Herman Düne – Odysseus : Pax americana

Enraciné dans un séjour forcé à Montréal à se recueillir sur la tombe de Leonard Cohen lors de la pandémie, le nouvel album de David Ivar, seul maître à bord d’Herman Düne, ravit encore une fois. Avec violons, voix féminines et chœurs d’enfants au menu de sa folk ligne claire.

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David Ivar, pilotant désormais seul Herman Düne, n’avait pas chômé ces dernières années, en revisitant le répertoire du groupe d’antan, à deux frangins, dans trois volumes très réussis (The Portable Herman Düne, volumes 1 à 3), et même un EP de chansons de Noël passé plus inaperçu. Il est temps de revenir aux choses sérieuses.  L’idée de ce quinzième — si nos comptes sont bons —  album est venu au folk singer déraciné lorsqu’il s’est retrouvé coincé à Montréal, pour des raisons administratives, durant la pandémie, alors qu’il avait dû voyager en Europe. Ivar explique que c’est alors que l’étincelle créative, nourrie par ce sentiment de nostalgie et de vide, alors que son occupation essentielle consistait à se rendre tous les jours sur la tombe de Leonard Cohen. Et que, rétrospectivement, il avait eu l’impression de vivre une odyssée — intérieure donc — d’où le titre de l’album. Voilà pour le décor.

OdysseusAu doux soleil californien de son San Pedro d’adoption, Ivar a tressé une brochette de nouvelles chansons – dix exactement, plus une intro et un intermède instrumental, accompagné de Sebastian Steinberg (contrebasse), Richard Edson (ancien batteur de Sonic Youth), Odessa (violon), et Paul J. Cartwright (violon, et ayant étonnamment joué pour Olivia Rodrigo). Le tout produit par David Garza (Fiona Apple, Iron & Wine…) et enregistré et mixé par Chris Sorem (qui a travaillé avec Los Lobos). On ne s’embête pas à San Pedro.

Au menu de ladite odyssée, quarante minutes de folk ligne claire, avec refrains percutants, de la voix tantôt doucereuse tantôt délicatement éraillée d’Ivar, et immédiatement mémorisables – que demande le peuple ?  Et plutôt façon Johnny Cash vaguement joyeux, parfois métaphysique, que Leonard Cohen. Ainsi, dès le premier vrai morceau de l’album, l’éponyme Odysseus, le refrain (« What’s the sunset without you ? » / Qu’est-ce que le coucher du soleil sans toi ?) emballe une chanson folk plus complexe qu’elle n’en a l’air, entre guitare électto-acoustique, violons, et chœurs d’enfants inattendus au final, pour amener la chanson encore ailleurs. Rebelote plus loin sur Into the darkness indeed avec ce « Maybe I go into the darkness indeed » (Peut-être que je m’enfonce en effet dans l’obscurité) d’un refrain en apparence contradictoire, porté par la voix éraillée et à nu d’Ivar, sur une mélodie portée par le piano et s’envolant pudiquement avec des violons aériens mais jamais too much. Cela pourrait être du Richard Clayderman, c’est juste du Herman Düne, et c’est parfait.

Ce savoir-faire d’or s’accompagne heureusement de « nouveautés », ou plutôt de petites touches rafraîchissantes sur la voie americana d’Herman Düne. Les voix féminines illuminent cet album, en particulier celles de Mayon sur la jolie ballade, presque une comptine, Buffon of Love, ou encore Head against the wall, au titre amusant. Dans le même ordre d’idées, l’ajout de chœurs féminins permet d’enrichir et approfondir certaines mélodies, comme les chansons country 369/The Sun Gon’ Shine, au violon très marqué, sur laquelle notre Franco-américain préféré name-droppe Amy Winehouse sur un cheval sauvage (« Amy Winehouse on a wild horse »), ou A River Keeps Running (When a Good Man Dies). Ce sont mêmes des chœurs d’enfants qui, entremêlés à un violon enjoué, qui clôtureront la dernière chanson de l’album (Viduy) et cette très belle nouvelle livraison. Car Ivar privilégiera toujours la vie, l’humour et l’amour, y compris dans les chansons les plus mélancoliques et poignantes, et c’est ce qui le rend unique.

Même quand il franchit une ligne orange, celle de reprendre et pasticher le riff historique de Loser, par un autre Californien célèbre (Beck), sur Sneakers on the Telephone Line, on ne lui en veut pas vraiment, car il invente une autre chanson. Une autre définition du génie, en quelque sorte. Si bien que, finalement, s’il fallait trouver une vraie limite à cet album, ce serait, tout simplement, que c’est un peu court. On en veut plus ! On retrouvera en tout cas avec plaisir David Ivar et son groupe sur scène à Paris prochainement, notamment au Café de la Danse, les 3 et 4 novembre prochains.

Jérôme Barbarossa

Herman Düne – Odysseus
Label : Santa Cruz / BB*Island/ Idol
Sortie le 13 juin 2025

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