The Bats – Corner Coming Up : persévérer, encore et surtout quand c’est beau…

The Bats peaufinent leur art de la clarté et de la chaleur humaine : avec Corner Coming Up, The ils continuent de prouver que la fidélité à un son est une forme de grâce.

The Bats
Photo : The Bats / Flying Nun

Leurs détracteurs qualifient parfois The Bats de « groupe le plus fiable du monde » : entendez par là d’une prévisibilité totale. En fait, les Bats, groupe pilier de la scène indie rock néo-zélandaise, sont constitués des mêmes quatre musiciens, et font la même musique depuis leurs débuts 1982… Et le même album, avec des variantes infinitésimales depuis 1987, et leur premier LP, Daddy’s Highway. Bon, on parlait de leurs détracteurs, mais c’est peut-être bien aussi leurs fans qui constatent, avec joie quant à eux, cette invariabilité rassurante dans un monde qui a bien changé en quarante ans.

Corner Coming UpOn parle de onze albums à date, toujours pour le label Flying Nun, toujours produits avec la même économie de moyens et la même attention aux détails. Pour ceux qui étaient nés à cette époque-là, il y a eu quand même le (relatif) succès commercial en Europe de The Law of Things (1990) et Fear of God (1991), avant une longue descente dans un quasi-anonymat. Mais il y a cinq ans, le brillant Foothills a marqué une nette renaissance de l’intérêt porté au groupe, ce qui fait que ce Corner Coming Up sera scruté avec plus d’attention.

Excellente nouvelle : l’album perpétue ce « miracle tranquille » d’une pop indie qui sait vieillir sans se faner, ni se dessécher… Même s’il est moins immédiatement frappant que son lumineux prédécesseur : dans l’ensemble, les tempos sont plus lents, certains morceaux sont plus… méditatifs. D’ailleurs, pour faire mentir l’introduction de cette chronique, l’ouverture de The Gown NE RESSEMBLE PAS A UN TITRE DE THE BATS !!! C’est un morceau lent, dans un registre émotionnel inhabituel, porté par un chant surprenant. Wow ! Aurions-nous affaire à une mini-révolution ? Pas d’inquiétude, dès Lucky Day, la chanson suivante, on retrouve nos marques. Pfff ! On a eu chaud ! Et l’excellente nouvelle, c’est que Lucky Day bénéficie d’une évidence mélodique irrésistible : le tempo est enlevé, c’est de la pop catchy, ça rappelle les débuts du groupe. Mais sans nostalgie lourdaude, attention ! Car The Bats, c’est l’inverse exact de la nostalgie : c’est une célébration constante du présent, avec une légèreté et un optimisme renversants.

Et A Line To The Stars poursuit dans la même veine de créativité, moins enlevé certes, mais plus ample : ce pourrait bien être là l’un des sommets du disque, un futur classique que l’on prendra plaisir à reprendre en chœur. Et un morceau à la beauté caractéristique que l’on fera écouter aux néophytes pour les convaincre de l’intérêt de The Bats. Corner Coming Up, le titre éponyme, est le premier à dépasser les 4 minutes (il y en aura trois autres) : plus complexe, il voit le groupe équilibrer idéalement la mélancolie et leur habituelle volonté d’avancer ; il se conclut même par un assez long passage instrumental, soit une forme inhabituelle pour le groupe. Song For The End ralentit le rythme, va vers l’épure : sur le thème – inévitable – du temps qui passe, avec des paroles plus typiques des états d’âme de gens de leur âge, les harmonies vocales élèvent la chanson vers une beauté bouleversante. La première face du disque se clôt avec un A Crutch A Post en forme de remontée d’énergie, avec des guitares plus rock, presque agressives (enfin, entendons-nous bien, agressives pour The Bats !).

De manière attendue – mais qui s’en plaindrait ? – la seconde face démarre dans la lumière et la joie, sur un rythme bien plus rapide : Nature’s Time est du Bats millésimé, qu’on aimerait voir reconnu dans les charts d’au moins un pays de la planète. Et ce, évidemment, parce qu’au delà de sa mélodie efficace, parce qu’il rappelle l’importance et la puissance de la Nature. On fait alors le grand écart avec Smallest Falls, qui en quatre minutes et demie, distille patiemment une beauté sereine, qui ne rechigne pourtant pas à des effets de crescendo émotionnel. Tidal est une autre « longue » chanson, moins évidente, plus suspendue, presque flottante par instants : ce serait , si l’on veut, la version de la dream-pop de The Bats, un groupe qui, d’habitude, se caractérise par « ses pieds » fermement ancrés au sol.

Eyes Down est une autre chose inhabituelle chez les Bats : une longue introduction au piano, quasiment solitaire, pour un thème très cinématographique. A mi-course, la voix s’élève, brièvement. Et c’est tout. Mais ce qui est amusant, c’est que cette césure sert d’introduction à Loline, cinq minutes très rock, comme on n’en entend plus si souvent chez les Bats. Les guitares bruyantes, le rythme puissant, le refrain qui soulève l’âme, Loline est presque un hymne rock’n’roll. Bon, on plaisante, les Bats ne feront jamais d’hymnes, même rock’n’roll. Mais ce titre martelé comme du Velvet Underground allie de manière magique la lumière qui irradie toujours de la musique des Néo-Zélandais avec une noirceur garage psyché qui devrait – logiquement – leur permettre de clore leurs prochains sets sur des semblants… de pogo.

Ce que l’on retient de ce Corner Coming Up bien troussé, au-delà de la modestie habituelle de la production, et la cohésion toujours imbattable du groupe, c’est que l’expérience des années, le goût de remettre toujours le même ouvrage sur la table, n’a jamais tué la curiosité du groupe, son ouverture d’esprit. C’est aussi un rappel utile à tous qu’il faut continuer à croire à la beauté simple de chansons bien écrites, bien jouées, bien… tenues. Une preuve qu’il n’y a rien de forcément ennuyeux dans le concept de la fidélité artistique.

Eric Debarnot

The Bats – Corner Coming Up
Label : The Bats / Flying Nun
Date de parution : 17 octobre 2025

 

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