On avait a priori l’impression que ce premier trimestre avait été moins riche en séries TV inoubliables, au delà d’un chef d’œuvre absolu comme la 5ème saison de Fargo. Et puis, en faisant le décompte, on n’a eu aucun mal à sélectionner 10 coups de cœur qui composent un riche panorama de la série contemporaine !
10 séries TV mises en ligne entre le 1er janvier et le 31 mars 2024, classées par ordre alphabétique :
D’argent et de sang – 2ème partie [Canal+]
Si D’argent et de sang s’avère très vite une belle découverte, une série excitante, c’est grâce au talent de Xavier Giannoli qui livre une série d’épisodes aussi trépidants que riches : il y a ici du thriller, de la politique, de la satire sociale, de la comédie de mœurs, du drame, de la réflexion sur le judéité et sur la foi, et encore d’autres choses, qui dépassent le cadre initial de l’enquête. Tout ça est porté par des acteurs épatants : Lindon fait du Lindon, ce qui est toujours bien, Ramzy en fait des tonnes sans tomber dans la caricature, et Niels Schneider tient ici le rôle de sa vie, ni plus ni moins. Certes, les 6 derniers épisodes de la série n’apportent pas grand chose de nouveau, mais on reste à un très haut niveau…
The Curse [Paramount+]
Relativement peu remarquée en France du fait de sa diffusion sur Paramount+ sans doute, la nouvelle série produite par A24 avec Nathan Fielder devant et derrière la caméra, et l’un des frères Safdie au scénario bénéficie aussi de la présence de la formidable Emma Stone. Mais c’est surtout son approche malaisante des dysfonctionnements sociétaux actuels (et universels) qui lui permet de se démarquer du tout-venant de la comédie télévisuelle.
De grâce [Arte]
Accablant mais sublime drame familial, De grâce confirme la vitalité de la série TV française, et nous offre de longues heures de fascination émue devant tout un catalogue de déroutes intimes ou sociales. De grâce est aussi « habillé » en thriller – le genre incontournable de nos jours -, il est plutôt bien écrit et bien construit, mais c’est surtout un film « atmosphérique » : on ne sera pas surpris de découvrir qu’il est réalisé par Vincent Maël Cardona, déjà responsable de l’étonnant les Magnétiques
Enterrement de vie de garçon [Canal+]
Enterrement de vie de garçon, la première série de Panayotis Pascot, qui amène avec lui sa bande de potes de stand-up, se relève être la pépite tragi-comique que l’on n’attendait pas. Elle s’avère un ensemble cohérent et original, fouillant dans les réflexions sociétales actuelles : le wokisme, le rapport homme-femme, la masculinité, la mort, la paternité, l’amitié… Tous ces thèmes sont évoqués sans lourdeur ni ton moralisateur, mais avec l’acuité de celui qui les a vécus ou qui s’est un jour posé les vraies questions…
Fargo – Saison 5 [Canal+]
Fargo a toujours été une excellente série, et sa cinquième saison est la plus impressionnante de toutes : d’une force émotionnelle et d’une intelligence remarquables, même si parfois moins décalée que les 4 précédentes, elle constituerait une conclusion parfaite à cette curieuse suite d’histoires inspirées par le film des Frères Coen… Cette saison est aussi plus engagée politiquement que les autres : centrée sur les violences conjugales et la masculinité (plus que) toxique, elle oppose deux archétypes du Mal contemporain. D’un côté, le capitalisme pur et dur, s’enrichissant sur le dos de la misère des autres, de l’autre, l’Amérique profonde, rétrograde, violente, qui vote Trump mais est surtout réfractaire à toute notion d’état, de justice institutionnelle… Et entre les deux, les gens ordinaires, mais pas tant que ça ! Un chef d’œuvre, tout simplement !
The Gentlemen [Netflix]
Reprenant le principe désormais bien connu de la conversion d’une personne « normale » (même s’il s’agit ici d’un duc !) à une vie criminelle, The Gentlemen est une réussite, surprenante si l’on se réfère au discutable pedigree de Guy Ritchie ! En matière de divertissement réjouissant, sans aucune prétention mal placée, The Gentlemen s’avère, sans doute grâce à une interprétation digne de tous les éloges, un plaisir rare qui tranche avec les recettes souvent toutes identiques appliquées aux séries Netflix habituelles…
Machos Alfa – Saison 2 [Netflix]
« La déconstruction de la masculinité » vue du point de vue espagnol : bis repetita ! On pourra reprocher à cette seconde saison de ne plus rien apporter de nouveau du point de vue réflexion sociétale, mais qu’importe : on adore cette bande de quatre amis, et tout autant les femmes ou hommes de leur vie, et on imagine bien Machos Alfa devenir une version ibérique de nos chères Desperate Housewives. En tout cas, il ne faut pas se refuser le plaisir à la fois simple et intelligent de cette série décapante !
Nada [Disney+]
Drôle d’objet sériel, Nada est une jolie tentative de chanter l’amour d’une ville, Buenos Aires, un peu à la manière de Woody Allen quand il célébrait New York. Et c’est avec… Robert De Niro ! Si la capitale de l’Argentine est ici filmée avec une palette de couleurs vives quelque peu forcées, frôlant la syntaxe publicitaire, Nada a l’intelligence de nous rappeler que ce qui fait une société et sa beauté, ce sont les gens qui la composent. Et que la langue et la cuisine sont bel et bien deux expressions majeures du génie d’un pays.
Le problème à 3 corps [Netflix]
On critique Netflix, souvent à juste titre, mais reconnaissons qu’il fallait du courage, et peu de folie peut-être, pour vouloir adapter en série TV « populaire » le chef d’œuvre de « hard science » de Liu Cixin, Le problème à 3 corps. Un défi impossible mais plutôt bien relevé… Car, pour quiconque n’a pas lu les livres, se prendre de plein fouet une suite de révélations assez renversantes, qui font le sel du Problème à 3 corps, est une belle expérience. Et, même si l’histoire avance au fur et à mesure de la résolution rapide d’énigmes complexes, on ne saurait nullement qualifier la série de divertissement facile…
Samuel [Arte]
Samuel, c’est une nouvelle preuve rafraîchissante que l’animation (voire peut-être ici la BD !) a sa place dans le monde impitoyable de la série TV. Que ça soit Arte qui nous offre ces 21 épisodes de 3 minutes, racontant le quotidien d’un enfant de 10 ans, entre son CM2 et son entrée en 6ème, et qui constituent un petit bijou d’intelligence et de sensibilité, n’est évidemment pas un hasard…