La deuxième saison d’Arcane sur Netflix a confirmé son statut de chef-d’œuvre de l’animation, tout du moins du point de vue expérience esthétique. On est plus réservé sur le scénario et la narration en général, qui ont une tendance à perdre le téléspectateur dans des situations confuses à la logique déficiente. Dommage !
Dans cette seconde saison de Arcane, l’histoire reprend immédiatement après les événements pour le moins explosifs (dans tous les sens du terme !) du premier volet, qui date de deux ans déjà : il s’agit de continuer d’explorer les tensions, de plus en plus vives, entre les deux cités de Piltover – la ville des « riches » – et Zaun, là où survivent les opprimés, et leur impact sur les personnages que l’on a découvert dans la première partie. Au centre de l’histoire, il y a Vi, qui tente de sauver sa soeur Jinx, qui, elle, s’enfonce dans la folie et rejette toute tentative de rédemption. À Piltover, Jayce et Viktor sont empêtrés dans des luttes de pouvoir. Si Jayce cherche à préserver la paix, désormais très fragile, Viktor poursuit ses recherches scientifiques, au risque d’invoquer des forces qui pourraient le dépasser…
Le Studio Fortiche a surpassé les attentes avec une qualité d’animation qui a ecore progressé par rapport à une première saison qui avait déjà marqué les esprits il y a 3 ans, et en particulier des visuels encore plus ambitieux. On a l’impression que chaque scène – oui, absolument chaque scène ! – est travaillée comme une œuvre d’art, mêlant techniques 2D et 3D pour nous offrir des effets époustouflants, notamment dans les combats – nombreux, trop peut-être, car ils donnent le sentiment que la cible de la série est principalement l’ado gamer ! -, et surtout dans les jeux de lumière, fascinants. Oui, le style graphique d’Arcane reste exceptionnel, unique même, jouant intelligemment entre des ambiances sombres et des moments de lumière vibrante : l’univers présenté ici est régulièrement sublime. La preuve de la fascination qu’il exerce : il est fréquent qu’on appuie sur la touche « pause » de la télécommande pour le plaisir de se délecter de la beauté des images… soit quelque chose d’assez exceptionnel, en fait.
Autre point-clé, qui marque également un progrès vis à vis d’une première saison qu’on avait pu trouver parfois trop « froide » : l’intrigue « principale » d’Arcane gagne en profondeur émotionnelle, en particulier à travers la relation difficile mais intense entre les deux soeurs, Jinx et Vi. Leur face-à-face donne lieu à des scènes intenses, souvent tragiques, mettant en valeur leur lien émotionnel brisé et la violence découlant de leurs choix respectifs. A travers cette histoire centrale, Arcane explore des thèmes universels, comme les traumatismes et la manière d’y survivre, et, sujet classique mais toujours impactant, la quête d’identité : le tout est d’ailleurs d’une jolie subtilité, et Arcane n’a pas grand chose de manichéen. Qui sont les « bons », qui sont les « méchants » dans cette histoire ? Eh bien, cette distinction, tellement « classique » dans la fiction occidentale, n’est tout simplement pas pertinente !
Mais le premier point où cette saison – qui sera la dernière – pèche gravement, c’est dans sa narration, beaucoup trop dispersée, avec trop de personnages, et avec des transitions entre les différents arcs narratifs qui ne sont ni logiques, ni cohérents, ni fluides. Des intrigues comme celles de Mel et de la Black Rose, par exemple, sont clairement précipitées, sous-exploitées, et donc frustantes. Plusieurs éléments de l’histoire semblent d’ailleurs surtout conçus pour préparer de futures séries dans l’univers élargi de League of Legends, au détriment d’une résolution satisfaisante d’Arcane.
Le second gros problème, et nous devons reconnaître qu’il s’agit là d’une déficience qui nous est propre, et que des téléspectateurs plus jeunes n’auront pas, c’est la sur-complexité de beaucoup de situations : Arcane nous demande de ne pas essayer de « comprendre » ce qui se passe, les tenants et les aboutissants de certaines scènes, leur contexte ou leur vraisemblance… De simplement accepter le spectacle magnifique qui nous est offert, dans un flux ininterrompu de sensations, sans espérer y trouver autre chose qu’une gratification esthétique, dans un mécansime quasi-pavolvien. Et ça, pour nous, c’est très, très difficile.
Eric Debarnot