En 1992, il y a une éternité donc, paraissait le premier album de Brian, Understand, un chef d’œuvre méconnu de l’indie pop. Mais la superbe réédition proposée par Needle Mythology offre enfin l’opportunité de (re)découvrir les chansons fragiles, gracieuses et élégantes de Ken Sweeney.

Understand est un disque que les amoureux du label Sarah records connaissent bien. Ils ont même l’habitude de dire que cet album, publié par Setanta (et produit selon la légende avec seulement cent livres sterling), est un “album perdu” qui aurait dû paraître sur le label aux cerises. Et il est vrai que lorsque l’on écoute pour la première fois les quelques chansons qui composent le premier album de Brian – prénom derrière lequel se cache le Dublinois Ken Sweeney – le lien de parenté avec les groupes de l’écurie Sarah est évident. Même sens mélodique, mêmes guitares qui carillonnent, même voix fragile et en retrait, même mélancolie romantique… Impossible de ne pas penser à The Field Mice, Brighter ou The Sweetest Ache, bref quelques-uns des plus beaux fleurons de cette pop typiquement anglaise du début des années 90.
Paru en 1992, et sans doute passé quelque peu inaperçu à l’époque, Understand a acquis au fil des années le statut de disque culte, l’un de ces trésors cachés que les amateurs de musique aiment se conseiller, mais qu’il faut aller dénicher sur discogs ou, avec un peu de chance, dans les bacs réservés aux disques d’occasion. Enfin réédité en 2025, à la toute fin de l’été, par le label Needle Mythology, Understand va peut-être avoir la chance de rencontrer un public un peu plus large. Saluons au passage le formidable travail de ce label qui nous a récemment offert une réédition de l’indispensable Astronauts des Lilac Time, mais aussi la très belle compilation Think Once More (A Journey With The Montgolfier Brothers).
Magnifiquement remasterisées, les huit chansons d’Understand semblent avoir gagné une certaine ampleur, mais sans rien perdre de leur si belle gracilité. En les réécoutant, on en vient même à jalouser ceux qui vont entendre pour la première fois des merveilles telles que Understand (le titre qui ouvre l’album), Big Green Eyes, You Don’t Want A Boyfriend ou l’extraordinaire Time Stood Still qui conclut le disque. En fait, c’est bien simple, toutes les chansons de Ken Sweeney éblouissent par leur charme et leur sensibilité qui transparaît à travers chaque note, chaque mot… En réécoutant Understand on en vient même à se demander pourquoi cet album n’a pas connu le même destin que le If You’re Feeling Sinister, le deuxième Belle and Sebastian qui a permis au groupe de Stuart Murdoch de devenir l’une des coqueluches de l’indie pop des nineties… Les similitudes entre les deux disques sont pourtant flagrantes : délicatesse de chansons qui ne tiennent que sur un fil, sensibilité à fleur de peau, bref des imperfections qui paradoxalement rendent ces deux albums absolument uniques. Cette réédition – renommée pour l’occasion Understood – nous offre aussi quelques titres supplémentaires : les quatre chansons du EP Planes (parmi lesquelles la sublime Planes Stacking Up) et un inédit, If You Knew, qui aurait pu trouver sa place sur Understand dès 1992.
Après ce disque, Kew Sweeney enregistrera un second album sous le nom de Brian : Bring Trouble (1999), un joli disque qui parvient ponctuellement à rejoindre les cimes atteintes sur Understand. Devenu journaliste, Sweeney, hélas, n’a pas donné de suite à sa courte discographie.
Bien sûr, ceux qui aiment la pop taillée pour les stades, les chansons-hymnes qui balaient tout sur leur passage, risquent de passer à côté de la douceur et de la fragilité d’une musique qui, il faut bien le reconnaître, ressemble beaucoup à celui que l’on était en 1992 – un ado maladroit qui ne vivait qu’à travers ses disques et ses livres. Qu’il connaisse enfin le succès qu’il mérite ou qu’il conserve ce parfum de confidentialité qui lui va si bien, Understand restera quoi qu’il en soit un de nos disques de chevet.
Grégory Seyer