Adaptation en livre d’un podcast ayant rencontré un gros succès, Altérée est un thriller SF palpitant, dans un genre où peu de romanciers français se risquent en général. La naissance d’un nouvel écrivain populaire « de genre » ?

Si l’on constate que de plus en plus de podcasts bien reçus par le public deviennent des films de cinéma ou des séries télévisées, il n’est encore pas si fréquent de les voir transformés en « livres » classiques, une forme qui ne fait sans doute plus guère rêver les jeunes générations. Dans la postface de son premier roman, Altérée, Charly Lemega, l’auteur, explique que pour lui, être publié comme écrivain était son rêve, et on est heureux qu’il ait pu le réalisé, d’autant qu’Altérée est un véritable petit régal de thriller… mais un thriller d’un « genre » différent…
Un thriller de science fiction, soit là encore quelque chose qui ne se trouve pas (encore ?) tous les jours dans notre beau pays, toujours bien accroché à une certaine forme de « classicisme » de la littérature. Ce qui nous fait parfois penser que, si le Cinéma de « genre » est en souffrance dans l’hexagone, la littérature populaire de « genre » l’est encore plus.
Mais que nous raconte donc Lemega dans ce thriller palpitant – et un tantinet déstabilisant, ce qui est encore mieux ? Eh bien l’histoire d’une jeune femme, Alicia, torturée par des souvenirs grandissant d’une autre vie que celle qu’elle a vécue, qui apparaissent de manière de plus en plus fréquente et forte dans sa tête, au point de représenter une menace pour son « fonctionnement » quotidien et sa santé mentale. Alice va mener l’enquête en se basant sur ces « visions », et va découvrir une vérité qui va tout bouleverser en elle. Et également autour d’elle.
Le point de départ de l’histoire d’Alicia est un phénomène « réel » (mais inexplicable) appelé « l’effet Mandela« , du nom de l’homme politique sud-africain dont certains auraient le « souvenir » de sa mort dans les geôles de l’Apartheid. Ou, plus trivialement, un effet se manifestant de manière massive sur certains éléments de la culture populaire : le personnage de capitaliste du Monopoly porterait, pour beaucoup d’entre nous, un monocle (qui n’existe pas), ou encore la phrase célèbre de Darth Vador à Luke Skywalker serait « Luke, I am your father » (une phrase qui n’est pas prononcée ainsi dans Star Wars)… En croisant ce concept fascinant avec un autre effet « bien connu », « l’Effet Papillon » qui décrit l’impact large et grandissant sur le monde d’un phénomène a priori mineur et apparemment circonscrit, Lemega a construit une histoire remarquable, qui nous tient en haleine de la première à la dernière page.
Si le « style » de Lemega est plus fonctionnel qu’autre chose (on aura du mal à vanter ses « qualités littéraires »), Altérée bénéficie d’un autre point fort : la crédibilité totale de son personnage principal, féminin, alors qu’on sait combien il est difficile pour un auteur ou une autrice de se projeter dans un autre sexe que le sien. ici, on croit totalement à Alicia, à ses pensées, ses rêves, ses fantasmes même, comme à ses comportements… Ce qui a clairement pour résultat une adhésion totale à une histoire que les plus réalistes des lecteurs risqueraient sinon de trouver trop… fantastique.
Quant à la construction du roman, en deux parties avec un interlude au milieu, nous n’en dirons rien pour ne pas spoiler le principe de l’histoire, mais elle se révèle aussi déstabilisante qu’intéressante.
On comprend à demi mot en lisant la postface que Lemega est fan de Stephen King, et on aimerait que cet Altérée soit son Carrie à lui : le début d’une longue carrière d’écrivain « de genre ».
Eric Debarnot