The Reds, Pinks & Purples – The Past Is a Garden I Never Fed : 50 nuances de rouges

Nouvelle collection de Glenn Donaldson, roi californien de la pop DIY camouflé derrière cet alias artistique à rallonge, The Past is a Garden I Never Fed propose le meilleur de son auteur : de la pop d’influence anglaise 80’s doucement mélancolique et aérienne

The Reds, Pinks And Purples
Photo courtesy of Glenn Donaldson

Il y a une énigme Glenn Donaldson. Ce Californien du quartier de Richmond, à San Francisco, passé par plusieurs groupes obscurs, trousse depuis plusieurs années de très jolis albums sous le « nom d’artiste » de The Reds, Pinks & Purples », qui n’indique pas un goût pour la simplicité. Pourtant, sa musique l’est bel et bien : de la pop indie vintage, lo-fi sur les bords, avec des structures « basiques » couplet-refrain-couplet, des guitares carillonnantes, une voix aérienne (celle de Donaldson), une teinte de mélancolie et une touche de romantisme, des thèmes évoquant la solitude dans les grandes villes, l’amitié, l’amour et leurs désillusions, ainsi qu’une forme d’amertume ou de circonspection face au cirque rock et indie.

The Past Is a GardenPour ce qui est de l’essentiel – le son –, chez les puristes, le débat peut faire rage sur le genre le plus proche : jangle pop ou twee pop ? Dans tous les cas, la parenté pop anglaise 80s est patente, filtrée par un feeling personnel émotionnel le rapprochant plutôt de ses compatriotes Guided By Voices ou Grandaddy, ou des Australiens des Go-Betweens. Voire, en exagérant un peu, de l’Irlandais Neil Hannon (The Divine Comedy), autre démiurge capable de tout faire, tout arranger, tout produire, tout chanter… mais un Neil Hannon tout de même moins ambitieux et lyrique, celui d’avant les grands moyens, celui des tous débuts, et le baroque en moins. Voilà en tout cas pour les références, les astres esthétiques, pas les pires qui soient, qui gravitent autour de Glenn Donaldson. Pour notre part, on soulignera surtout le lien avec la twee pop et le son de Sarah Records, même si, au fond, tout cela étant très proche, le débat peut paraître oiseux.

En tout cas, en 2025, Glenn Donaldson, roi du DIY, affiche une tripotée d’albums ou de gros EP (dans tous les cas, ce n’est jamais très long) en quelques années : The Past Is a Garden I Never Fed serait le treizième depuis 2019, après des années à 3 ou 4 livraisons, si bien que même les fans les plus suiveurs ne pouvaient… suivre. Nouveauté avec cette collection été 2025 : l’auteur-compositeur-interprète-groupe a signé chez Fire Records, et bénéficie ainsi de l’appui d’un label expérimenté et qui, on peut l’espérer, va savoir le canaliser, et le développer (et peut-être même, qui sait, lui conseiller de tourner un peu plus, car il est difficile de se développer en tournant si peu).

D’emblée, le titre de l’album autour de ce passé et de cette nostalgie que Donaldson n’entretiendrait pas, semble un peu ironique, puisque celui-ci contient 4 titres déjà publiés auparavant en numérique, parmi ses plus belles réussites : The World Doesn’t Need Another Band (au titre évidemment ironique et auto-dépréciatif, qui ouvre l’album), My Toxic Friend, Trouble Don’t Last et Your Taste Makes You Strange, tous publiés en digital en 2024. Ceux-ci sont emblématiques de sa patte, et on imagine que le label aura poussé pour qu’ils soient repris sur cet album (dont le marketing, pour initiés, repose notamment sur la première publication en physique de tous ces titres). C’est une bonne idée quand on pense que cette musique mérite plus d’écho, même si c’est un peu troublant quand on essaie, tant bien que mal, de suivre l’itinéraire du San-Franciscain. On conseillera donc aux nouveaux venus dans cet univers de les écouter en priorité, même si la collection de chansons est, comme d’habitude, très homogène.

Pas de surprise majeure, en effet, dans les dix titres totalement inédits proposés ici, et qui complète cette collection de quatorze, où l’on note quelques petites touches esquissant une forme de renouvellement : I Only Ever Wanted to See You Fail, la très réussie deuxième chanson de la track-list, propose une mélodie appuyée à l’harmonica qui ménage le poids de la mélancolie inhérente à la voix du chanteur, qui monte plus dans les aigus sur Marty as a Youth. A Figure on the Stairs et Your Cult Is on Fire se parent de distorsion d’une manière inhabituelle dans cet univers feutré, et l’on se dit que c’est peut-être une piste que le démiurge de Richmond pourrait poursuivre. Difficile enfin de ne pas citer What’s the Worst Thing You Heard, au titre dans la veine amère face au « music business » de l’auteur, mélodie aux relents de rock californien rythmée par des changements d’accords récurrents.

De cet album d’été, comme une carte postale ensoleillée envoyée par un lointain cousin, qui constitue un plaisir de saison, on se dit au final qu’il constitue un beau témoignage du meilleur de ce que Glenn Donaldson à nous offrir depuis quelques années. S’il ne prétendra pas aux premières places des charts, ni à en faire une improbable popstar, il nous semble que The Past Is a Garden I Never Fed constitue un support idéal pour faire mieux connaître son auteur – et donc pour une tournée qu’on espère la plus large possible. Jusqu’ici, l’homme a pour habitude de donner, entouré d’amis proches, quelques concerts par an aux Etats-Unis, n’ayant joué qu’exceptionnellement hors de son pays (pour quelques dates au Royaume-Uni). Soyons fous : écoutons Glenn Donaldson et The Reds, Pinks & Purples, mais surtout, espérons une tournée européenne passant par la France dans quelques mois !

Jérôme Barbarossa

The Reds, Pinks & Purples
The Past Is a Garden I Never Fed
Label : Fire Records
Date de sortie : 4 juillet 2025

 

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