« Zem » de Laurent Gaudé : La révolte des chiens !

Laurent Gaudé nous offre la suite de Chien 51 ! La société futuriste qu’il imagine tente-t-elle de se transformer pour le meilleur ? Salia Malberg et Zem Sparak veulent y voir plus clair en enquêtant dans les zones d’ombre. Ce qu’ils découvriront les marquera à jamais. Un deuxième tome aussi réussi que le premier.

Laurent-Gaude-2024
© Jean-Luc Bertini

Salia Malberg va mieux. On l’avait laissée à la fin de Chien 51 dans un état d’hébétude quasi permanente (tout est dans le quasi) suite aux tortures à coups d’images pornographiques extrêmes, de violences insoutenables ou encore de viandes découpées, etc, etc… Tout cela est digne de Kubrick et d’Orange mécanique. 
En tout cas, dans cette suite, Salia a pu reprendre son travail de flic. Elle est suivie à contre cœur par une psychiatre. Elle parle et vit. Parfois une diarrhée verbale de quelques secondes l’assaillit. Pas de quoi la perturber. D’autant qu’en cachette, elle ne peut s’empêcher d’aller regarder des images vidéos d’actes extrêmes. Ce qui paradoxalement la met dans un état de transe et l’amène à voir la vraie beauté.
Son état reste donc sacrément complexe, ce qui finalement est à l’image du personnage et de son évolution entre les deux livres. Une femme intégrée quoi qu’un peu suspicieuse à l’égard de la société proposée par Goldtex, notamment pour les zones d’habitation jusqu’à devenir une femme révolutionnaire.
« Elle pleure. Non pas de la violence qu’elle vient d’avaler, mais de cette vision pure, éphémère, qui lui a été offerte et sur laquelle elle voudrait pouvoir serrer le poing pour la garder toujours. »

Laurent Gaudé - ZemZem Sparak lui ne va pas tellement mieux. Il a tenté de mettre fin à ses jours. On l’a sauvé de justesse. Salia l’a sauvé. Il le regrette profondément et lui en veut.
Les deux personnages de Chien 51 vont donc mal.
C’est dans ce contexte qu’on les retrouve. Ils enquêtent, chacun de leur côté, sans se voir, sans se croiser mais le destin sous la plume de Laurent Gaudé va de nouveau les réunir.
Goldtex, la société qui verrouille tout et contrôle le « pays » a un grand projet. Elle veut réunir les zones 1, 2 et 3. Quel humanisme ! Elle promet d’assurer la prospérité de tous les cilariés (les citoyens salariés). Elle exploite une nouvelle forme d’énergie. Son projet est grandiose. Les quais qui doivent ouvrir très bientôt assureront l’approvisionnement et la vie sera belle, elle le promet.
Aussi quand un cargo arrive et qu’on découvre cinq cadavres dedans, peu importe que ce soit des Rebuts de sa société idéale (ceux qui n’entrent pas dans le cadre sont rejetés et envoyés hors zone, dans le grand nulle part), le grand chef n’est pas content.
Salia Malberg et Zem Sparak se retrouvent alors pour mener une enquête qui doit être rapide. Ce qu’ils découvriront va leur amener de graves ennuis mais finalement les libèrera.

« Il y a d’autres mondes, murmure-t-il, et c’est comme si cette phrase contenait pour lui des trésors enfouis depuis des siècles. Elle est déstabilisée par cette fragilité qu’elle ne lui connaissait pas. »

Laurent Gaudé n’en avait donc pas fini avec ces deux personnages. Ni avec cette société futuriste profondément détestable.
Et en terme de détestable, l’auteur va aller encore plus loin. 
Si les zones 1 à 3 étaient déjà rebutantes, la découverte que feront nos enquêteurs va leur donner l’impulsion pour tout lâcher, ce sera l’étincelle qui mettra tout en branle.
« J’avais tout coupé. J’avais désobéi à l’appel d’urgence. Et tu n’as rien signalé. Pourquoi as-tu fait ça ?”
Motus prend de nouveau un temps long avant de répondre. Comme si la machine hésitait ou – est-ce possible ? – comme si elle était presque timide.
“La loyauté. »
Il ne dit rien de plus. La loyauté. Salia pourrait pleurer. Si les machines peuvent désobéir par loyauté, peut-être faut-il encore croire en l’avenir. »

Pour autant, la lecture de ce Zem démarre doucement. On ne comprend où Gaudé veut aller. N’abandonnez surtout pas au bout de 50 pages car les intrigues finissent pas se mêler. Laurent Gaudé nous emmène alors au fond de ce que l’humain peut avoir de pire en lui mais cela ouvrira la porte à une révolution et à un final grandiose !

Sébastien Rivoir

Zem
Roman de Laurent Gaudé
Editeur : Actes sud
288 pages – 22 €
Date de parution : 20 août 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.