Démineurs

affiche_12.jpgAlors que Brian De Palma a hissé à  un niveau d’intellect supérieur le cinéma politique – plus particulièrement concernant l’invasion américaine en Irak – avec son fameux mais néanmoins éprouvant Redacted, d’autres comme Kathryn Bigelow se soucient encore de la fonction cinématographique en s’interrogeant sur la notion du divertissement et les liens qui amènent à  se faire confronter deux types de cinéma opposés, à  savoir le film purement politique et le film d’action.

Démineurs, à  l’image de l’irrégularité qui caractérise la filmographie de la réalisatrice de Point Break, gagne dans un domaine ce qu’il perd intégralement dans l’autre. Cette incursion dans le quotidien des démineurs, démarche extrême qui nécessite un engagement artistique fort, est constamment sous tension, dans la sauvegarde des émotions à  vif de tous ces hommes qui risquent leurs vies. Le montage impressionnant de précision et le travail sur la bande-son interviennent rapidement en tant que réussite principale de cette tension créée, insoutenable, qui s’agrippe à  nous jusqu’au bout. Dans cette mise en scène de la suffocation, Démineurs excelle, : il établit un simple parallèle du démineur au spectateur en faisant pénétrer ce dernier au coeur d’une action imprévisible et dont on peut ressentir toute la complexité et la peur primale qui s’en dégage.

Mais, à  l’inverse de cette démarche divertissante ultra-aboutie, le film use et abuse de la vieille soupe moralisatrice pour exposer ses idées phares qui en font à  priori un film un peu moins bête que la masse actuelle. Seulement, il se dégage si peu de force dans la critique que toute parenthèse politique est à  exclure directement ; la naîveté plate des dialogues, qui peinent à  aller aux mots justes, le schéma très formaté et formateur du cinéma-exercice (tension/relâchement) tout comme l’absence de personnages forts ôtent immédiatement au film ses multiples possibilités de s’évader plus loin, vers les questionnements passionnants qui sont au centre des guerres et des hommes déchaînés par l’obligation d’un quotidien banalement monstrueux. Il manque aussi l’épure propre à  la réflexion guerrière ; l’homme et les bombes dans un décor d’apocalypse ne sont finalement que des alternances à  la répétitivité accentuée par les caractères stéréotypés et les psychologies sommaires. Et c’est dommage car Démineurs partait de ce principe intelligent car personnel, de malaxer deux points de vue de cinéma pour n’en former plus qu’un au final.

Et même si ce nouveau film n’offre pas à  Kathryn Bigelow la possibilité d’acquérir une signature personnelle car ses films demeurent basés sur un premier degré qui laisse peu de marge à  toute forme d’imagination, il confirme l’efficacité toujours aussi certaine de son cinéma et son sens admirable du découpage.

Jean-Baptiste Doulcet

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Démineurs
Film américain de Kathryn Bigelow
Genre : Drame, Guerre
Durée : 2h04
Sortie : 23 Septembre 2009
Avec Jeremy Renner, Anthony Mackie, Brian Geraghty,…

La bande-annonce :

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