Tobias Jesso Jr – Goon

Tobias Jesso Jr. photo 2015

Le premier album de Tobias Jesso Jr. est (enfin) paru et sa musique d’inspiration seventies va appartenir à tout le monde. Belle carte de visite, disque non exempt de défauts mineurs, Goon révèle au grand jour la sensibilité de ce fils spirituel de John Lennon ou Randy Newman. A star is born.

Tobias Jesso Jr. 2015 Voilà, c’est fait. Il est enfin sorti ce disque de Tobias Jesso Jr. Parce qu’il faut bien un moment où sortent les disques. Et nous voici contents. Contents et un peu partagés, aussi. Partagés entre le plaisir de succomber avec tous au charme infini de la musique de ce grand échalas bouclé dont on découvrit par hasard sur le net les demos pianotées, touchantes et irrésistibles (Just A Dream, True Love, mille fois adorées depuis deux ans). Et partagés entre les appréhensions, les infimes chipotages, les questionnements qu’on peut légitimement se poser.
Ce Goon si longtemps attendu a d’abord la vertu fondamentale de révéler à  tous le talent éclatant de l’ami Jesso Jr. perpétuant de manière inattendue avec grâce le song writing intemporel des Randy NewmanHarry Nilsson côté piano ou John Lennon des early seventies.
Un art lumineux et faussement simple de la composition pop clair-obscure, piano délicat, voix posée chaleureuse, confessions intimes délivrées sur des mélodies simples et claires. Troublant retour en arrière, classicisme hors d’âge, intelligence musicale d’une immédiate familiarité.
Une fois le talent rare du gars Tobias vite repéré par le milieu, le projet a mûri pendant plus de deux ans, sous la houlette de trois producteurs différents (Patrick Carney, Ariel Reischatdt et surtout Chet « Jr » White du groupe Girls) afin de concrétiser au grand jour les beautés de la musique du grand escogriffe qui, après plusieurs expériences ratées, s’est enfin trouvé musicalement.
Vu l’évidence des compositions emballantes du nouveau venu, Goon réussit d’ailleurs plus que bien le pari : en témoignent les perles Without You, accroche-coeur « lennonien » et décalque futé d’Imagine ou la brillante Hollywood, confession amère sur la course au succès artistique close sur des cuivres dissonants, digne des meilleurs titres de Cass McCombs.
De jolies trouvailles sonores qui parcourent tout l’album et colorent ça et là  l’art intimiste de notre nouveau chouchou de touches parfois gospel (How Could You Babe), folk (The Wait), pop beatlesienne-McCartneyienne (Crocodiles Tears) et même soul doo-wap (Leaving LA).
Une volonté louable de dynamiser la musique du garçon mais qui, compte tenu de ces approches différentes, a parfois l’inconvénient de menacer la cohérence artistique du disque, ainsi qu’une propension à  un son parfois trop studio de ses chansons, un peu lissé, qui ne restitue pas toujours toute la grâce de ses bijoux.
En bon TobiasJessoJr.maniaque et fan hardcore de ses demos, on en voudra pas mal au producteur qui a flanqué la sublime Just A Dream d’une batterie envahissante et de cordes peu subtiles ou d’avoir paré Bad Words d’un effet inutile de voix trafiquée.
Oserais-je ajouter que le crime le plus grand me semble l’absence sur l’album de ma compo préférée, l’irrésistible True Love ?
Une fois remisées ces récriminations de pinailleur perfectionniste, le sentiment qui prédomine à  l’écoute de ce disque est toutefois la joie, ne vous y trompez pas.
La joie de parcourir un song writing et langage musical d’une classe folle renvoyant aux plus grands (voir plus haut), entre ragtime existentiel (Can’t Stop Thinking About You), ballades amoureuses esseulées et pourtant radieuses (Without You, Just A Dream) ou chant vespéral rempli d’espoir (For You).
La joie surtout d’avoir rencontré un nouvel ami, grand échalas canadien de trente ans émigré en Californie, au talent évident que cet album inaugural, pour imparfait qu’il puisse être parfois, place déjà  parmi les étoiles les plus prometteuses de l’actuelle scène musicale US.
À défaut d’un disque irréprochable, ce Goon introductif se révèle surtout le plus alléchant des teasings pour la carrière de ce faux perdant et faux couillon attachant à  l’avenir palpitant puisque tout lui semble désormais ouvert. Horizon radieux en vue.

Franck ROUSSELOT

Tobias Jesso Jr. – Goon
Label : True Panther Sounds / Matador Records / Wagram
Sortie : 16 mars 2015