« Fantaisies Guérillères » de Guillaume Lebrun : Jeanne d’Arc entend de nouvelles voix

La Jeanne d’Arc de Guillaume Lebrun mélange dans son style l’ancien français et un franglish pop d’aujourd’hui. Une vraie curiosité et un joli moment de délire que ce roman !

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© Mathieu Rolland

Je vous conseille d’assister au casting de la pucelle organisé par Yolande d’Aragon au 15éme siècle. Pas de Big Brother à l’époque ou de vidéos indiscrètes dans les jacuzzis, mais de l’English qui occupe le royaume de gaulois pas si réfractaires depuis pas loin d’un siècle. Comme les Armagnacs et les Bourguignons se disputent la couronne pour avoir la fève, il est temps qu’une prophétesse descendent du ciel ou de sa montagne pour remettre un peu d’ordre dans cette monarchie de droit divin et brexite l’occupant en le tirant par la Manche.

Fantaisies-Guerilleres-couvNous sommes au Moyen âge, mais après quinze siècles d’attente, la Yolande, duchesse d’Anjou qui en assez de tendre la joue, a compris que Dieu procrastinait pas mal avant d’agir et que ses ambitions pour remporter le game of trône ne pouvait plus être remis au lendemain.

Elle décide d’enlever 15 jeune filles dans les campagnes, d’en faire 15 apprentis, les rebaptisant de Jehanne 1 à 15 (idée à retenir pour les portées nombreuses) et de les élever à la dure dans son domaine et dans le plus grand secret. Il ne pourra en rester qu’une. A l’époque, vu l’espérance de vie de libellule, la barbarie ambiante et la médecine pas si douce, inutile de faire appel au public pour en éliminer certaines : le destin s’en charge.

Problemo, la Jehanne qui se démarque, la douzième, n’a pas le profil. Elle a le physique ingrat et bien gras, elle est féroce, peu lettrée, lesbienne, et un peu cannibale. En résumé, elle n’a pas grand-chose à voir avec la mystique un peu tourmentée qui a fini sur un barbecue si l’on en croit nos manuels d’histoire.

La Jeanne d’Arc de Guillaume Lebrun mélange dans son style l’ancien français et un franglish pop d’aujourd’hui. D’ailleurs, je vous recommande en fin d’ouvrage, les versions médiévales des tubes de Jean-Jacques Goldman transformées par la troubarde star de l’époque, Marie-Claudette de Charlemagne, dépourvue de l’accent de caribou, mais qui reste quand même assez identifiable.

Je ne sais pas quelles voix a entendu le romancier pour raconter cette version hallucinée du mythe de la pucelle, j’ignore si l’illumination est venue alors qu’il comptait les moutons avant de s’endormir mais le résultat est assez extraordinaire. C’est très drôle, dopé de références actuelles, d’une originalité rare tant sur le style que sur le scénario.

Passé l’effet de surprise face à ce cocktail de langages, je pensais ressentir un peu de lassitude au fil des pages et que cela finisse par desservir le récit. Ce fut tout le contraire. Tel un slip moulant, la forme épouse parfaitement le fond.

Le seul passage qui m’a un peu déçu concerne le siège d’Orléans que l’auteur a décidé de transformer en Heroïc fantasy féministe avec le renfort un peu halluciné de grandes guerrières du passé qui viennent aider Jehanne dans son combat. Les spécialistes du genre sauront peut-être apprécier davantage cette partie que j’ai trouvé difficile à suivre et un peu brouillonne.

Au final, une vraie curiosité et un joli moment de délire. A bien y réfléchir, est-ce que la version officielle est plus crédible ?

Olivier de Bouty

Fantaisies guerillères
Roman de Guillaume Lebrun
Editeur : Christian Bourgois éditeur
320 pages –  19,50 euros
Parution : 19 Août 2022