Phénomène assez inhabituel, au moment d’établir cette sélection des séries que avions préférées au cours de ce second semestre, il y a eu quasiment un consensus général dans l’équipe Benzine sur une bonne partie de ce Top 10, qui se détache nettement du reste de la production « standard » du moment. Signe d’excellence de ces titres-là, ou bien au contraire de la relative banalité du reste ? Le débat est ouvert…
10 séries TV mises en ligne entre le 1er avril et le 30 juin 2024, classées par ordre alphabétique :
Becoming Karl Lagerfeld [Disney+]
Habitués que l’on est à une qualité plus que variable des séries produites et diffusées par Disney, on n’attendait pas forcément grand chose de ce biopic sur Lagerfeld. Becoming Karl Lagerfeld est une bonne surprise, peut-être parce qu’il s’agit d’une production française, donc on ne parle pas ici d’acteurs anglo-saxons parlons en Anglais pour jouer le rôle de personnalités françaises. Et parce que Daniel Brühl est un acteur formidable. Même si chacun pourra trouver à redire à certains choix scénaristiques, voici une mini-série aux décors et à l’image raffinés, plutôt bien mise en scène et rythmée, qui a en outre le mérite de rappeler le jeune créateur brillant et explosif qui existait avant que Lagerfeld devienne une véritable icone.
Dark Matter [Apple TV+]
Dark Matter est l’une des fictions les plus étonnantes que l’on ait pu voir sur le thème des mondes parallèles : au-delà du genre SF qui sous-tend le concept de réalités alternatives, la série conduite et écrite par Blake Crouch – d’après son propre roman – dépasse ses prémisses de départ pour s’épanouir pleinement dans un très beau mélodrame amoureux et familial. Voici au final une réussite inattendue, portée par un trio d’excellents acteurs (Joel Edgerton, Jennifer Connelly et Alice Braga). (notre chronique)
Feud – Saison 2 [Canal+]
Ryan Murphy et Gus Van Sant mettent en scène dans la seconde saison de Feud les rapports entre l’écrivain Truman Capote et un cercle de femmes de la haute société New Yorkaise. Brillamment écrite, avec des dialogues ciselés et une mise en scène d’un grand raffinement, Feud tient toutes ses promesses, montrant les travers et les tourments d’un écrivain à la dérive, sombrant dans l’alcoolisme pour noyer son chagrin et sa mélancolie. Une série de haute tenue, portée par un Tom Hollander magistral. (notre chronique)
Manhunt [Apple TV+]
L’histoire de l’Amérique s’est écrite dans le sang, et il n’a pas fallu attendre l’assassinat de JFK en 1963 pour voir un président assassiné en public, comme nous le rappelle la série Manhunt, en 7 épisodes qui racontent la traque de l’assassin du président Abraham Lincoln, tué le 15 avril 1865. Une série très plaisante à suivre, aux allures de roman feuilleton, qui réussit à trouver un bel équilibre entre action, dimension politique, suspense, et qui ne cherche jamais à héroïser ni glorifier ses personnages. (notre chronique)
Mary & George [Canal+]
Pamphlet dans l’air du temps déguisé en fresque (pseudo) historique, Mary & George nous embarque grâce à ses qualités formelles : un scénario bien troussé, des acteurs en pleine maîtrise (Julianne Moore !), de beaux décors, une mise en scène efficace. Pourquoi refuser le plaisir que ce genre d’objet qui se veut gentiment provocateur peut nous offrir ? Peut-être pas la série du trimestre, mais un excellent moment de télévision.
Mon petit renne [Netflix]
L’énorme débat public qui a entouré et suivi la sortie en Grande-Bretagne de Baby Reindeer (Mon petit renne en France) ne doit pas faire oublier la force radicale de cette mini-série littéralement tétanisante. Extrêmement forte psychologiquement, d’une intelligence brutale, Mon petit renne aligne les scènes pouvant provoquer un profond malaise chez le téléspectateur. De ce fait, on la dira « réservée à un public averti ». Pourtant, ce qu’elle transmet est essentiel, et, de ce fait, mérite d’être vu par tous. (notre chronique)
Outer Range – Saison 2 [Prime Video]
On se souvient que Outer Range est un mélange (enfin !) réussi de SF et de western, bénéficiant d’un casting de haut niveau (Josh Brolin, Lili Taylor et Imogen Poots) et ne craignant pas de se frotter à des questions purement métaphysiques. Altérant un peu le principe de la série par rapport à une première saison déjà marquante, une nouvelle équipe injecte cette fois une dose de confusion familiale – évoquant la brillante série allemande Dark -, tout en préservant les côtés abstraits et mystérieux de la série. Outer Range nous ravit et confirme avec cette seconde saison sa magnifique singularité. (notre chronique)
Ripley [Netflix]
Nouvelle adaptation du chef d’œuvre de Patricia Highsmith, Ripley est le résultat de choix scénaristiques et esthétiques assez radicaux, qui donnent un résultat clivant : si certains seront enthousiastes (c’est notre cas), d’autres préféreront la version cinéma de Minghella. Cette version se démarque superbement des précédentes grâce à sa conception artistique : le choix du Noir et Blanc lui permet de s’affranchir de la facilité de la représentation d’une Italie ensoleillée, pour mieux explorer la noirceur de nombre de situations, ainsi que du personnage de Ripley, en particulier à travers sa fascination pour l’œuvre de Caravage. Superbe ! (notre chronique)
Sugar [Apple TV+]
La première question passionnante que pose Sugar, série nourrie par toute l’histoire du film noir hollywoodien, est celle qui empêche de dormir les cinéphiles : peut-on apprendre la vie, peut-on comprendre l’humanité simplement en regardant des films ? C’est en tout cas ce que tente de faire John Sugar, son héros (Colin Farrell dans son meilleur rôle ?)… Tout au moins juqu’à ce qu’un twist absurde rebatte toutes les cartes ! Sugar peut enchanter par son originalité scénaristique et sa mise en scène de haut niveau (merci à Fernando Mirelles), ou ennuyer par sa douceur, son aspect « lisse ». Dans tous les cas, et quel que soit le camp que vous choisirez, c’est une expérience réellement singulière. (notre chronique)
The Sympathizer [Prime Video / Pass Warner]
Avec l’auteur du bouquin d’origine qui est fan de Park Chan-wook, avec un récit d’espionnage à l’instar de l’excellente adaptation télévisuelle de Le Carré par le cinéaste, avec un personnage « coupé en deux » (Vietnamien métis et agent double écartelé entre Amérique et monde communiste…) tel le héros de Oldboy ou la nation coréenne (JSA), avec des scènes d’emprisonnement, The Sympathizer va comme un gant à Park Chan-wook, et son sens visuel fait merveille dans les trois premiers épisodes de cette mini-série. Hélas la verve se perd avec son absence à la mise en scène dans les épisodes suivants. Restent quand même l’excellence de Robert Downey Jr dans des rôles multiples, d’Hoa Xuande dans le rôle-titre et de Sandra Oh. Et (enfin!) la guerre du Viêt-Nam vue du point de vue asiatique dans une série américaine.