Mes provinciales : l’ode à la jeunesse de Jean-Paul Civeyrac

Ce splendide récit initiatique « hors-temps », en forme de roman filmé, ausculte la jeunesse par le prisme d’un groupe d’étudiants cinéphiles pour interroger les compromissions intimes et le cinéma comme nécessité. Tout un art de vivre…

Mes Provinciales : Photo

Cette magnifique ode à la jeunesse lettrée française narre le destin d’étudiants provinciaux, à travers le portrait particulier d’un jeune apprenti cinéaste lyonnais qui monte à la capitale pour faire un master en études cinématographiques à l’université de Paris VIII, et assouvir ces rêves idéalistes de cinéma.

Le cinéaste français Jean-Paul Civeyrac nous offre une élégante mise en scène classique drapée dans un superbe noir et blanc intemporel pour mieux soutenir la quête existentielle, l’apprentissage, les doutes créatifs et les marivaudages amoureux des jeunes gens d’aujourd’hui confrontés aux mêmes tourments intemporels que leurs illustres cinéastes références Robert Bresson, Carl Theodor Dreyer, Jean Eustache, Philippe Garrel, en brocardant parfois de manière trop binaire, l’art dégénéré d’un David Fincher, Dario Argento ou autres Paul Verhoeven. Un récit d’apprentissage chapitré de manière littéraire post-Nouvelle Vague que l’on peut facilement imaginer assez autobiographique, où la perte des illusions mêle la vie rêvée avec la compromission de la vie vécue. Une interrogation exigeante relatif à l’existence et la précisément à l’art cinématographique, ou comment mettre en accord ce que l’on dit avec ce que l’on fait comme l’évoque Etienne, personnage principal qui se réfère au livre de Blaise Pascal : Les Provinciales (1657).

Mes Provinciales : AfficheLa narration romanesque fluide grâce à d’harmonieux fondus enchaînés et de pertinentes ellipses temporelles apportent une touche romantique à l’œuvre et accompagnent de façon ouatée, le passage à l’âge adulte. Une sorte «d’éducation sentimentale», où se mélange l’amour pur pour le cinéma, l’amour et la sexualité plus désinvolte de la jeunesse, l’amitié, sans occulter les questions politiques et sociétales de notre époque (FEMEN, ZAD, élection présidentielle de 2017…) rendant ainsi le film résolument contemporain.

Une œuvre riche, dense et ample, parfois un peu solennelle, par l’utilisation régulière de morceaux de musique classique de Jean-Sébastien Bach et le sublime passage Adagettio de la Symphonie N°5 de Gustav Mahler, utilisé merveilleusement dans le chef-d’œuvre Mort à Venise (1971) de Luchino Visconti . Un long métrage épuré, en forme d’éloquente déclaration d’amour au cinéma, où le verbe très écrit est porté par une troupe de comédiens incandescents : Andranic Manet, Diane Rouxel, Gonzague Van Bervesselès, Jenna Thiam, Nicolas Bouchaud, Sophie Verbeeck notamment, d’une justesse de tons épatante, que la caméra capture avec beaucoup d’empathie et d’émotions.

Venez accompagner cette jeunesse entre insouciance, intransigeance, réalisme et concessions où les nostalgiques fantômes littéraires et cinéphiles viennent transcender le vivant Mes Provinciales. Attachant. Vibrant. Mélancolique.

Sébastien Boully

Mes Provinciales
Film français réalisé par Jean-Paul Civeyrac
Avec Andranic Manet, Diane Rouxel, Gonzague Van Bervesselès, Jenna Thiam, Nicolas Bouchaud, Sophie Verbeeck…
Genre : Drame, Comédie, Romance
Durée : 2h17m
Date de sortie : 18 avril 2018

2 thoughts on “Mes provinciales : l’ode à la jeunesse de Jean-Paul Civeyrac

  1. Bonjour,
    Votre image pour illustrer l’article montre l’actrice Sophie Verbeeck, je ne trompe pas ?
    Je demande car je ne vois pas son nom dans le casting.
    Avec Andranic Manet, Diane Rouxel, Gonzague Van Bervesselès, Jenna Thiam, Nicolas Bouchaud…

    Merci

  2. En effet très bien vu ! Certaines évidences provoquent des « oublis » involontaires, merci de votre attention, la coquille vient d’être réparée… :-)

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