[Live Review] Alela Diane et Two Runner au Théâtre de l’Athénée (Paris) : pour que triomphent la vie et la beauté

De retour en France dans le cadre de sa tournée européenne, en cette semaine du 13 novembre, Alela Diane en profite pour étrenner des chansons de son nouvel album, à paraître au printemps prochain. Le tout avec un nouveau groupe, le duo féminin Two Runner, qui en assure aussi la très vivante première partie.

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Alela Diane au Théâtre de l’Athénée – Photo : Laurence Buisson

Subitement, l’hiver est arrivé. L’automne était en retard, nous baignant dans une quasi douceur étrange. Alors, l’hiver s’est décidé à prendre la place. Tranquillement. La fraîcheur, l’humidité étaient partout, depuis à peine à quelques jours. Novembre. Le mois des concerts. Celui où on commence à avoir vraiment plus envie de rester chez soi aussi. Le début de cette tension « sortir ou pas ? » Pour ce soir, c’était réglé en tout cas depuis pas mal de temps, la soirée était prise à l’agenda, en cette veille de jour férié, et il valait mieux faire vite : l’Athénée avait affiché complet rapidement pour le retour d’Alela Diane à Paris, où elle se montre pourtant régulièrement, et sans activité discographique, son dernier (et très bel) album, Looking Glass, datant de 2022.

On avait fait fi des considérations de calendrier : cette semaine du 13 novembre était-elle vraiment la meilleure semaine de l’année pour fréquenter les salles de concerts, qui plus est en cette année des dix ans des attentats de 2015 ? Là aussi, même si on ne l’avait pas vu, l’hiver nous avait rattrapés il y a quelques jours, par la voix de Laurent Nunez, l’homme de la situation, de l’Intérieur après avoir été Préfet de Police de Paris (et, de toute façon, en chacune de ces fonctions respectives sommeille l’autre). Il valait mieux ne pas aller voir des concerts cette semaine, avait dit en somme le porte-parole de l’Hiver, message le plus responsable adressé par les autorités, merci. Ne pas aller voir de concerts ? Non, non, et encore non. Bien sûr qu’il faut continuer à exalter la victoire de la vie, de la beauté, de l’art. Quoi de mieux donc qu’un concert de la musicienne de Portland pour réchauffer les cœurs ? C’était acquis, nous irions bien à l’Athénée ce 10 novembre 2025. Même pour une soirée, curieusement organisée dans le cadre des soirées « Jazz à l’Athénée »… Dimanche, ce sera dans le cadre du festival « Blues en Seine » à Mantes-la-Jolie. Oublions donc au passage que l’Île-de-France a un peu de mal avec Alela Diane.

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A 20h10, avec 10 minutes de retard sur l’horaire théorique, deux jeunes femmes répondant au nom de groupe de Two Runner (oui, sans « s ») s’avancent, timidement, sur la scène du prestigieux théâtre parisien, cet écrin idéal pour une performance à la fois intime et devant un public conséquent (pas loin de 600 places). Originaires de Caroline du Nord, Paige Anderson, à la guitare et au chant, principale compositrice, et Emilie Rose, violoniste, vont vite preuve d’une certaine confiance au moment de délivrer leurs 6 chansons de folk pastorale, aux mélodies simples. Heureuses d’être là, et d’accompagner Alela Diane sur cette tournée, comme l’expliquera Page. Un accompagnement plein et entier, puisque, en sus d’assurer sa première partie, Two Runner accompagne également la chanteuse de Portland sur scène. Celle-ci leur renverra ensuite bien volontiers l’ascenseur en saluant leur performance, et en indiquant que Two Runner tournait énormément aux quatre coins des Etats-Unis.

Page Anderson et Emilie Rose sont donc des habituées des campagnes, du « vide » américain, qui est ce qui peuple le plus ce pays contrasté. Et Paris comme l’Athénée les impressionnent, en positif ; combien de fois Page répète-t-elle que c’est un endroits les plus dingues dans lesquels elles aient jamais joué, ébahie par les statues rococo, les stucs dorés… Et celle qui a chanté sur scène dans le groupe familial de bluegrass depuis l’âge de 9 ans, de prendre son banjo, fabriqué en 1902 à Boston indique-t-elle, et dont elle prend grand soin, pour la deuxième partie de leur court set, permettant de renouveler une formule guitare – violon par essence limitée. Two Runner n’est pas révolutionnaire, mais cela donne envie d’écouter leur premier album à date (Modern Cowboy, 2023) et le duo est bien sympathique.

