Belle and Sebastian – Girls in peacetime want to dance

GirlsInPeacetimeWantToDanceBelleandSebastian2015La dernière fois que j’ai écouté, je veux dire »vraiment » écouté Belle & Sebastian, c’était encore un groupe écossais twee pop, avec un fort bagage folk et une propension à  la joliesse apaisée, un peu classieuse.

Avec ce nouvel album, plus encore qu’avec le précédent, la bande réunie autour de Stuart Murdoch affirme un goût plus prégnant pour la musique qui se danse ou du moins se trémousse. Pas vraiment de la dance comme l’auteur aimerait nous le faire croire, plutôt de la pop folk enjouée.

Belle and Sebastian, depuis deux albums essaie surtout de se défaire, après 19 ans de carrière et 9 albums au compteur, de l’étiquette twee folk ou twee pop (une folk gentillette quoi) qui lui colle aux baskets.

Sur girls in peacetime l’effort est encore plus évident que sur le précédent write about love, qui planquait sa mue sous l’apparence de musique pour films imaginaires. Pour ce nouvel album, B&S s’est entouré du producteur Ben H Allen III, remarqué pour son travail avec Animal collective -caution indé – mais aussi et j’ai envie de dire surtout avec Gnarls Barkley -caution trémousse -.

Son travail semble avoir consisté, pour chacun des titres, à  mettre en avant l’instrument riche en gimmicks ou en vertu ondulatoire, et à  ordonnancer derrière lui les trouvailles d’arrangements choeurs et cuivres en tête (marques de fabrique de B&S ). L’album, du coup, garde l’effet relativement inoffensif et plein de »mignoncité » auquel nous a, habitué le groupe depuis ses débuts, mais propose une flopée de rythmes synthétiques et de beats qu’on n’aurait jamais imaginé dans l’univers des Écossais.

Dans sa promo, Stuart Murdoch assène qu’il s’agit d’un album plus dance, plus soul. Sans aller jusque là , – on ne sautera pas sur la piste de danse dès la première écoute- force est de constater que le groupe cherche à  accrocher la mélodie pop qui se fredonne, chaloupée, évidente… Aussi facile et jouissive qu’un titre Disco, certes. A cet exercice trois titres se démarquent notoirement tant ils louchent ouvertement vers les standards du genre : Enter Sylvia Path et sa rythmique presque euro dance bourine, décalée, un peu de mauvais goût, mais efficace; perfect couples qui lorgne vers le ska et l’Afro, avant de plonger ouvertement disco et Play for today porté par son clavier dance 80’s.

Ailleurs, Belle and Sebastian réinvente à  coups de ballades à  deux voix – mention spéciale à  Sarah Martin, qui arrive enfin à  faire oublier Isobel Campbell, longtemps regrettée, mais aussi à  Dee Dee des Dum Dum Girls qui apporte l’élément »stupre » sur , Play for Today.

Des chansons portées par des mélodies enjouées et des synthétiseurs qui ailleurs sonneraient ringards tournent ici au charmant, grande force du groupe. Dans ce spectre ouvertement pop, B&S va du Velvet underground et Nico jusqu’à  une certaine réinvention de la britpop façon Pulp, Catatonia ou Space., De la presque dance quoi, quand on se rappelle que toute cette vague faisait de la musique qui se sautillait sur la piste de dance, bras à  hauteur des épaules. Mais sans doute pas tout à  fait celle que notre imaginaire se plaisait à  dessiner quand Murdoch a annoncé son virage disco. Tout n’y est pas indispensable. Tout y est cependant toujours admirablement agencé et construit.

Soul? Pas goutte, musicalement à  peine parfois un peu de Motown a défaut de franche disco. Peut être alors faut- il chercher du côté des paroles pour retrouver ce supplément d’âme vanté dans les récents interviews de l’auteur? Parce que dans ce nouvel album, si on tend l’oreille et si on se met à  traduire les textes, on se rend compte que Stuart Murdoch porte un discours personnel, parfois engagé, un regard de biais sur le monde dans lequel il évolue. Le bonhomme a beau prétendre qu’il s’agit d’un opéra pop ou un double féminin de lui-même évolue dans ce monde de brutes, on ne peut s’empêcher de reconnaître l’auteur entre les lignes: »Lying on my bed I was reading French / With the light too bright for my senses / From this hiding place, life was way too much / It was loud and rough ’round the edges,« . Il y fustige une certaine vision du monde moderne à  base de chocs de civilisations »when there’s bombs in the Middle East, you want to hurt yourself » (Allie), mais est aussi capable de plus de nunucheries pop qui s’accomodent parfaitement de viser un peu plus vers la dance music : Jump to the beat of the party line / There is nobody here but your body .

Le nouvel essai de Belle and Sebastian ne m’emballe pas sur toute la longueur loin de là . Les moments emprunts d’eurodance et ceux qui lorgnent un peu trop ouvertement vers la »méthode folk » de B&S ne m’engagent pas vraiment à  la réjouissance béate. Pourtant, quand Stuart Murdoch, et sa bande se piquent d’aller titiller des instincts plus pop, plus disco, je loue la capacité du groupe -qui a démarré il y a bientôt deux décennies- à  se renouveler en réfléchissant sur la formule qui a fait son succès, avec une certaine réussite. Dans l’histoire de la pop britannique récente, je ne vois que la bande de Damon Albarn et ses Blur, capables d’aller souvent repousser les murs d’une formule déjà  bien rodée. Et pour ça Girls in peacetime want to dance retient mon attention. Et les groupes qui ne se contentent pas de renouveler la formule du succès, j’aime, quand bien même les titres de ce nouvel album sont un peu inégaux. Jamais chiants en tous cas.

Denis Verloes

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Tracklist

Date de sortie: janvier 2015

Label: matador / Beggars

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