The Bats – Foothills : encore une merveille des Bats, 38 ans après leurs débuts

C’est difficile à croire, mais 38 ans après leurs débuts, les Néo-Zélandais de The Bats sont toujours aussi bons. On serait même prêts à juger que Foothills fait partie de leurs tous meilleurs albums…

The Bats
D.R.

Il y a des artistes qui creusent inlassablement le même sillon, font le même film, écrivent le même livre, composent la même musique, sans pour autant perdre leur inspiration, ni même (vraiment) lasser leur public, tant cette obstination paraît féconde. Ou au moins tant elle témoigne d’une foi sincère dans leur Art, d’une préoccupation profonde envers les messages – ou simplement les signaux – qu’ils envoient au Monde. Les Bats sont probablement le meilleur exemple que je connaisse – dans le Rock – de cette invariabilité, de ce refus de sacrifier aux modes, aux influences, aux tendances : depuis la fin des années 80, les Néo-Zélandais de Christchurch produisent ainsi plus ou moins le même album (on en est avec Foothills à une dixième émanation, avec une pause de 10 ans entre 1995 et 2005), et on serait bien en peine d’affirmer qu’il y a eu un seul disque des Bats qui ne nous ait pas ravi à un moment de notre existence.

Foothills - The BatsLe secret de la recette de Robert Scott (compositeur et principal chanteur, ex-The Clean, le groupe séminal du Dunedin Sound), de Paul Kean, Malcolm Grant et Kaye Woodward n’en est pas un : des mélodies pop claires, parfois un peu enfantines, des guitares qui carillonnent, une rythmique façon locomotive qui semble inarrêtable… une sorte de mélange curieusement innocent entre une folk music éternelle et une transe froissée, post-punk et psychédélique –  mais dans la légèreté – que les Feelies avaient merveilleusement illustrée aux USA à leurs débuts.

Avec le temps, la musique des Bats est restée obstinément modeste – ce qui l’a privée d’une reconnaissance pourtant méritée, mais a sans doute préservé le groupe, toujours dans a formation originale. Elle est cependant devenue moins joyeuse, plus nostalgique parfois, moins rapide aussi… mais elle a gagné en richesse, en complexité, sans perdre en émotion. L’âge a donc quand même eu prise sur les Néo-Zélandais, mais le sentiment de légèreté et de détermination mélancolique que véhiculaient les premiers albums, qui nous avaient fait tomber amoureux des Bats en 1987 avec leur Daddy’s Highway, est toujours là.

Enregistré il y a déjà deux ans, dans un cadre champêtre idyllique qui a dû influencer grandement sa conception, Foothills est certainement l’un des tous meilleurs albums du groupe, même si c’est l’un de ceux qui nous serrera le plus le cœur : on n’entend pas tous les jours une merveille comme cet Another Door, qui nous bouleversera en toute simplicité. Mais le fait que les Bats enchaînent immédiatement avec une perle pop comme Red Car – l’une des plus belles chansons, mais aussi des plus simples que Robert Scott ait jamais écrites – nous souffle littéralement, et nous donne envie de resigner avec notre sang notre contrat de fidélité à ces magiciens des Antipodes pour une autre trentaine d’années.

Il y a néanmoins dans ce Foothills plus de variété musicale qu’il ne semble au premier abord : des claviers – discrets – sur l’électrique de Electric Sea View, des guitares saturées sur Field of Vision, une jolie énergie gaie sur Warwick, qui aurait sans doute fait une introduction plus accueillante pour les néophytes qu’un Trade In Silence splendidement désemparé (« We murmur something, but no one can hear / We trade in silence, but no one need fear. / Lost in translation, I can’t make it out / what you have to say, I’m still in doubt… » – Nous murmurons quelque chose, mais personne n’entend / Nous échangeons en silence, mais personne n’a besoin de peur / Perdu dans la traduction, je n’arrive pas à comprendre / ce que vous avez à dire, je doute encore…).

Si Gone to Ground, est d’une superbe tristesse délicate (« I could be floating away, / I may not be here today / I give the impression that I’m here, / I don’t know if I’m far or if I’m near… » –  Je pourrais être en train de dériver en flottant, / Je ne suis peut-être pas là aujourd’hui / Je donne l’impression que je suis là, / Je ne sais pas si je suis loin ou si je suis proche…), soulignons plutôt que As You Were nous élève l’âme et nous réconforte aussi efficacement que le faisaient les chansons des merveilleux albums The Law of Things (1988) et Fear of God (1991) : « Holding out for a better time when everything became so clear / and we dance around, holding hands with those who’ve gone before » (Se raccrocher à un meilleur moment, quand tout est devenu si clair / et nous dansons, en tenant la main de ceux qui sont partis avant…)

Car, avec les Bats, il y a des choses qui, heureusement, ne changent pas. Et ce n’est ni l’entropie, ni l’état du monde, ni l’âge qui auront raison de leur inspiration, de leur talent.

Eric Debarnot

The Bats – Foothills
Label : Flying Nun
Date de sortie : 13 novembre 2020