« Débarqués » : un dérangeant road-movie dans l’ouest québécois

André Marois et Michel Hellman nous surprennent dans ce voyage au bout de la nuit canadienne et nous alertent sur la fragilité des personnes handicapées.

Débarqués - André Marois et Michel Hellman
© 2022 La Pastèque

Gil et Jean-Fran, deux « transporteurs » bien rémunérés aux mines patibulaires, prennent livraison de deux encombrants colis. Lesdits colis se révélèrent être des jeunes handicapés : Coco, un trisomique, et Winston, un gamin souffrant d’une maladie dégénérative à un stade avancé. Pour des raisons opposées, les malheureux ne sont manifestement plus les bienvenus chez eux… La mission des deux hommes est de les déposer dans une petite île isolée, à sept heures de route de Québec, sans poser de questions, sans se faire remarquer, ni laisser la moindre trace. Or, contrairement à nos inquiétudes initiales, Gil et Jean-Fran prennent soin des adolescents, pourtant pas faciles, tout en se rappelant mutuellement d’éviter de trop s’y attacher.

Débarqués - André Marois et Michel Hellman Si la couverture est magnifique, le dessin en noir et blanc de Michel Hellman est simple, rapide et efficace. Les quatre personnages sont gentiment caricaturés. Bien rendus, les cadrages et les mouvements participent à la montée de la tension, que le scénario fait, au fil des kilomètres, habilement croître. Or, le temps presse, ils sont en retard. Les décors, quand ils sont présents, sont plus travaillés. Le pays est grand et la route interminable.

Le scénario d’André Marois est plus étonnant. Le sujet du handicap, notamment dans ses conséquences les plus triviales – Coco est objectivement pénible et les couches de Winston doivent être régulièrement changées – est rarement traité par la bande dessinée. Coco, qui n’a pas la langue dans sa poche, parvient lors des poses, par sa naïveté et sa rude franchise, à détendre l’atmosphère, tandis que des expressions typiquement québécoises viennent accentuer notre dépaysement. Pour autant, les dialogues sont rares et secs, les deux hommes sont pressés.

Rapidement, l’histoire nous prend à la gorge. Les adolescents sont totalement à la merci des crapules, que va-t-il leur arriver ? Marois nous rappelle, incidemment, que la personne lourdement handicapée est fragile et, par nature, dépendante des bonnes volontés.

Stéphane de Boysson

Débarqués
Scénario : André Marois
Dessin : Michel Hellman
Éditeur : La Pastèque
100 pages – 17 €
Parution : 16 septembre 2022

Débarqués – Extrait :

Débarqués - André Marois et Michel Hellman
© 2022 La Pastèque