[Netflix] « Deux tombes » : la douleur, la rage et les invraisemblances

Mal reçue en Espagne, la mini-série Netflix Dos tumbas (Deux tombes) a été un succès international, pas forcément explicable. Le charme de l’Andalousie, décidément formidablement cinégénique, ou bien l’éternelle fascination exercée par les histoires de vengeance ?

Deux tombes
Copyright Jorge Fuembuena/Netflix

« Celui qui recherche la vengeance devrait commencer… par creuser deux tombes. » : c’est la citation célèbre de Confucius qui a inspiré le titre de la dernière mini-série espagnole produite par Netflix. Une mini-série très mini, puisque constituée de trois épisodes d’une cinquantaine de minutes, donc regardable en une seule fois… ce qui pose la question évidente : pourquoi pas un film, en coupant ça et là quelques scènes inutiles ? Ou, à l’inverse, pourquoi ne pas monter au format britannique de six épisodes, qui a prouvé son efficacité, en ajoutant de la densité aux personnages ? Bon, on n’est jamais content, c’est vrai, puisqu’on reproche très souvent aux séries de diluer leur sujet, d’allonger la sauce jusqu’à en perdre toute saveur.

Deux tombes afficheDeux tombes a été un succès international étonnant – pas forcément anticipé par Netflix -, d’autant que la réception en Espagne a été fraîche, sinon glaciale : scénario trop explicatif, abus d’invraisemblances, atmosphère hésitant entre gravité et comédie involontaire, final plus « spectaculaire » qu’émouvant, Andalousie utilisée avec un angle assez « folklorique »… rien n’a été assez bon pour la critique – et le public ? – ibère. Pourtant, cette histoire d’enquête menée par une grand-mère, brisée de douleur, à cause de la disparition irrésolue de l’une de ses deux petites-filles, probablement morte comme son amie avec qui elle était, retrouvée violée et noyée en mer, a un atout indiscutable : l’interprétation forte de Kiti Mánver, surtout connue en France pour des seconds rôles chez Almodóvar. Le reste du casting ne vole clairement pas à la même hauteur, avec en particulier un Álvaro Morte dans un rôle de criminel maffieux auquel on ne croit pas une seconde, un Álvaro Morte qui risque bien de rester pour toujours « El Professor » de la Casa de Papel, et rien d’autre.

Ce qui est (assez) bien vu dans Deux tombes, c’est de ne pas poursuivre longtemps la « piste du thriller », forcément convenue, et de devenir un pur drame, respectant en cela la phrase confucienne : très vite, les actions de la mamie enragée et vengeresse déraillent, et ont des conséquences irréversibles. Et puis, aux deux-tiers de la minisérie, les scénaristes (on parle ici du collectif responsable de best sellers, « Carmen Mola« , composé de Jorge Díaz, Agustín Martínez et Antonio Santos Mercero) prennent une décision osée, inhabituelle : nous révéler la solution de « l’énigme », ce qui leur permet de se concentrer sur ses conséquences : bien vu !

Dommage donc que ces scénaristes prestigieux et célébrés n’aient pas un peu plus travaillé la vraisemblance des péripéties de Deux tombes, et n’aient pas choisi de privilégier encore plus franchement la piste du « drame psychologique », certainement plus féconde que celle d’une nième série télé sur la disparition mystérieuse d’une adolescente, avec masculinité toxique à la clé. Bref, une mini-série regardable, mais n’exploitant pas tout le potentiel de son sujet.

Eric Debarnot

Dos tumbas (Deux tombes)
Série TV espagnole de Carmen Mola, dirigée par Toni Carrizosa
Avec : Kiti Mánver, Álvaro Morte, Hovik Keuchkerian
Genre : drame, thriller
3 épisodes de 50 minutes mis en ligne (Netflix) le 29 août 2025

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