Confirmation hier soir à la Gaîté Lyrique, malgré un son qui laissait à désirer quand on était dans les premiers rangs, de la classe et de la pertinence de Get Well Soon, quatorze après leur premier album…
La vie d’un amateur de musique live à Paris n’est pas une sinécure… mais c’est régulièrement la profusion de l’offre qui s’avère un problème : comment décider ce soir, par exemple, s’il valait mieux être à la Boule Noire pour les vétérans irlandais de Therapy?, à Petit Bain à l’occasion du passage des Californiens trop méconnus de Mystic Braves, ou bien à la Gaîté Lyrique où officiait la fine fleur de la pop allemande la plus ambitieuse, Get Well Soon ? Le choix était cornélien, et c’est la qualité reconnue par tous de Amen, le nouvel album de Konstantin Gropper qui nous a fait finalement opter pour la Gaîté Lyrique.
20h00 : Alex Montembault est seul sur scène avec sa guitare acoustique qui paraît minuscule, il ne paie pas forcément de mine, mais dès qu’il ouvre la bouche, on est surpris, puis rapidement charmé. Pendant 20 minutes, il nous jouera une poignée de chansons pleines de douceur, de sensibilité, sur des tempos calmes qui lui permettent de poser sa voix superbe : pas mal de gens utilisent pour parler d’Alex le cliché de la « voix d’ange », avouons que nous sommes très tentés de le faire aussi… La Gaîté Lyrique, pas encore très pleine – le concert n’est pas sold out – est comme suspendue à ses lèvres. Il est seulement un peu dommage qu’il n’y ait pas plus de variations dans l’atmosphère des chansons interprétées, ce qui crée un vague sentiment d’uniformité. Avec des compositions un peu plus fortes, on aurait pu affirmer sans hésiter que nous avons affaire à une future révélation.
20h45 : avec 15 minutes d’avance sur l’horaire prévu, Konstantin Gropper et son Get Well Soon démarrent un set somptueux qui va durer 1h45 – avec deux beaux rappels – mais qui va malheureusement souffrir, pour nous qui sommes au premier rang, un peu au-delà de la sono, d’un son insuffisant : le niveau sonore n’est clairement pas assez élevé d’une manière générale, et devant, on entend mal les instruments – guitares surtout -, hormis la batterie et la trompette occasionnelle, ce qui donne une impression pas très agréable que la voix de Konstantin « flotte » littéralement dans le vide, et lui confère une impression de fragilité. Bref, quand on connaît les spectaculaires tendances au lyrisme débridé de Get Well Soon, il y avait de quoi être frustrés. Il semble néanmoins qu’au milieu de la salle, le son était bien meilleur. Il faut aussi noter que le groupe porte peut-être autant la responsabilité de ce problème que l’ingénieur du son, dans la mesure où, pour des raisons esthétiques, les amplis sur scènes sont tous recouverts d’étuis argentés qui en assourdissent fortement le son. Bref, pas facile finalement d’apprécier à sa juste valeur un concert dont on a l’impression de n’en entendre que la moitié !
« Rest now, weary head / You will get well soon » : le concert commence par l’éternelle (et douce) promesse de Prelude, à peu près toujours tenue par Konstantin depuis 14 ans. Get Well Soon est un groupe qui a su maintenir une qualité impeccable à travers toute son œuvre, en restant cohérent tout en allant explorer des genres musicaux plutôt variés. Si le chant de Konstantin évoque fortement parfois celui de Thom Yorke, par son emphase et sa fragilité – cette sensation est d’ailleurs renforcée ce soir par la particularité du son -, si sa musique lorgne parfois vers le lyrisme torrentiel d’Arcade Fire, Get Well Soon revisite abondamment des courants divers de la pop, électroniques en particulier. Et, pour prendre un exemple frappant, une chanson parfaitement jouissive comme Funny Treats – faisant partie de la BO de la série TV How To Sell Drugs on Line – bat clairement et franchement New Order à son propre jeu.
Les musiciens sont tous très élégamment vêtus de blanc, et la scène baigne dans une atmosphère quasi angélique, un peu froide certes, avec ces décors métalliques. Konstantin s’excuse rapidement en nous expliquant qu’ils ont eu une « journée étrange » (une manière polie de dire une « journée de merde »…), et, de près, il est vrai que, au-delà de sa timidité bien connue, il ne paraitra guère à l’aise durant le set. La setlist est largement consacrée à Amen (10 titres sur 12 seront joués ce soir, et dans l’ordre de l’album…), l’autre moitié consistant en les chansons les plus connues du reste de la discographie du groupe, sans qu’aucun ne soit privilégié. Inévitablement, les sommets comme My Home is My Heart, One For Your Workout (magnifique !) ou Mantra sont ceux qui passent le mieux l’épreuve de la scène, même pour les gens présents qui n’ont pas écouté encore l’album, mais le sommet du set sera sans doute – hommage à Paris, oblige – A Voice in the Louvre.
Les quatre titres joués en rappel rempliront parfaitement leur rôle de clore le set sur des notes extatiques et romantiques (Ticktack! Goes My Automatic Heart, It’s Love…) puis sur l’excitation sans laquelle un concert Rock ne serait pas un concert Rock : les percussions frénétiques et les montées lyriques (à la Arcade Fire) de la scène de ménage cruelle de You Cannot Cast Out the Demons (You Might as Well Dance) constituent une conclusion parfaite en forme de résumé de ce qu’est Get Well Soon : un ascenseur émotionnel à la sensibilité débordante. Konstantin termine la soirée étendu sur le dos, K.O. : « You fight / You urge / You know you have to » (Tu te bats / Tu insistes / Tu sais que tu dois le faire…)
Nous avons eu ce soir la confirmation – si besoin était – d’un talent singulier, et, quatorze ans plus tard, qui nous parle toujours aussi clairement et intimement. Ne t’inquiète pas, Konstantin, on va aller mieux, après ça…
Texte et photos : Eric Debarnot