Poing – Neige Tropicale

En parallèle de ses expériences en groupe avec Pastoral Division et I Come From Pop, le brestois François Joncour alias Poing glace l’air avec une électro martial qui doit autant au Krautrock qu’à Front 242.

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Qui se cache derrière le patronyme  de Poing ? Un certain François Joncour, brestois de son état, repéré au sein des Pastoral Division ou encore de I Come From Pop. Il revient ici en solo avec Ce Neige tropicale, EP inaugural de sa discographie avec Poing.

 Poing — Neige Tropicale cover albumRéglons tout de suite ce terme de mode du Krautrock. C’est vrai que depuis quelques années la musique ne fait que se recycler. Rappelez-vous l’Electro-clash éphémère des années 2000 qui trouva vite ses impasses. Le principe d’une mode, c’est qu’elle n’est faite pour ne pas durer. Elle ne tient souvent qu’une saison, pas beaucoup plus. On est parfois saisi par ce petit malaise tenace de cette capacité de répéter jusqu’à son épuisement une idée brillante, quitte à nous lasser, quitte à nous frustrer.  Ce petit malaise aussi de ne pas voir de nouvelle école musicale émerger et de répéter à l’envie que tout a été dit.

Chez Poing, le Krautrock est clairement une référence mais il ne faut pas y voir une simple copie. Certes, François Joncour connaît sûrement sur le bout des vinyles son Can, son Faust mais il y infiltre d’autres périodes musicales. La martialité de Front 242, la sécheresse de Nitzer Ebb ou de Cabaret Voltaire.
Plutôt que de se laisser écraser par ces références proches du sacré et de l’intouchable, le brestois glisse des clins d’œil subliminaux, comme des traits d’humour presque moqueurs.  A première écoute, il n’est pas sûr que vous repériez toujours dans ces icebergs gelés toute la dimension drolatique sous-jacente.

Ce qui caractérise ces 5 titres de Neige Tropicale, c’est cette atmosphère de tension. Du Tropiques en ouverture au presque Cold Waveux Les Confins ou encore Neige Nouvelle, Poing tisse une musique osseuse, squelettique qui évoquera parfois les B.O de Trent Reznor avec ou sans Attica Ross, parfois le Lynch de Inland Empire.  On pense à Lynch aussi pour ces tentations Post Industriel, de celles que l’on trouvait sur le BlueBob  de l’auteur de Twin Peaks.
Chez Poing, il y a aussi des envies Noise comme sur Imago avec ces saturations qui strient les espaces.
Sans doute, ce qui fait toute la pertinence de ce Ep de François Joncour, c’est qu’il n’a que faire des modes. Ce qui l’intéresse ici, c’est la confrontation. La confrontation entre l’électricité de Sunn O))) ou de Earth avec l’épure d’un Tim Hecker. En multipliant le jeu avec les références, paradoxalement, c’est ainsi qu’il devient singulier.

Tout est de l’ordre des résonances des contraires comme des vases communicants inversés. Ces titres de Poing sont à la fois épurés et denses, touffus et cachexiques, ouverts et cloisonnés, dansants et neurasthéniques. Rappelez-vous cette impression inconfortable quand on se rend compte que l’on s’est perdus au plus profond d’une forêt. On est vite cernés par ces peurs enfantines et premières. Quand on s’est enfoncés bien trop loin des chemins domestiqués, on se retrouve dans une voie sans issue végétale, coincés au milieu des ronces, à l’affut de la piqure qui va venir.C’est à peu près cela que vous ressentirez à l’écoute de Poing. Cultiver votre claustrophobie dans des espaces ouverts, stimuler vos limites face au paroxysme.  Jouant avec les pôles et les oppositions, François Joncour ne propose pas une musique édulcorée. Elle est éprouvante, elle est offensive comme un film de Takeshi Miike. Pour autant, elle n’est pas cérébrale et froide. Elle est physique, affirmée comme une gifle, comme un poing dans la gueule

Greg Bod

Poing – Neige Tropicale
Label : Karen Koltrane Records
Sortie le 27 mai 2016