Dans Des preuves d’amour, Alice Douard mêle avec finesse comédie du quotidien, drame intime et mémoire d’un moment charnière pour les familles homoparentales, longtemps invisibles.

Présenté à la Semaine de la Critique en mai dernier, le premier long métrage d’Alice Douard suit le parcours de Céline (interprétée par Ella Rumpf), qui vient d’épouser Nadia (Monia Chokri) grâce à la loi du mariage pour tous, adoptée un an plus tôt, en 2013. Nadia est enceinte, et l’attente de l’enfant s’accompagne d’un véritable parcours du combattant pour la mère non biologique, dont le statut est alors extrêmement précaire. Entre démarches administratives et lettres de recommandation, Céline cherche des preuves d’amour : celui que les autres pensent qu’elle aura pour l’enfant, celui de sa propre mère, mais aussi de sa compagne, mise à l’épreuve dans la modification de son corps et le point de bascule que sera la parentalité.
Le film, qui témoigne d’une étape majeure dans l’évolution des idées, aurait facilement pu devenir un documentaire militant, mais Alice Douard prend soin d’éviter ce parti-pris. Rivé au point de vue de Céline, l’épouse de l’ombre dans ce futur événement, il cherche au contraire à traquer l’intime et la manière dont sa place singulière va exacerber tous les questionnements liés à ce passage à l’âge adulte. La difficulté à exister aura évidemment une place prépondérante durant la période de grossesse (« Toi, c’est déjà ta fille » dit Céline à sa compagne), mais le film s’attache également à suivre l’anticipation d’un couple sur le point de voir le binôme fusionnel s’ouvrir à une tierce présence.
Car si Céline doit recueillir les témoignages de son entourage, celui-ci lui en donne de son côté sur la nouvelle vie épuisante qu’est celle des jeunes parents, dans des moments de comédie spontanée qui universalisent clairement les thématiques. La tendresse et la complicité des protagoniste vient de ce fait contrecarrer les absurdités des formulaires et diverses déclarations, dans un récit qui fait la part belle à la musique : Céline est DJ, tandis que sa mère, avec laquelle elle va devoir renouer pour obtenir une recommandation cruciale, est une virtuose internationale du piano. La diversité des genres, de la techno au classique, accompagne ainsi avec un lyrisme diversifié les émotions d’une jeune femme qui va devoir s’occuper de sa mère pour pouvoir en devenir une.
Le film documente également les réticences initiales du système à permettre aux conjointes de faire valoir leur droit : Céline apprend ainsi que, si Nadia venait à décéder dans l’année suivant la naissance, elle n’aurait aucun statut officiel et légitime quant à leur fille. La loi a, depuis, considérablement évolué et simplifié les démarches, mais ce témoignage, qui reflète l’expérience vécue par la cinéaste, met en valeur la lutte pour la reconnaissance.
Des preuves d’amour, mêlant avec sensibilité le juridique, l’intime et le social, permet de mettre en lumière ceux qu’on tentait alors d’invisibiliser.
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Sergent Pepper
