Ce n est qu un début

ce_n_est_qu_un_début.jpgC’est un peu comme si François Bégaudeau avait eu l’humilité de parler des autres avant de lui-même, par un dialecte plus instinctif qu’intellectuel.

Version maternelle de la fiction multi-primée de Laurent Cantet, »Ce n’est qu’un début » a ceci de plus poignant et de plus juste qu’il appartient encore à  un dialogue primaire dans lequel aucune langue de bois ne peut transparaître. Laisser la parole à  des enfants d’une classe de maternelle pour qui la liberté, le pouvoir ou la différence sont des notions encore troubles, permet ainsi de créer une expression de langue et de pensée qui est constructive et forcément optimiste, pour eux comme pour nous puisqu’elle nous rappelle parfois la profondeur originelle d’un terme, sa définition première.

La formidable idée de cette maîtresse et des encadrants parvient donc à  avoir un sens et évite la démagogie pesante d' »Entre les murs » dans lequel toute forme d’échange et de débat était avant tout au centre des préoccupations personnelles de son propre personnage, comme pour se prouver quel bon citoyen et quel instituteur compréhensif Bégaudeau pouvait être. Ici, l’expression est unique et elle revient aux enfants, filmés dans le naturel de leurs cours durant, plus d’un, an. On imagine quelle difficulté a dû être le tournage, entre la présence d’une caméra qu’un enfant occulte plus difficilement lorsqu’elle est incrustée dans un milieu chaleureux et familial d’où elle absorbe ses propres mots, entre la difficulté de rythmer des scènes de classe qui se succèdent et la patience face à  une démarche qui n’aboutit pas à  chaque séance. Mais au final, même si l’on ne peut s’empêcher de voir à  travers les scènes privées des mises en scène angéliques (relation parents-enfants à  la maison lors desquelles se poursuivent les échanges à  propos de philosophie), ce documentaire éclaire d’une lumière humaine, voire humaniste, le visage de l’enfance en montrant à  quel point la pensée est une formation qui vient d’un vécu et d’un entourage, et cela dès le plus jeune âge.

Le problème de »Ce n’est qu’un début » c’est que la démarche pédagogique prend le pas sur le film, qui s’efface peu à  peu au point que le propos se dissout ; car le charme naturel et pétillant des enfants volent à  la maîtresse et aux réalisateurs leur vision et leur place dans le film. Les regards épieurs, les sourires craquants, les réflexions brillantes, les irrésistibles récits, toutes ces remarques nécessaires et formidables des petits donnent certes une identité aux gros plans trop fréquents, mais ils effacent aussi tout interêt que l’on pourrait porter aux personnes qui les ont fait exister, souvent hors-champ. Cela rend le film d’autant plus agréable que l’on s’attache très rapidement à  ces têtes d’anges, à  leurs histoires tragiques, à  leurs fêlures touchantes, à  leurs allusions rigolotes. Mais d’un autre côté, on ne peut s’empêcher de se dire que tout cela est bien creux au-delà  de ce que disent les expressions joviales des visages enfantins. Comme si l’approche était futile sans jamais être anecdotique. Comme si le dialogue mis en place n’avait pas d’autre interactivité qu’entre les enfants eux-même, car face au public qui reçoit le film celui-ci ne veut que nous rappeler à  quel point les enfants en savent déjà  beaucoup et à  quel point il est important de les éduquer dans cette voie, sans oublier l’aspect ludique que doit comporter tout échange.

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Jean-Baptiste Doulcet

Ce n’est qu’un début
Film français de Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier
Genre : Documentaire
Durée : 1h37
Date de sortie cinéma : 17 Novembre 2010