Megadeth – Peace Sells… but Who’s Buying? : Guerre(s) et Paix(?)

1986, année Thrash par excellence. Un petit groupe Californien balance son deuxième album et va taper un grand coup dans le petit monde du Metal. Un an auparavant le rouquin fou: Dave Mustaine créait son propre groupe en réaction à son éviction de Metallica. Mustaine va cracher sa haine par le biais de Megadeth, mais là où les autres n’auraient pas tenu plus d’un album, Mustaine, lui, va amener son groupe au sommet du Thrash Metal dans un déluge de décibels et de hargne inextinguible. La paix est a vendre…Mais personne en cette année 1986, ne veut l’acheter.

Megadeth - Peace Sells… but Who’s Buying

En cette année 1986, les Modern Talking, leur brushing et leur fausses dents rutilantes susurraient un Brother Louie dégoulinant aux oreilles des pucelles du monde entier. Samantha Fox trimbalait sa lourde poitrine dans les charts en hurlant directement son Touch Me dans les slips maculés d’ados priapiques fascinés, tandis que notre Jeanne Mas nationale pensait qu’en rouge et noir elle exilerait sa peur ou qu’elle irait plus haut que ces montagnes de douleur (Non mais j’te jure !).
Une année riche en variétoche en tout genres, en coupes mulet ridicules et en costards en nylon luisants, mais pas que…
Cette année 1986, après son lot de costards multicolores et de synthétiseurs bien trop synthétiques, n’avait pas que de la variétoche bas de gamme et fastoche à ingérer à se foutre sous la dent. Non mon pote !
Mille putain de neuf cent quatre-vingt six va voir éclore – progresser plus exactement – un genre encore underground, moderne et ultra-brutal: Le Thrash Metal.

Il faut dire qu’en cette année bénie, les oreilles masochistes des rockeurs – des Metalleux plus précisément – du monde entier furent agressées au dernier degré par quelques skeuds bien sanglants qui semblaient tout droit livrés chez toi par Satan himself. Iron Maiden balançait son Somewhere in Time avec un Heavy Metal mélodieux et ultra-léché, Motörhead lâchait Orgasmotron et Metal Church son célèbre The Dark. Le Metal peaufinait sa fusion en cette année 86 et lâchait des étincelles partout autour de lui embrasant tout ce qui gravitait à ses côtés.
C’est un sous-genre qui prend feu, qui explose en ce milieu des années 80.
Metallica crachait son album le plus mythique. Son Master of Puppets allait donner le La à toute une génération de Metalleux qui allait se faire les dents sur les riffs lourds du grand James Hetfield. Slayer balancera également son Reign in Blood, oeuvre violente et cauchemardesque, brassant des thématiques toutes plus malsaines les unes que les autres (Satanisme, horreur ou même les expériences de l’immonde Mengele sur le furieux Angel of Death), jouée pied au plancher par les Californiens. Le Thrash Metal acquérait en cet an de grâce ses plus belles lettres de noblesse dessinant à coups de riffs rageurs et de solis supersoniques le futur du Metal pour – au moins – la décennie à venir.

Il y a en cette année 1986 bénie par les Dieux du Metal, un autre groupe qui va faire parler de lui. Un groupe qui va venir boucler ce qui deviendra le « Big Four »: Megadeth.

Avant d’être un groupe – et quel groupe ! – Megadeth c’est avant tout un homme – Et quel homme ! – : Dave Mustaine.
En 1981, Mustaine répond à une annonce du magazine The Recycler pour devenir guitariste soliste d’un petit groupe de Thrash Californien : Metallica. Voilà donc notre divin rouquemoute engagé chez les Horsemen, enchaînant répétitions, compositions, vente de drogues en tout genres pour survivre et cuites à la binouze tiédasse régulières. Dave compose quelques titres pour Metallica (The Four Horsemen, Jump in the Fire, Phantom Lord ou encore Ride the Lightning et The Call of Ktulu), participe à quelques concerts confidentiels bien agités pour qu’à peine deux ans après, Hetfield et Ulrich lassés des débordements alcoolisés de leur soliste et de son caractère abominable, lui file leur basket montante dans le fion en lui demandant instamment d’aller taper sa rabla sur le trottoir d’en face.
Mustaine se retrouve le cul par terre, lâché par ses amis dont le nom commence à s’afficher de plus en plus souvent sur les devantures des salles Rocks et autres fanzines sur le tout jeune Thrash Metal. Après avoir repris son boulot de dealer de coin de rues pour gagner sa croûte, le divin rouquin se met en tête de créer son propre groupe. Tandis que Dave rumine sa rage d’avoir été évincé du désormais – un peu – célèbre Metallica et se passe en boucle les démos qui les ont rendus célèbres et dont il n’était pas pour rien. Mustaine, dans son petit appartement, bourré comme un coing, joue et rejoue ces riffs qu’il a mis au point avec Hetfield, sono à fond et Marshall à dix. Mais sous cet appart miteux jonché de canettes de bières vides et de mégots de bédo écrasés à même le sol, vit un tout jeune homme à peine sorti de l’odieuse adolescence et qui écoute maintenant depuis plusieurs semaines la rage électrique que Dave vomit de sa guitare enragée. Ce jeune homme, ce voisin à cheveux longs abreuvé de riffs ultra-puissants et de stridences vocales « mustaineniennes » c’est Dave Ellefson.
Ellefson qui prendra la basse du groupe en 1983 pour ne – presque – plus la quitter. En 1985, après des années de répétitions, de ruminements haineux (Mustaine est viré de Metaloche avant la sortie de Kill’em All), de ressentiments – encore ! – stériles et de substances en tout genres, sort le premier album de Megadeth (Megadeath sera oublié juste avant la sortie du premier skeud) : Killing Is My Business… and Business Is Good!
Un album furieux, craché sur vinyle par un Mustaine rongé par la haine et la came qui n’a qu’une idée en tête faire Bigger, louder… and faster que ces raclures de Hetfield et Ulrich.

