Car Seat Headrest – The Scholars : une franche réussite

Les Américains de Car Seat Headrest redonnent de leurs nouvelles cinq ans après un album diversement reçu. The Scholars est un opéra rock à l’ambition folle dont nous allons mettre du temps à découvrir les splendeurs.

Car Seat Headrest
© Carlos Cruz/Matador

Il était attendu avec impatience, cet album. La sortie de Teens of Denial en 2016 avait été une déflagration, tant le disque parlait aux fans d’indie rock à la Pavement, mais également à ceux des Who et du rock progressif du fait de l’ambition et la durée de morceaux jamais linéaires. La ressortie de l’œuvre de jeunesse Twin Fantasy, en 2018, avait renforcé le statut du groupe, notamment auprès d’une génération Tik Tok qui a redécouvert le vieux titre It’s Only Sex et qui a fait du single Vincent un emblème. Et puis en 2020, Making a Door Less Open est sorti et tout s’est compliqué. C’est peu de dire que 5 ans après, nous n’avons toujours pas compris ce changement brutal de style, les sons électroniques remplaçant des guitares qui se faisaient porter pâle. Difficile quand on vient juste de découvrir un ami important de le voir s’éloigner aussi rapidement…. Le groupe a alors traversé une période compliquée, entre tournée arrêtée du fait du Covid, et Will Toledo en attrapant une forme longue qui le gêne encore maintenant dans sa vie quotidienne.

The Scholars2025 marque donc l’année de la renaissance, avec des le mois de mars la découverte du single de 11 minutes Gethsemane. Du nom du jardin où Jésus est arrêté, le morceau est truffé de connotations religieuses, et on a un peu de peine à y donner du sens, même si les nombreuses allusions à la santé et à la guérison peuvent se lire à l’aune de la propre situation de Will Toledo : « Your body is a temple, but your holy wounds are aching ».

L’ambition est énorme, le morceau évidemment en plusieurs parties, et les guitares sont de nouveau là. Le signal est clair, nous sommes de retour et nous allons faire du rock. L’influence des Who est très présente, notamment dans un premier break de batterie qu’on croirait sortir de Who’s Next.

Ne faisons pas durer le suspense plus longtemps, l’album est tout à fait à la hauteur de ces promesses initiales. Le groupe y assume ses influences et nous propose un opéra rock à la Tommy. Reconnaissons que nous n’avons compris grand-chose à l’histoire (qui se passe dans une université fictive, avec plusieurs personnages prenant le rôle de narrateurs) et qu’il va falloir prendre le temps de tout ingurgiter.

Le premier titre CCF (I’m Gonna Stay With You) démarre par quelques notes de piano avant qu’un rythme tribal prenne le relais, faisant penser aux Talking Heads avant que le morceau n’adopte un style nettement plus classique dans ses deux derniers tiers. Les guitares sont majestueuses, et le groupe apparait très soudé. Will Toledo a précisé dans les interviews récentes que son comportement était moins dictatorial et que les autres membres du groupe étaient dorénavant davantage impliqués dans les compositions. Ce premier titre en est l’exemple parfait, ça joué serré et précis, nous avons hâte de l’entendre en live en Europe si la santé de Toledo le permet.

Devereaux sera à coup sûr également un titre phare des prochaines setlists. D’une durée réduite à 4 minutes, il tranche par un songwriting classique et un refrain reconnaissable (que certains jugeront comme un peu trop facile). Qui est ce Devereaux ? Nous ne le savons pas mais gageons que beaucoup de fans vont avoir leur théorie sur ce personnage viré de chez lui par son père : (« Out of my garden ! Out of my life ! »)  et qui était né pour combattre des dragons.

Lady Gay Approximately prend la forme ballade folk avec une guitare acoustique. Titre très accessible, comme l’est également The Catastrophe, dans lequel on peut entendre des intonations à la Beach Boys, mais également des déflagrations proches de Green Day. C’est totalement jouissif. Encore un titre qui fera mouche en live. Equals est porté par le chant habitué de Toledo et précède le cœur de l’album, 3 morceaux en 40 minutes.

Située juste après Gethsemane, Reality est fabuleuse. Encore un morceau de plus de 11 minutes, qui s’inscrit dans une pure tradition 70’s, convoquant ZIggy Stardust ou Phantom of the Paradise, et n’a pas besoin de multiplier les ruptures de rythme pour maintenir l’attention de l’auditeur.

Planet Desperation par contre est un monstre de 18 minutes et là le groupe met tout ce qu’il a : les guitares d’ Ethan Ives sont très présentes, et Andrew Katz aide au chant. Avant de finir par une référence à Gethsemane avec la reprise du refrain « You can love again, if you try again you ». Il y a de tout là-dedans, du glam, du progressif, des bongos, des passages très pop, et de fait ça part dans tous les sens. Celle-là il va vraiment falloir prendre son temps pour en apprécier toutes les richesses. Gageons qu’en fonction du moment, elle pourra apparaitre comme boursoufflée, ou au contraire tout à fait maitrisée. Pour l’heure et sur un plan purement musical, sa démesure nous a totalement emporté.

L’album ne pouvait pas se finir par cela, et se termine naturellement par le titre le plus court True / False Lover dont nous retiendrons les paroles optimistes (« Home forever, out on the backdoor, one more time. Fields are planted waiting for the summertime »).

Félicitons les Car Set Headrest pour leur prise de risque : A l’heure d’une consommation de la musique qui fait la part belle aux singles et à l’immédiateté, il est très ambitieux de proposer des albums cryptiques de 70 minutes, surtout quand on a une fan base aussi jeune.

Avec son mélange de sons 70’s et indie rock des années 90’s, cet album très réussi va marquer 2025. Rendez vous dans quelques années pour savoir quelle place il va laisser dans la discographie de ce groupe décidemment pas comme les autres.

Laurent Fegly

Car Seat Headrest – The Scholars
Label : Matador
Date de sortie : 2 mai 2025

 

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