« Touch – Nos étreintes passées » : sur les traces d’un amour de jeunesse

Un vieil homme en passe de perdre la mémoire quitte l’Islande à la recherche d’un amour perdu. Un mélodrame doux-amer de facture classique, une chronique intimiste inscrite dans la grande Histoire, pour célébrer les élans qui, faisant fi des différences, nous poussent vers les autres.

Touch - Nos étreintes passées : Photo

Connu pour ses films d’action et de survie, le réalisateur islandais Baltasar Kormakur, de retour dans son pays natal, s’attaque au genre périlleux du mélodrame avec Touch-Nos étreintes passées, adaptation d’un best-seller de son compatriote Ólafur Jóhann Ólafsson . Il met en scène Kristofer, un cuisinier septuagénaire de Reykavick qui quitte tout pour partir à la recherche de Miko, rencontrée à Londres dans les années 70. Ce voyage, en quête de ses premiers émois avec celle qu’il n’a jamais cessé d’aimer, le conduira jusqu’au Japon. Une belle histoire pour ce film de facture classique, enveloppé dans une douce amertume qui fait sa singularité.

touch-afficheRetrouver les émotions du passé, celles qui faisaient une fête de chaque rencontre avec l’être aimé, sans doute beaucoup d’entre nous en rêvent-ils, mais rares sont ceux qui, à l’âge de la retraite, se mettent en quête de leur premier amour avec autant de détermination que Kristofer (Eigill Olafsson). Alors que sa mémoire est en train de le fuir et qu’il redoute que la maladie d’Alzheimer n’efface définitivement ses souvenirs les plus chers, il décide, sur les conseils de son médecin, d’aller au bout de ce qui, dans sa vie, est resté en suspens. Il abandonne alors l’Islande et son restaurant pour tenter de retrouver Miko (Koki Mitani), la fille du propriétaire du restaurant où, sur un coup de tête, il s’était fait embaucher. C’était à Londres, il y a cinquante ans, à l’époque où John Lennon chantait Give Peace a Chance… Un histoire secrète et intense, interrompue par le départ aussi brusque qu’inexpliqué du patron et de toute sa famille.

Sans surprise, le film s’organise en une série d’allers-retours entre le passé de Kristofer (Palmi Kormakur, le fils du réalisateur) marqué par l’éblouissement de sa rencontre et de sa relation avec Miko, et le présent, marqué par sa solitude de veuf. Une solitude rendue encore plus sensible, en ce début 2020, par les étouffantes contraintes liées à la pandémie de COViD-19. Aux inoubliables « étreintes du passé » s’oppose la distance désormais de mise dans les relatons avec autrui. Pourtant, c’est dans la lumière des moments heureux que baigne le film, souvenirs sans doute idéalisés de cette cuisine où Kristofer s’est initié aux recettes asiatiques, de cette arrière-cour témoin de ses rendez- vous clandestins avec Miko. Y est né un amour timide qui émeut par sa sincérité, sa spontanéité, et qui fait fi des différences entre les cultures. Mais si leur statut d’expatriés à Londres les rapproche, la dépendance de Miko, étroitement surveillée par son père, s’oppose à la liberté insouciante du jeune homme. Et leur éloignement du pays natal a des raisons bien différentes : l’un a choisi d’étudier à la prestigieuse London School of Economics, l’autre a dû fuir le Japon après Hiroshima.

En effet, si Touch coche toutes les cases du mélodrame romantique, si les héros sont beaux, sympathiques et touchants, si les péripéties de leur relation sont – presque toutes – largement prévisibles, l’originalité du film vient de l’inscription de cette chronique intimiste dans la grande Histoire et la mémoire collective. Il nous rappelle les conséquences mal connues d’Hiroshima, en particulier le sort réservé aux « hibakusha », ces survivants de l’atome à jamais marqués dans leur chair mais aussi stigmatisés par une peur infondée de la contamination. Voilà qui en vient à donner au film, derrière ses aspects un peu trop lisses, une gravité que l’on ne soupçonnait pas. Aux images des étreintes de deux jeunes gens qui croient en leur avenir, Touch oppose celles de la maladie – de l’esprit, du corps – et de la mort . Radioactivité, corona virus, au-delà des dangers réels ou fantasmés dont ils sont porteurs, deviennent une métaphore de notre peur de l’autre, et de la tentation d’exclusion qui en découle.

Empli à la fois du sentiment inexorable du temps qui passe, de la douleur des histoires sacrifiées et des souvenirs éblouis qui ne s’effacent pas, le film se déploie dans une douce mélancolie qui ne sombre jamais dans la mièvrerie. Un voyage géographique et sentimental entre trois îles, pour célébrer, certes, « le temps retrouvé », mais aussi la fougue des premières amours et, plus largement, l’élan qui nous pousse vers les autres. Un élan que résume le titre : en mettant le toucher au centre de notre relation à autrui – toucher, être touché, dans tous les sens du terme – il pourrait bien aussi faire d’un constat un impératif.

Anne Randon

Touch – Nos étreintes passées
Film islandais de Baltasar Kormakur
Avec Eigill Olafsson, Palmi Kormakur, Koki Mitani…
Genre : drame romantique
Durée : 2h 01
Sortie en salle : le 30 juillet 2025

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