Dans Libre échange, Michael Angelo Covino délaisse l’introspection de The Climb pour une farce burlesque et décomplexée, où couples et amitiés explosent à coups de punchlines, de jetskis coulés et de bagarres d’anthologie.

On était sans nouvelles de Michael Angelo Covino depuis 6 ans, et son fort séduisant The Climb, récit d’une amitié masculine mise à l’épreuve sur le long terme, au fil de chapitres entièrement tournés en plans-séquence. Libre échange fait a priori montre d’une ambition moindre, tout en modulant sur les mêmes thématiques, puisqu’il sera question d’un duo d’amis vicié par la convoitise de la femme de l’un par l’autre.
L’étude de mœurs interroge la structure contemporaine du couple et les différentes options qui semblent s’offrir à lui, notamment dans les relations ouvertes et le polyamour. L’occasion d’un sabotage en règle d’un mariage récent dans l’ouverture, et de l’exposé d’un accord apparemment apaisé dans le second couple, qui va rapidement voler en éclat.
Covino ne prétend pourtant pas radiographier les cœurs à grands renforts de discussions ou de dissection du sentiment amoureux, dans l’esprit d’un Rohmer ou d’un Mouret. Dès la séquence d’ouverture, le ton est donné, dans une séquence qui mêle règlement de comptes, érotisme et carambolage : les personnages agissent, foncent tête baissée, et regardent après coups, assez subrepticement, les conséquences de leurs actes.
La comédie est donc franche et assumée, menée tambour battant, alignant les punchlines et les mandales. Dans cet espace modulable, les couples se font et se défont au même rythme que la fortune, symbole de la réussite, l’argent restant presque toujours le nerf de la guerre (« on a de l’argent et des enfants, on ne pourra jamais divorcer », résume ainsi un des protagonistes). On coule des jetskis en citant des philosophes, on expérimente à tout va, et, surtout, on reste en permanence dans le mouvement, accompagné par la mise en scène dynamique de Covino. La plus grande réussite du film réside dans cette part assumée de « slapstick », notamment dans une scène de bagarre d’anthologie, qui met à rude épreuve l’intégralité du mobilier, et semble repousser les limites de celle qui constituait le cœur tapageur d’Anora l’année dernière.
Comédie anti-romantique, burlesque et décomplexée, Libre échange brille par l’incarnation de ses excellents comédiens et sa maîtrise du tempo ; à la manière des pièces de Marivaux, il ne faudra pas y chercher une remise en question des repères traditionnels, le dénouement faisant preuve d’une certaine frilosité morale. Mais, pour peu qu’on ait la chance de voir le film dans une salle bien remplie, l’opportunité de rire de bon cœur et de concert avec ses pairs est un plaisir trop rare pour s’en priver.
Sergent Pepper