[Disney+] « Alien: Earth » : Peter Panpan et les Aliens perdus

Sous le vernis luxueux, Disney et Noah Hawley transforment l’or d’Alien en plaqué bon marché : un concept foireux, trop d’idées inutiles, plus de mystère, et l’atterrissage du Nostronomo sur Neverland est bel et bien un crash.

Alien Earth
Copyright Disney / FX

Décidément, quasiment tout ce que touche l’effroyable « maison aux grandes oreilles » se transforme en fiasco : c’est ce que les Britanniques appellent, avec leur habituel sens de l’humour, l’effet « King Midas in reverse ». Alien: Earth risque même de battre les records de haine générée par la dégradation aberrante de la franchise Star Wars. Même s’il y a, admettons-le, un décalage entre les avis de la critique institutionnelle, souvent favorable (effet du lobbying Disney, inquiet devant le manque de succès de ses adaptations sérielles ?), et l’irritation de la fan base de la franchise Alien.

Alien Earth afficheEn regardant, avec ennui et consternation, les premiers épisodes de Alien: Earth, on comprend rapidement le plan de Noah Hawley, responsable de la formidable série Fargo : appliquer la même méthode, garder l’essence des films, et ajouter différents concepts, plutôt étrangers à l’univers initial. Donc, ne pas désorienter les fans qui se retrouvent dans un univers connu, tout en stimulant leur intérêt grâce à des innovations surprenantes et créatives. Ce que l’on garde d’Alien au cinéma : la méchante entreprise capitaliste bien décidée à utiliser les pires menaces extraterrestres pour les transformer en armes et asseoir sa domination ; les androïdes manipulateurs et pas très fiables, dont le degré d’humanité reste assez indécidable ; et puis bien sûr les terribles extraterrestres quasiment invincibles qui détruisent à peu près tout ce qu’ils croisent. Ce que l’on apporte de nouveau : la domination de la Terre par des oligarques qui ont remplacé les systèmes politiques traditionnels, l’évolution de la technologie permettant désormais de transporter l’esprit d’un être humain dans un corps artificiel, et… Peter Pan !

Oui ! Peter Pan ! Et c’est déjà là que le projet déraille, quand Hawley veut hybrider le monde d’Alien avec celui de J. M. Barrie : il y a Peter Pan qui ne vieillit pas (le personnage inepte de l’oligarque Boy Kavalier), les Lost Boys (des esprits d’enfants dans des corps artificiels d’adultes) et Wendy, la véritable héroïne de la série. À propos de Wendy, il est difficile de ne pas remarquer que son personnage de très jeune femme sexy et « innocente » correspond à des clichés misogynes, frôlant d’ailleurs la pédophilie si l’on se souvient qu’il s’agit d’un enfant prisonnière dans un corps plus âgé ! Heureusement, l’excellente interprétation de Sydney Chandler, l’un des rares points forts d’Alien: Earth, permet de passer outre la gêne que l’on peut ressentir, surtout si l’on met Wendy en perspective avec Ripley, un personnage emblématique d’une autre féminité, qui avait marqué son époque. Mais toute cette histoire de Peter Pan n’est qu’un concept vain, rentré au chausse-pied pour le pur plaisir de Hawley. Un concept de « petit malin » qui n’apporte rien à l’histoire que l’on suit, et encore moins à la mythologie Alien

… Une mythologie qui est par ailleurs bien mise à mal par des choix radicalement divergents vis-à-vis de ces fameux fondamentaux de la saga. D’abord, on nous montre très rapidement le xénomorphe en pleine lumière, ce qui lui donne franchement l’allure d’un figurant portant un costume de caoutchouc, mais surtout le dépouille de tout mystère, de toute terreur et de toute beauté. Ensuite, on en fait, dans la seconde partie de la série – globalement meilleure que la première, qui se traînait -, une sorte d’animal de compagnie, plutôt aimable, de Wendy ! Du coup, le xénomorphe n’assurant plus le rôle du croquemitaine absolu qui l’a toujours défini, la partie « horreur » et « massacres » du film est déléguée à d’autres extraterrestres (dont un très rigolo « œil », qui est l’occasion de jolies scènes de tension et de frissons, c’est vrai !). Si l’on poursuit dans ce registre lors des prochaines saisons, suggérons à Disney et Hawley de changer le titre de la série pour qu’il soit plus fidèle à l’intrigue, en quelque chose comme « Peter Pan contre les extraterrestres »…

Rajoutons qu’au milieu d’un scénario proliférant, et donc rapidement indigeste à force de multiplier les personnages qui ne servent à rien et les impasses narratives, on est triste de voir errer comme une âme en peine un acteur comme Timothy Olyphant, qui gaspille ici, dans un rôle incohérent, le capital jadis accumulé au long de Deadwood.

Et ce n’est pas un hasard si le meilleur épisode, celui plébiscité par les téléspectateurs, est le cinquième (In space, no one…), qui replace le xénomorphe au centre du jeu, qui revient sous forme de flashback dans l’espace, loin de cette Terre de pacotille que les autres épisodes ne rendent jamais crédible. Et qui reprend respectueusement – et un peu servilement, même – les codes du premier Alien, ceux qui ont fait du film de Ridley Scott un classique intouchable du cinéma.

Il reste à mettre au crédit d’Alien: Earth un « production design » de haut niveau – l’argent mis dans la série se voyant à l’écran -, de belles images de la Thaïlande, et quelques scènes gore réellement réjouissantes. Pas grand-chose, en somme.

Eric Debarnot

Alien: Earth
Série US (en co-production Thaïlande et Royaume Uni) de Noah Hawley
Avec : Sydney Chandler, Alex Lawther, Essie Davis, Babou Ceesay, Timothy Oliphant…
Genre : Science-fiction, thriller, aventures, horreur
8 épisodes de 60 minutes mis en ligne (Disney+) de août à septembre 2025

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