Haut et court, de Philippe Cohen-Grillet

Une gageure pour ce roman, le premier de Philippe Cohen-Grillet : romancer un faits-divers terrible, la pendaison collective d’une famille »apparemment bien sous tous rapports » de manière unique, distante et sans jamais sombrer dans le racoleur.

Et une gageure hautement relevée, par une écriture ciselée et drôlatique, une évocation palpitante d’existences moroses et le récit d’une enquête amateuriste pour comprendre les raisons du drame familial. A cela, Cohen-Grillet ajoute un vrai »storytelling » à  l’américaine, où se croisent les vies de chacun des futurs pendus, à  chaque fois basculées dans le pathétique par un détail anodin, mais qui pourrait en partie expliquer le fondement de leur suicide. Mots tendres, mots boomerang, bons mots bien frappés… en filigrane de ce fait-divers plutôt original, l’auteur dépeint également une société en crise, celle que nous connaissons actuellement. Pas vraiment la perte de repères de générations ou autres, non : la crise économique, les licenciements, les névroses dues au travail, les pressions ou les petits jobs, voire le bénévolat forcé. C’est la France d’en-bas, simple mais bardée de problèmes inextricables, que veut souligner le livre à  grands renforts de situations comiques autant que désespérées.

« Haut et court » ne juge pas, il se contente d’extraire d’un constat horrible un jus drôle, noir, irrévérencieux pour le répandre sur les questionnements d’un monde qui décline lentement mais sûrement. Le tout en restant le plus frivole, léger et piquant possible. Plus qu’une gageure, donc, un défi quasi-impossible mais brillamment exécuté.

Jean-François Lahorgue

Haut et court, de Philippe Cohen-Grillet

Le Dilettante, 256 pages, 17 euros

Date de parution : septembre 2012.