Les invités de mon père

invites_image.jpg« Ceux qui restent » le précédent long-métrage d’Anne Le Ny, traitait de l’absence et de la vie nouvelle en contant l’amour de deux amants endeuillés à  travers les couloirs d’un hôpital dont les murs taisaient les morts. D’une certaine manière, »Les invités de mon père » traite lui aussi de ces même thèmes, portant un regard humaniste sur la redécouverte de soi et du déracinement (affectif dans »Ceux qui restent » géographique dans celui-ci). Chacun parle sur le ton amer d’un petit théâtre social, révélant les blessures des uns et des autres par rapport au monde qui l’entoure. Cette fois, le film d’Anne Le Ny s’accompagne d’une dimension sociologique et politique puisque le sujet central est un clin-d’oeil à  la condamnation encourue pour l’aide aux personnes réfugiées et sans-papiers.

Avec un certain mordant, Anne Le Ny croque le portrait d’une famille qui voit son équilibre se détacher peu à  peu d’un idéalisme rassurant. Intelligent, le film se sert avec brio d’une situation cynique (l’immigrée est en fait une femme un peu trop à  son aise) pour revenir à  son but principal, c’est-à -dire souligner à  quel point l’humanité et le geste civique des uns peut améliorer la vies des autres. La force du film est justement d’opposer à  l’étiquette bien-pensante de rigueur un humour noir qui remet en cause les opinions de chacun ; l’argumentaire s’en retrouve décuplé puisque chaque personnage est à  peu près compréhensible dans sa peur, son doute, son refus, sa générosité ou sa détresse. C’est aussi ce qui nous entoure que décrit Anne Le Ny, jusqu’où, par exemple, le désir d’infidélité amoureuse (personnage de Babette) peut lui-même cacher une forme de lâcheté qui renvoie inconsciamment sur le sort de la sans-papiers. Plusieurs pistes diverses viennent donc s’entrecroiser et créer une mosaîque d’être humains qui reflète à  petite échelle ce qui se joue dans une société entière mais morcelée. Il manque du panache au rythme comique, peut-être aussi la force d’un vrai film choral, mais d’un autre côté c’est l’émotion, inattendue, qui pointe son nez et permet à  l’oeuvre d’être d’une belle ambivalence entre son aspect moqueur (rien ne se résume toutefois à  la caricature facile) et son réel message humain. Une finesse que renforcent les interprétations saisissantes de Karin Viard et du fantastique Michel Aumont, vieil homme blessé et amoureux dans ce monde nouveau et injuste.

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Jean-Baptiste Doulcet

Les invités de mon père
Film français de Anne Le Ny
Genre : Comédie sociale
Durée : 1h40 min
Avec : Fabrice Luchini, Karin Viard, Véronica Novak…
Date de sortie cinéma : 31 Mars 2010