu’elle ou il occupe dans une structure complexe devant résoudre une multitude de problèmes pour avancer. Notons que Kylie Minogue joue son propre rôle avec une jolie auto-dérision, et que la série alimente régulièrement une private joke efficace sur Hugh Jackman (qui est là sans faire partie de la distribution de la série !).

Concluons sur une remarque devenue rituelle lorsque nous visionnons un film ou une série TV états-unienne depuis l’investiture de Trump : c’est avec une certaine nostalgie que nous voyons dans La Résidence un président élu qui est gay, et que nous admirons le professionnalisme général des gens qui « travaillent » à l’écran… Impossible de ne pas se demander ce que A.B. Winter et son équipe auraient fait s’ils avaient eu à satisfaire « la bande à Trump » ! Ou plutôt, on aimerait bien, dans quelques années, une fois le cauchemar actuel dissipé, avoir une série qui nous raconte « la Résidence de Trump« …

Eric Debarnot

The Residence
Série TV US de Paul W. Davies
Avec : Uzo Aduba, Randall Park, Giancarlo Esposito, Molly Griggs, Jason Lee…
Genre : Policier, comédie
8 épisodes de 50 minutes mis en ligne (Netflix) le 20 mars 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.