Skyfall – Sam Mendes

Pour le cinquantième anniversaire de l’agent spécial le plus célèbre du Royaume Uni, il fallait évidemment frapper fort. Ce que fait sans conteste possible Sam Mendes, réalisateur lui-même britannique qui signa par le passé American Beauty et Les Noces rebelles, mais de manière plutôt inattendue et pour tout dire réjouissante en amenant Skyfall sur des terrains inhabituels. Du générique jusqu’aux scènes finales, Sam Mendes se joue avec ironie et second degré des codes de la série des James Bond en les transgressant, les malmenant et leur apportant une dimension inédite, patinée par l’irruption d’une lecture quasi psychanalytique. Passée l’époustouflante scène d’ouverture, où il est désormais acquis que tout est possible au cinéma, y compris se poursuivre en motos sur les toits du Grand Bazar d’Istanbul et jouer d’une pelleteuse sur un train, le film investit l’Asie et ses grands symboles de développement et de fierté économiques. Shanghai est bien la métropole du 21ème siècle, royaume du modernisme et des techniques les plus sophistiquées que le réalisateur de Away We Go n’aura de cesse de moquer en les confrontant aux anciennes méthodes parfois bien plus efficaces.

Délaissant les empires du soleil levant où se terre le méchant, agent répudié de surcroît gay, qui lors de sa première rencontre avec Bond lui fait un numéro de drague hilarant, le film réinvestit le territoire des origines, : Londres puis l’Ecosse. Dès lors, Skyfall se transforme en drame shakespearien sans pour autant abandonner complètement les scènes à  grand spectacle. Mais il devient plus intime, sonde les relations troubles et équivoques entre les agents et M leur patronne toute-puissante et convoque dans une apothéose finale à  peu près tous les éléments, : air (par où arrive le mal), feu, eau et glace. l’ensemble du film se construit très habilement sur les oppositions entre traditions (gadgets désuets et reliques) et modernité (l’omniprésence des ordinateurs), entre jeunesse inexpérimentée et vieux en fin de course, entre réalité (du terrain) et virtualité (des ministères se pensant à  l’abri des méfaits des terroristes). On voit clairement de quel côté penche Sam Mendes qui, en choisissant de remonter le temps et de revenir ainsi aux origines, rend donc le plus bel hommage à  l’agent 007, bringuebalé et vieillissant, devant lui aussi – comme ce fut le cas il y a quelques mois pour Bruce Wayne – se remettre à  l’exercice et retrouver un semblant de forme pour pouvoir reprendre du service. Un service que manifestement il n’est pas près de quitter, sans doute reparti pour un nouveau demi-siècle.

Patrick Braganti

Skyfall
Film d’action et d’espionnage américain, britannique de Sam Mendes
Sortie : 24 octobre 2012
Durée : 02h23
Avec Daniel Craig, Judi Dench, Javier Bardem,…