[Live Review] Early James et Johnny Delaware à la Marbrerie (Montreuil) : l’Amérique qu’on aime

La Marbrerie accueillait ce mercredi soir le troisième volet de l’Eldorado Music Club. Au programme, une opposition de style entre le folk rock de Johnny Delaware et le blues d’Early James. Une belle affiche pour une soirée très réussie.

Early James Marbrerie LF 02
Early James à la Marbrerie – Photo : Laurent Fegly

S’il est bien des soirées qui ne déçoivent jamais le fan d’Americana, ce sont celles organisées par Fargo Mafia dans le cadre de l’Eldorado Music Club. Pour ceux qui ne connaissent pas, la première édition du festival Eldorado a eu lieu en septembre 2024 dans la Sarthe, accueillant notamment Dylan Leblanc ou les Lowland Brothers. En attendant la deuxième édition qui est prévue en juin 2026, nous pouvons profiter de soirées à thèmes dans le même esprit nous permettant de découvrir des groupes bien sympathiques. La soirée précédente, fin avril, avait vu les bluesmen de GA-20 mettre le feu au théâtre des Etoiles. Ce mercredi soir à la Marbrerie, nous avons une alléchante double affiche Johnny Delaware / Early James.

Johnny Delaware Marbrerie LF 01Johnny Delaware évidemment ne s’appelle pas comme ça, puisque son vrai nom est John Kuiper. Né dans le Dakota du Sud et vivant au Mexique, il vient de sortir un très joli Para Llevar, 35 minutes de folk rock tendance Laurel Canyon, très agréable à écouter, qui ne pourra que plaire aux fans de Neil Young, Israel Nash ou Dylan Leblanc, tout en ajoutant des petites touches Mariachi. Il arrive sur scène à 20h, seul avec sa guitare. Zut ! Nous n’entendrons les superbes arrangements du dernier album, mais les chansons tenant debout toutes seules, nous allons passer un excellent moment malgré tout. Physiquement, vous pouvez imaginer un grand chevelu barbu, croisement entre Jonathan Wilson et Roger Hodgson de Supertramp, période Breakfast in America (personne ne se moque, c’était mon groupe préféré au collège !). Johnny est très sympathique, il nous racontera régulièrement sa vie au Mexique avec sa copine qui tient le merch et fait la tournée avec lui. Ce qui est ballot, c’est qu’il n’a presque plus rien à vendre, et notamment les copies physiques de Para Llevar.

Le set est principalement basé sur cet opus, dont il commence par interpréter les deux premiers titres Jungle Full of Ghosts  et le « tube » Running (ça le fait rire, mais dans un monde idéal oui pourquoi pas ?). Le traitement acoustique des titres leur va bien, les compositions sont excellentes, nous ne sommes pas nombreux mais il y a beaucoup de sourires sur les visages. Delaware va puiser dans sa discographie, en interprétant Mystery Man écrit pour son ex-groupe Susto, ou Energy of Light qui était le premier titre de son album précédent du même nom. Le meilleur morceau de Para Llevar, Stubborn Faith, est interprété vers la fin du set. Johnny mime le solo de trompette qui figure sur le disque, nous pensons très fort à l’univers de Neil Casal sur ce titre. Nous apprendrons par la suite que Delaware a beaucoup écouté Casal, et les disques Fargo de l’époque du label, et nous ne pouvons pas être surpris tant cela s’entend dans des compositions qui ne sont pas loin d’être aussi bonnes que celles de son modèle. Après un dernier Never Let Me Go, il prend congé de nous en nous proposant de venir avec son groupe la prochaine fois.  Ce sera avec plaisir Johnny, nous suivrons dorénavant ta carrière de près !

Early James Marbreries LF 1Early James, c’est une tout autre histoire. Né dans l’Alabama, il œuvre dans une pure tradition blues tout en ne délaissant pas les influences plus country qui peuvent dans certains cas évoquer Johnny Cash. Un coté bastringue sur certains titres fait penser à un Tom Waits guitar hero qui aurait laissé tomber ses percussions. Il a été naturellement repéré par Dan Auerbach des Black Keys : ses disques sortent sur Easy Eye Sound et sont produits par Auerbach, ce qui est un gage de qualité mais donne également une touche Black Keys un peu aseptisée sur album. Il va nous montrer ce soir que sur scène, c’est une tout autre affaire, et qu’il a un côté nettement plus sauvage que prévu.

Arrivant en trio avec Guillaume Destarac à la batterie et l’excellent Max Genouel à la basse, il démarre avec I Got This Problem, tiré de son dernier opus Medium Raw. Ce qui frappe immédiatement, c’est la voix : rude, râpeuse, sans âge, on a du mal à croire que James n’a qu’une petite trentaine. C’est viscéral, sale, puissant. Le premier titre très fort, Straightjacket for Two, fait penser à Waits, à tel point qu’il pourrait figurer sur Rain Dogs et qu’on doit vérifier que Marc Ribot n’est pas entré subrepticement sur scène ! Early James est littéralement habité. Moins cabotin que Delaware mais commençant à être plus loquace, il enchaine avec un titre plutôt fun, Mama Can Be My Valentine, dans lequel il nous indique ses archétypes féminins, entre des « pale brunettes » et des filles ressemblant à Loreta Lynn. En attendant de trouver, sa mère peut être sa valentine provisoire. Le titre est entrainant, la sauce prend bien.

Racing to a Red Light est un superbe morceau extrait de l’album Strange Time To Be Alive. Grand blues lent sur lequel James montre son talent à la guitare. La fin du set est marquée par deux tueries, TInfoil Hat et Dig to China pour finir, sur lesquels James se lâche totalement, livrant des solos qui comblent le public de connaisseurs. Le set électrique se termine, le groupe a été excellent, le rappel va se faire en solo acoustique. James qui a maintes fois témoigné de son admiration pour Hank WIlliams, va reprendre Hey, Good Lookin’ pour conclure un « encore » de 4 titres… Et oui, même en acoustique, ce type est très bon.

Nous ne pouvons que souhaiter une longue vie à cet Eldorado Music Club, et appeler tous ceux qui apprécient les auteurs compositeurs intègres et les musiciens talentueux à venir en plus grand nombre pour la prochaine édition.

Texte et photos : Laurent Fegly

 

 

 

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