[Monnot-mania] : OK – Shards

okgroup
photographie ,©VincentBourre

l’auteur de  » Noche Triste,  »  vient,  évoquer à  sa manière un album pris dans l’actualité ou un classique du rock.
Cette semaine il est question d’un album de »heavy-folk » signé du groupe français OK.

PAR UNE NUIT BRUMEUSE ET SANS SOMMEIL…

Avant de jeter une oreille à   » Shards  » le premier album de OK, j’erre par une nuit brumeuse et sans sommeil sur la page Facebook du groupe : OK heavy-folk.  » Heavy-folk  » ? Deux mots aussi incompatibles que  » Variété Indé  » ou  » Rondo Veneziano « . Crétin péremptoire que je suis !

J.’envoie un texto au boss : dsl ok c pamatass 2 t
Me répond : tkt c pagrav

Malgré tout, luttant contre mes démons fascisants, j’écoute »et plusieurs fois encore. Parce qu’il y a beaucoup de belles choses. Ne jamais se fier aux classifications. J.’en use la jaquette à  promener le disque avec moi.

Un peu de heavy bien sûr, avec des grosses guitares blues-rock australiennes si tu piges l’astuce Angus : bons vieux riffs à  deux-trois accords et mini-solos en guise de liant. Le côté lourd (heavy en anglais).

La voix de Guillaume Magne se pose, calme, éraillée, provocante ou monte très fort et très haut pour emballer la machine. Le monsieur sait très bien chanter, il me fait penser à  Roger Daltrey.

Le rapprochement avec les Who ne se limite pas à  une similitude de tessiture.  » Turning On a Dime  » flirte carrément avec l’opéra-rock et la nuance est présente sur tout l’album. Un petit côté  » Tommy  » avec des montages alambiqués dans les structures et mélodies. Les choeurs de bonshommes font exploser les refrains.

l’ensemble est super efficace, puissant, entêtant.

ok

J.’accrédite cette piste en emmenant mes filles à  l’école. Je fais des expériences, je ne passe pas ma vie à  picoler du (Back in)Black Label et fumer des clopes à  dix balles ou presque en tapant frénétiquement sur une vieille Underwood ! Je profite de ces trajets pour parfaire leur éducation musicale. Je mets  » Shards  » dans l’autoradio, la petite suce son pouce à  l’arrière et s’en fout royalement, la grande me dit que ouais c’est pas mal mais quand même un peu bizarre. Je ne m’inquiète pas, le monde d’une jeune fille de dix ans est, de toute façon, un peu bizarre. Mon histoire devient intéressante quand, en sortant de la voiture, elle se met à  fredonner inconsciemment »comme hypnotisée »le thème principal du  » Fantôme De l’Opéra « . (La chanson préférée de mes filles en ce moment, pour te donner un ordre d’idée, c’est celle de la pub Miel Pop.’s avec les abeilles et le vocoder). Elle est sous l’influence d’une force paranormale. Évidemment ! C’est peut-être subliminal mais il y a bien une teinte opéra-rock,  dans le placard ! C.’est validé. 1+1=2.

La part folk des  » OK « est plus subtile et spirituelle. C.’est cette reprise gonflée à  la testostérone du  » Road  » de Nick Drake. Quiconque oeuvre à  la conservation du patrimoine du maître et génie dépressif mérite les honneurs. C.’est cette belle chanson,  » The Gardener  » qui sonne comme du Bowie période Hunky Dory. C.’est ce petit banjo ou assimilé qui ouvre l’album et se promène. C.’est l’intelligence délicate ou la délicatesse intelligente des arrangements et des compositions. C.’est enfin le ciel gris et mélancolique d’un trajet Paris-Rouen sur l’autoroute de l’Ouest. à‡a c’est Folk !

Les honneurs encore, et ça, ce n’est pas du tout heavy-folk, pour l’inventivité bruitiste du très bon  » The Frontline  » ou de l’étrange et terrible  » A Drunken Text « . Plus tu avances dans l’album, plus l’expérimental s’installe. à‡a ce fait progressivement, sans que tu l’entendes, discrètement. Tu finis complètement perché avec les machines et le saxo déjanto-bahaussien du dernier titre (dont je n’arrive pas à  lire le nom sur la jaquette puisqu’elle est usée j’te rappelle). Si les OK sont quatre aujourd’hui dans une formule rock.’n’rollienne classique, dans une autre vie, ils ne furent que trois, un guitariste-chanteur et deux batteurs (dont un multi-instrumentiste type Bobby Nastanovitch de Pavement, étalon-or de la profession), laissant la part belle à  l’expérience sonore. Ils semblent ne pas l’avoir oublié.

Alors si comme moi tu es un peu allergique au heavy, dis-toi que c’est vraiment ici à  petites doses et drôlement bien fichu. Prends ça pour de la mithridatisation au cas où un jour tu te fasses coincer dans un ascenseur avec un fan de AC/DC et son ghetto blaster. Tu seras prêt.

Shards, c’est bien plus que du heavy-folk, c’est très riche, (un peu trop parfois), très musical, très distingué.

Shards c’est OK !

Ok – Shards – Carton Records – janvier 2014

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