Ce jeudi, notre chronique Tiens écoute ça ! parle de If I Can Dream, poignante réponse d’Elvis aux assassinats de Martin Luther King Jr. et de Robert Kennedy.
Longtemps, If I Can Dream n’était pas le titre le plus connu du King dans l’hexagone. Car il n’a pas eu la « chance » de subir une adaptation avec addition de texte médiocre interprétée par Johnny, Eddy, Dick… Mais déjà il y a 4 ans une société hexagonale de paris sportifs en ligne l’a reprise pour une publicité. Un an plus tard, il y a eu le biopic du King par Baz Luhrmann, dans la BO duquel des Italiens lauréats de l’Eurovision reprennent le titre.
Tout d’abord, il s’agit du morceau phare du mythique come back de 1968, programme de la NBC 1) qui remit en selle un Elvis ringardisé par le service militaire, les films bâtis pour surfer sur sa gloire, la British Invasion des Beatles et des Stones et le phénomène Dylan. 2) dont l’iconographie a été abondamment pillée : lettrage du prénom ELVIS repris par Morrissey sur scène, lettrage mentionné et look total cuir du King arboré par Sharleen Spiteri du groupe Texas dans le vidéoclip d’Inner Smile, danseuses en ombre sur un éclairage coloré repiqué par une tonne de vidéoclips de morceaux Dance…
Mais If I Can Dream est avant tout un morceau américain, tellement américain… et pas seulement de par sa tonalité Gospel. Par son très américain sens de l’optimisme quoi qu’il arrive. Les Américains appellent d’ailleurs au cinoche une fin tragique une « fin française », comme s’il était scandaleux de rappeler que le happy end n’est pas toujours au bout de l’existence. A ce propos, la romance française de 1784 Plaisir d’amour (qui selon son texte « ne dure qu’un moment » alors que « chagrin d’amour dure toute la vie ») perdra justement son pessimisme dans une de ses versions en anglais : Can’t Help Falling in Love with You… par Elvis.
Ecrit dans la foulée de l’assassinat de Martin Luther King Jr., inspiré bien sûr par le speech de 1963 I have a dream, chanté par le King avec une implication incarnant à elle seule les mots Soul et Engagement, If I Can Dream incarne la croyance très américaine que, même au fond du trou ,la possibilité du soleil existe, cette croyance qui a fait de La Vie est Belle de Capra un film ultra rediffusé sur le petit écran américain. Pour Elvis, non seulement l’Amérique peut se relever d’une grande tragédie, mais elle pourra dépasser les fractures raciales de la ségrégation et construire un avenir meilleur. En refusant d’abandonner l’envie de rêver, elle trouvera le chemin de la rédemption.
Composé par Billy Goldenberg (non crédité à la musique) et Walter Earl Brown (pour le texte) pour remplacer I’ll Be Home for Christmas en tant que final du programme NBC, le morceau fut écrit avec en tête l’affection du King pour le leader noir et sa dévastation suite à l’assassinat de ce dernier. L’assassinat de Robert Kennedy quelques semaines avant son enregistrement a sans doute aussi nourri l’interprétation du King. Bouleversé à l’écoute de la démo, Elvis défiera même, une fois n’est pas coutume, ce Colonel Parker de funeste mémoire pour ses fans, en interprétant le morceau malgré les réticences de son manager.
On peut regarder ce que raconte If I Can Dream avec distance, surtout à la lumière du présent du pays de la bannière étoilée. Mais à l’écoute des intonations du King, il est impossible de ne pas y croire, un peu comme le cœur le plus endurci ne peut refuser de voir La Vie en Rose avec Edith Piaf. Et lorsque le King achève son morceau par un « Qu’il [mon rêve] se réalise maintenant », ces derniers mots prennent une dimension christique. Mais, après tout, le Christ du Rock c’était lui.
Ordell Robbie.
If I Can Dream – les paroles :
There must be lights burning brighter somewhere
Got to be birds flying higher in a sky more blue If I can dream of a better land Where all my brothers walk hand in hand Tell me why, oh why, oh why can’t my dream come true Oh why(Il doit y avoir des lumières qui brillent plus fort quelque part/des oiseaux qui volent plus haut dans un ciel plus bleu/Si je peux rêver d’une terre meilleure/Où tous mes frères marchent main dans la main/Dis-moi pourquoi, oh pourquoi, oh pourquoi mon rêve ne peut-il pas devenir réalité/Oh pourquoi)
There must be peace and understanding sometime
Strong winds of promise that will blow away the doubt and fear If I can dream of a warmer sun Where hope keeps shining on everyone Tell me why, oh why, oh why won’t that sun appear
(Il faut qu’il y ait de la paix et de la compréhension un jour/Des vents forts pleins de promesse qui dissiperont le doute et la peur/Si je peux rêver d’un soleil plus chaud/Où l’espoir continue de briller pour tout le monde/Dis-moi pourquoi, oh pourquoi, oh pourquoi ce soleil n’apparaît-il pas)
We’re lost in a cloud
With too much rain
We’re trapped in a world
That’s troubled with pain
But as long as a man
Has the strength to dream
He can redeem his soul and fly
(Nous sommes perdus dans un nuage/Avec trop de pluie/Nous sommes piégés dans un monde/obscurci par la souffrance/Mais tant qu’un homme/A la force de rêver/Il peut racheter son âme et voler)
Deep in my heart there’s a trembling question
Still I am sure that the answer, answer’s gonna come somehow
Out there in the dark, there’s a beckoning candle, yeah
And while I can think, while I can talk
While I can stand, while I can walk
While I can dream
Oh, please let my dream
Come true
Right now
Let it come true right now
Oh yeah
(Au fond de mon cœur une question m’agite/Pourtant, je suis sûr que la réponse, la réponse viendra d’une manière ou d’une autre/Là-bas dans le noir, il y a une bougie qui fait signe, oui/Et tant que je peux penser, tant que je peux parler/Tant que je peux me tenir debout, Tant que je peux marcher/Tant que je peux rêver/Oh, s’il te plaît, faites que mon rêve/Se réalise/Tout de suite/Qu’il se réalise maintenant/Oh oui)