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Après quinze minutes de pause, place au plat de résistance. A 20h50, Alela Diane s’avance pour un set qui est annoncé durer 1h15. Nous avions déjà dit par le passé tout le bien qu’on pouvait penser de celle qui a rénové brillamment la folk depuis 2006, lors de son dernier passage au Trianon : en près de vingt ans de carrière, la jeune femme frêle et fragile des débuts a cédé le pas à une artiste accomplie et sûre d’elle, de ses forces, et d’abord de la pureté de sa voix, cristalline, merveilleuse, sans un instant de rodage, dès les premiers mots, pour un magnifique Galloping en solo. Le ton est donné, en l’occurrence celui du nouvel album, enregistré l’été dernier, et qui paraîtra en mai-juin, indique la chanteuse de Portland, rejointe par le duo de Two Runner pour l’accompagner pour l’essentiel de son set.

Ce soir, Alela Diane délivrera au total quatre chansons de ce futur opus, les trois autres titres étant disséminés en milieu de set, tous très convaincants : Dusty Roses, California et, surtout, Wide Open Spaces, « une chanson à propos de [son] frère et du sentiment qui nous anime : on s’aime mais on est très différents, lui et moi », d’où surnage ce point commun : « We both love wild open spaces » (Nous aimons tous deux les grands espaces). La setlist sera panachée pour le reste entre ses deux premiers albums (The Pirate’s Gospel et To Be Still, quatre chansons chacun) et les deux derniers (Looking Glass et Cusp, quatre et deux chansons), faisant l’impasse sur les trois albums entre 2011 et 2015, du reste assez logiquement, car artistiquement moins marquants, même si comportant chacun leur lot de bonnes titres, avant le retour aux sommets amorcé par Cusp (2018), et confirmé par Looking Glass (2022).

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Ce soir, nous relèverons pour notre part surtout les versions impeccables et frémissantes de White as Diamonds (« écrite après une tempête de neige à Portland, cela avait été le chaos total, personne n’était allé au boulot, bref c’était super ! »), Paloma (bien appuyée aux chœurs par Page Anderson, malgré la proximité de leurs registres vocaux), Dream a River (perle du dernier album, où la voix de Diane monte très haut), et du doublé final Oh My MamaThe Rifle. Bien accompagnée, encore une fois, par Page Anderson passée au banjo sur trois chansons, Alela Diane délivrera aussi une belle version de son « tube », « écrit il y a 21 ans alors que j’avais 21 ans », The Pirate’s Gospel, en sixième position sur la setlist, et qui fera momentanément clapper des mains au public de l’Athénée (doit-on clapper des mains sur The Pirate’s Gospel ? Le débat est ouvert…). La chanteuse a aussi réservé à son public deux beaux moments acoustiques en fin de concert : d’abord seule au piano, pour des versions simples et magnifiques d’Ether & Wood et d’Howling Wind, puis le rappel unique, à nouveau en trio, pour le touchant Of Love.

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Mais, surtout, la folk-singer de l’Oregon a pris son temps, pour se connecter à son public, en artiste accomplie de 42 ans, offrant une chanson à la demande en fin de set (en l’occurrence, la très belle Tired feet, de son premier disque), multipliant les anecdotes et les aperçus sur sa vie personnelle, amusant plus d’une fois l’Athénée, à l’évocation de ses deux enfants n’ayant que peu à faire de ses pérégrinations à Paris ou ailleurs quand elle les appelle, ou détaillant le menu de sa journée de repos de la veille : « J’ai eu l’impression de ne passer mon temps qu’à manger : déjeuner copieux, puis digestion du déjeuner, puis dîner… Ca fait se sentir en vacances ! » Ou encore quand elle charrie ses musiciennes, découvrant Paris (« Paige a découvert la Tour Eiffel hier ! »), cette dernière le lui rendant bien en surjouant un peu la bonne Américaine des campagnes découvrant la grande ville…

Au final, avec cet humour, cette « chair » donnée au concert, c’est avec la certitude qu’Alela Diane est une artiste, mais aussi une femme tout simplement, qui « vieillit bien », que nous quitterons le quartier de l’Opéra ce soir. En n’ayant pas écouté Laurent Nunez, son l’appel au couvre-feu et à sombrer précocement dans l’hiver, mais plutôt celui des forces de la vie et de la beauté !

Two Runner :
Alela Diane:

Jérôme Barbarossa
Photos : Laurence Buisson (merci à elle !)

Alela Diane au Théâtre de l’Athénée – Louis Jouvet (Paris)
Production : Auto-production / L’Athénée
Date : le lundi 10 novembre 2025

Prochaines dates : le 11 novembre à Bordeaux (il reste des places), le 12 à Toulouse (Salle Nougaro, complet), le 14 à La Roche-sur-Yon (Quai M, derniers billets), le 15 à Saint-Nazare (Le VIP, complet), le 16 à Mantes-la-Jolie (Festival Blues en Seine).

Toutes les informations sur : https://aleladiane.com/tour

Derniers albums sortis :

Modern CowboyTwo RunnerModern Cowboy
Label : Two Runner Music / Gar Hole Records
Date de parution : 24 mars 2023

 

 

 

 

 

 

Looking GlassAlela DianeLooking Glass
Label : Alela Diane / Naïve / Believe
Date de parution : 14 octobre 2022

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