Le seul plaisir qu’on pourra prendre en regardant l’épouvantable 28 ans plus tard, c’est bien de se réjouir à l’avance de tout le mal qu’on pourra ensuite en dire. Car il n’est pas si fréquent de rencontrer des films aussi mauvais : cela mérite bien un article !

Il faut bien reconnaître que, même si on fait sa mauvaise tête de temps en temps, il est rare de rencontrer, quand on va au cinéma plusieurs fois par semaine, un film qui se rapproche du zéro absolu en termes de cinéma. Dans lequel on est bien en peine de trouver quoi que ce soit de « sauvable ». Devant lequel on a passé des moments réellement pénibles, sans espoir aucun de compensation… si ce n’est le plaisir – assez malsain, en fait – qu’on ressentira ensuite en en disant tout le mal qu’on en a pensé ! Mais le dernier Danny Boyle – un réalisateur souvent coupable d’excès pénibles, on le sait depuis toujours – bat littéralement tous les records, et tient la corde pour être célébré comme LE NAVET absolu de 2025, alors qu’on n’est est qu’à mi-année…
Tout le monde sait que 28 ans plus tard est le troisième volume de la « saga post-apocalyptique » créée en 2002 par Boyle (à la réalisation) et Alex Garland (au scénario) avec 28 heures plus tard, après le sequel non conçu par notre paire de plaisantins, mais confié à une équipe internationale, 28 jours plus tard. Dans cette saga, le Royaume Uni a été dévasté par une pandémie provoquée par des scientifiques imprudents, qui a vu déferler des hordes de « zombies » ou plus exactement des « enragés ». 28 ans plus tard, on nous annonce dans un clin d’œil facétieux à la catastrophe qu’a été le Brexit, que l’Europe a réussi à se débarrasser de la pandémie, que la Grande-Bretagne est désormais une île abandonnée à son destin par l’Europe et le reste de la planète. Alors qu’une petite communauté a réussi à survivre sur une petite île en revenant à un mode de vie moyenâgeux, nous allons suivre les aventures en « territoire zombie » de Spike (Alfie Williams, mignon tout plein…), un presqu’ado qui doit « découvrir le monde », puis veut sauver sa mère malade. Et pourquoi pas ?
Sur ces prémisses assez banales, mais pas plus bêtes qu’autre chose, Boyle et Garland ont réussi à construire un « objet » aberrant, inepte, défaillant à tous points de vue, ce qui constitue une sorte de record. Car le ratage est complet, que l’on parle du scénario, de la réalisation, de l’image, du son, du montage ou de l’interprétation : zéro pointé dans tous les domaines ! Livrons-nous à un inventaire en règle de tout ce qui ne va pas.
Il y a à l’origine, derrière ce troisième volet, une sorte de concept, quelque chose comme « le futur de l’humanité, c’est le retour au Moyen-Âge » : pour être sûr qu’on ait bien saisi la profondeur de cette pensée, Boyle nous fait son petit Luc Besson d’Outre Manche, et nous injecte régulièrement des images « d’archives » ou de vieux films (?), sensées être signifiantes, entremêlées à celles décrivant la communauté primitive où vivent Spike, son père pas fufute mais belliqueux, et sa mère qui a mal à la tête et a des pertes de connaissance. Mais, de toute manière, l’image de 24 ans plus tard, (filmé partiellement à l’aide d’un iPhone, paraît-il, alors que le budget est plus que confortable), est d’une laideur et d’une incohérence déconcertantes, nous décourageant d’emblée de trop nous endommager la rétine en détaillant ce qui se passe à l’écran. Quant au montage complètement erratique, il détruit les quelques scènes qui pourraient surnager dans ce gloubi-boulga indigeste, et se voit encore aggravé par un montage sonore absurde et harassant, véritable épreuve pour les oreilles du spectateur qui s’est déjà résigné à fermer les yeux !
Si les deux premiers films de la saga étaient loin d’être des chefs d’œuvre, ils étaient sauvés par leur brutalité, par leur intensité, et on réalise que Boyle et Garland avaient décidé de poursuivre la même approche, en s’affranchissant des codes pépères du cinéma mainstream : c’est un parti pris louable, mais qui ne fonctionne que très rarement, tout simplement parce que l’histoire qu’on nous raconte est faible et incohérente, et parce que, répétons-le, le montage est littéralement cauchemardesque, rendant irregardables une vaste majorité des scènes de tension ou de violence.
L’introduction de nouveaux types d’infectés ne donne lieu qu’à des résultats ridicules – que ce soit les obèses rampant se nourrissant de lombrics ou les « alphas » sensés être terrifiants, mais qui rappellent surtout le Tarzan de notre enfance « modernisé » par Hollywood. Le film, à la manière des pires slashers décérébrés dont nous aimons nous moquer, fait enchaîner à ses personnages les décisions stupides, juste pour qu’avance l’intrigue. Garland et Boyle ont aussi l’idée absurde d’injecter scènes comiques, voire même « cheap laughs » çà et là, en débit du bon sens, désamorçant les montées en tension.
Mais c’est quand le grand Ralph Fiennes apparaît, tout badigeonné de mercurochrome (« iodine ») que la coupe déborde ; on souffre qu’un aussi grand acteur se voit ainsi ridiculisé… Boyle, c’est vrai, ralentit la course folle de son train fantôme délabré pour lui accorder un peu d’espace et de temps pour jouer, ce qui est un moindre mal… avant de l’abandonner à son sort (il semble qu’il puisse être le héros du prochain film de la saga, prévu pour l’année prochaine, qui s’intitulerait : 28 Years Later – The Bone Temple).
Et on en arrive à la fin du film, grand « wtf » qui a au moins le mérite de nous faire rire de bon cœur : l’apparition de ninjas peroxydés habillés de survêtements de couleurs (sensés rappelés l’allure des Teletubbies, on l’a compris) est un immense moment « non-sensique », qu’on aurait apprécié chez Quentin Dupieux, mais qui ne traduit ici que la perte totale de contrôle de Boyle et Garland sur leur projet.
Eric Debarnot