The Neon Demon – Nicolas Winding Refn

Fable morbide et fantasmatique sur les illusions de la beauté, entre fétichisme sublimé et critique ressassée.

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Nappes de strass, nappes de synthés, nappes de peaux, nappes d’or, d’or enduit, jeté sur la peau… Et des nappes de néons, en variance, électriques, ceux du dieu démon, ces nappes de lumières crues, truquées, vers lesquelles de jeunes filles s’embrasent, se tordent, se consument de gloss, d’éphémère et de faim. Créatures féroces. Filiformes, glacées, phosphorescentes dans le noir des clubs et de la nuit, en lutte contre elles-mêmes et contre l’oubli… Nouvelle figure, diaphane et angélique, sur l’autel de la perfection, Jesse apparaît comme un rêve de délicatesse et d’innocence, de carnages promis autour de piscines vides, mouillées de sang, trempées d’amour à la Báthory.

the-neon-demon-nicolas-winding-refn-afficheThe neon demon est splendide quand il fétichise, quand il stylise et magnifie clichés et rituels de la mode (shootings, castings, défilés…), parfois jusqu’à l’abstraction (la séance photo sur fond blanc éclatant puis noir prodigieux vers quelques giclées aurifères, sans doute la plus belle scène du film). Quand il corrompt, à l’extrême, la géométrie du corps sublimé, avalé puis réapproprié, d’effusions charnelles en pratiques profanes (auto-éventration, menstruations fabuleuses, nécrophagie, cannibalisme…). La critique, ressassée, d’un monde pailleté et hostile alors se fait autre, fable morbide et onirique sur la beauté flirtant avec le genre, visions dévorantes sur l’illusion du je (et des autres) en milieu fashion. Puis le charme se brise, souvent, quand il cherche à créer autour une matière plus concrète (petit ami, gérant d’hôtel louche, travail à la morgue…) qui, paradoxalement, l’embarrasse et le soustrait à sa logique purement fantasmatique.

Comme un double exsangue de Mulholland Drive (la jalousie jusqu’à la mort, le désir de célébrité jusqu’au néant…) ou d’un roman sophistiqué de Bret Easton Ellis, de Moins que zéro à Zombies en passant par Glamorama (L.A., cité céleste et maléfique où rôdent mannequins anorexiques, pumas, serial killers et vampires), The neon demon se déploie telle une entité malade et rampante, à l’agonie, à l’image de celles se convulsant en un long mouvement contemplatif, très chic. À exhaler la malédiction du beau et ses tyrannies variables, mauves ou plus vermillons. À considérer la vanité des apparences derrière l’extase d’un flash. À parfaire, à s’y complaire, en ralentis velours ou sous le tranchant d’un ultraviolet.

Michaël Pigé

The neon demon
Film américain réalisé par Nicolas Winding Refn
Avec Elle Fanning, Jena Malone, Bella Heathcote…
Genre : Drame, épouvante
Durée : 1h57min
Date de sortie : 8 juin 2016