Pas de grand frisson, mais la certitude d’avoir vu trois vétérans toujours capables de faire gronder la poussière : le power trio de Brant Bjork a offert un set dense, hommage à une époque qui refuse de mourir.

Les nombreux (relativement) jeunes fans de QOTSA ne le savaient sans doute pas : quelques jours après le triomphe de nos chères « Queens » au Grand Rex, Brant Bjork passait aussi à Paris. En effet, le Café de la Danse était ce jeudi soir majoritairement rempli par les têtes grisonnantes, voire blanches, de vieux briscards du heavy metal des années 70 et du rock stoner de la fin du XXème siècle. En fait, on peut surtout supposer que le nom de Kyuss, groupe séminal du genre, dans lequel Josh Homme a fait ses premiers pas en compagnie de Brant Bjork (et de John Garcia et Nick Oliveri), est peu à peu tombé dans l’anonymat… Ce qui expliquerait que le Café de la Danse ne soit même pas sold out… Ou alors, il est aussi possible que l’épuisement progressif de l’inspiration de Bjork, qui est tombé peu à peu dans la redite et la répétition de riffs bien usés, lui ait désormais coûté une part de son public. Sauf que c’est le Brant Bjork Trio qui est en ville, ce qui fait la différence…
20h00 : …mais en attendant d’en parler, revenons sur la première partie de la soirée, Electric Jaguar Baby : le duo français de « fuzz rock », comme ils aiment se qualifier, que nous avions déjà vu sur scène il y a deux ans en première partie des Meatbodies. Rappelons que Franck est à la batterie et Tony à la guitare, dans une configuration immortalisée bien entendu par les White Stripes, mais qui commence quand même à être usée, elle aussi. Ils nous proposent une balade énervée à travers divers genres musicaux, du rock stoner bien sûr au garage punk en passant par le blues rock… mais, en dépit de la saine agressivité qui se dégage de pas mal de morceaux, on n’échappe pas à une certaine « banalité ». Peut-être parce que les compositions sont peu originales, ou que les vocaux sont, comme souvent chez les groupes français, un point faible, les trente minutes de leur set nous paraissent longuettes. Attention, Electric Jaguar Baby, c’est loin d’être mauvais, et leur set nous a semblé d’ailleurs plus énergique que celui vu en 2023. Le problème est juste que tout cela reste… assez ordinaire. Désolé, les bébés jaguars, tout ça manquait finalement d’électricité, la vraie, celle qui ne vient pas de la prise dans le mur.
20h50 : Brant Bjork Trio, c’est donc la nouvelle formule qui héberge la musique du guitariste Brant Bjork, et qui bénéficie de l’apport notable du bassiste (quasi) légendaire – et de fait très impressionnant sur scène – Mario Lalli, de Fatso Jetson, un groupe que les vrais experts créditent de la réelle invention du sous-genre du Rock Stoner, ce fameux « desert rock » ! Et, de fait, dans la salle, les cris de « Mario ! Mario ! » résonneront régulièrement… ce qui ne semblera ni réjouir ni émouvoir d’ailleurs le fameux bassiste, concentré sur son travail virtuose.
Le « power trio » formé autour de l’ancien de Kyuss va nous régaler d’une heure et quart de bon vieux rock metal que l’on a envie de qualifier de classique, parfois réellement stoner, mais pas seulement. C’est la fête au riff qui tue, posé sur une rythmique dure et puissante. Bjork chante – plutôt bien – mais finalement assez rarement sur des morceaux qui ont plutôt l’apparence d’instrumentaux. Les soli de guitare sont nombreux mais assez retenus, puisqu’il ne s’agit pas, bien entendu, de se livrer à des démonstrations de virtuosité gratuite comme dans les années 70.
On ne repérera, c’est paradoxal, et sans doute dommage vu la qualité de Once Upon A Time In The Desert, l’unique album du Brant Bjork Trio, que quatre chansons qui en sont extraites, dont les formidables Backin’ The Daze et Down The Mountain. Comment ne pas regretter que le brutal Rock And Roll in The Dirt ait été oublié ce soir ? Le reste de la setlist revisite pour le bonheur des fans un peu toutes les époques de la carrière du musicien, que ce soit en solo, avec Ché, The Low Desert Punk Band, ou The Bros. Ce qui garantit un festival de guitare, mais, et on sait que c’est la limite de l’exercice, un léger sentiment de répétition au bout d’un moment, avec des titres à la structure similaire. Le set aurait certainement gagné en originalité s’il avait alterné des morceaux plus ramassés, purement efficaces, et d’autres plus étirés, ouverts à des expérimentations plus aventureuses.
Mais bon, après un petit coup de mou à mi-course, la dernière longueur s’avéra heureusement assez incendiaire, plus excitante aussi, avec des morceaux comme Too Many Chiefs… Not Enough Indians ou Low Desert Punk. Brant semble heureux de l’accueil chaleureux reçu ce soir à Paris par un public il est vrai conquis d’avance.
Quant à nous, même s’il ne s’agissait certainement pas du concert de l’année 2025, nous avons vécu de beaux moments musicaux (d’ailleurs aidés par un son parfait et des éclairages bien meilleurs que ceux auxquels nous sommes désormais habitués – merci au Café de la Danse !).
Electric Jaguar Baby : ![]()
Brant Bjork Trio : ![]()
Eric Debarnot
Photos : Christian Arnaud (merci à lui !)
