C’est Edith qui s’est collée à ce quatrième tome de la série Les Romans durs de Simenon. A lui seul, son dessin dit tout de la noirceur de cette histoire avec cette élégante sobriété qui le caractérise. Une ambiance graphique forte : c’est tout ce qu’on attend d’une bande dessinée.

Alors bien entendu, quand on connait Simenon, on sait d’emblée que l’histoire ne va pas être particulièrement jouasse. Ici, dès les premières pages, il devient évident que tout cela va très mal finir. Les personnages sont empêtrés dans leur solitude. On sent enfler une détresse profonde chevillée aux corps de chacun des personnages. Le scénario mené de main de maître distille une menace sourde qui déploie ses grandes ailes de vautour.
La seule énigme, la question qui hante le lecteur tout au long des 90 pages est de savoir qui va perdre les pédales ? Sur quelle tête va s’abattre le couperet ? Pour quel sombre motif ? Sous ce ciel morne, les psychologies se dévoilent peu à peu, mijotant dans l’attente de l’irrémédiable.
Cette histoire est habillée de la meilleure manière qui soit. Ce qui frappe dans le dessin d’Edith est son charme désuet et intemporel. A chaque nouvelle BD, son trait semble encore plus fin et précis. Ici, elle peuple les pages de personnages aux visages inquiets et inquiétants, ses paysages demeurent désespérément clos où la pluie dispute au brouillard la charge de barrer l’horizon. Elle s’appuie en outre sur une gamme chromatique parfaitement choisie composée de toutes les nuances possibles de bleu et de gris. Quand une rare flamme vient réchauffer les visages, c’est pour mieux prendre le lecteur dans la toile de tragiques confidences, ou le rendre témoin d’un malheur, ne faisant ainsi qu’accentuer le mouvement vers la chute, au point qu’il ne sait plus vraiment s’il est complice ou juré.
A l’occasion de cette nouvelle adaptation, le duo formé par Edith et José-Louis Bocquet accomplit un travail admirable, splendide s’il est permis de parler de splendeur au sujet d’une histoire aussi glauque. Le scénario taillé par Bocquet est tendu comme un arc, bien ramassé autour de ses protagonistes. Quant à l’autrice de Moi, Edin Björnsson, elle ne s’est pas contentée de mettre en image le récit de son acolyte, mais a su raconter les non-dits. Une perle de noirceur !
Arnaud Proudhon
La Maison du canal
Scénario : José-Louis Bocquet
Dessin : Edith
Editeur : Dargaud
96 pages – 22,95 €
Parution : 26 septembre 2025
La Maison du canal — Extrait :