C’est la rancœur et le ressentiment qui fabrique le leader Mustaine et son groupe. C’est le carburant qui alimente le moteur Megadeth. Un premier jet comme la saignée bienfaisante dégorgeant un sang noir, épais et malodorant, une expurgation d’un trop plein d’aigreur, un abcès énorme qu’il fallait absolument percer pour pouvoir continuer.
C’est en 1986, à peine un an après le premier album, que Mustaine va s’atteler au second opus de Megadeth. Si la rancune de Mustaine a trouvé son écrin sur ce premier album, ce condensé d’énergie brute, punk et brouillonne, à la prod’ balbutiante et à la rage animale, le deuxième n’en sera pas exempt. Mais d’une autre façon.
Mustaine est prêt pour rivaliser. Pour s’attaquer aux dorénavant maîtres du Thrash Metal, pour jouer des épaules avec Metallica, pour lesquels le divin rouquemoute avait participé à l’érection de leur statue. Le line-up – qui changera souvent (faut se le fader le Dave quand même !) reste le même que pour le premier album: Mustaine (Guitare rythmique, solo et chant), Dave Ellefson (Basse), Chris Poland (Guitare rythmique et solo) et Gar Samuelson (Batterie).

Dès le premier morceau, dès ce départ pied au plancher où la basse et la batterie démarrent en trombe avant que la saturation sèche et râpeuse de la Flying V de Mustaine vienne nous saisir à la gorge, c’est le son qui attire l’attention. La production tâtonnante, gérée dans l’urgence du premier disque prend son temps sur le deuxième, l’équilibre se stabilise, les instruments se séparent, le brouhaha devient musique et gagne en lisibilité. Une lisibilité qui va permettre aux auditeurs de s’apercevoir de la maîtrise technique, de la rapidité d’exécution et d’un sens du riff hors du commun de la bande à Mustaine.
Wake up Dead ouvre l’album sous une tornade de décibels et offre en l’espace de 3:30 minutes un échantillon survolté du style Megadeth. Riff Metal tantôt lourd, tantôt speed; solo virtuose, césure syncopée qui t’oblige – bien malgré toi – à headbanger comme un putain d’ado décérébré. L’album est lancé sous les auspices d’un Thrash Metal tout-puissant dont Dave Mustaine s’apprête à écrire une belle partie de ses évangiles.
Les morceaux de bravoure s’enchaînent. The conjuring démarre sournoisement sur un message de bienvenu malsain psalmodié par Dave sur une rythmique menaçante avant que ne résonne le  » Obey ! » qui va laisser le champ libre à un Thrash survolté qui laisse présager le meilleur pour la suite. C’est la basse d’Ellefson qui ouvre Peace Sells sur un rythme chaloupé, presque dansant, avant que les grattes de Dave et Poland viennent faire tomber la foudre, balançant un crescendo effrayant en fin de chanson où le même Chris Poland crache un solo plein de stridences et gavé de feeling ras la gueule finissant dans un déluge de notes un classique instantané des Californiens.
Le reste de l’album suit le cahier des charges Thrash, ce fil de fer tendu comme un putain de string toujours prêt à péter, qui résistera pourtant durant 35 minutes dans une rage qui ne faiblira – presque pas ( La reprise de Willie Dixon I Ain’t Supertitious et son côté Rock’n’Roll déséquilibre assez cet album de pur Metal). Le skeud se termine sur la somptueuse My Last Words épitaphe Thrash musclée et obsession malsaine pour un suicide qui vient chatouiller de plus en plus souvent les pieds d’un Mustaine camé jusqu’aux yeux.

Peace Sells… est l’album de la naissance. La naissance d’un groupe qui fut crée en réaction.

En seulement un an, le petit groupe de Metal va se changer en véritable machine de guerre. Les chansons courtes, rageuses, presque Punk du premier album vont prendre de l’ampleur, se rallonger, se complexifier. La prod’ chaotique du premier disque sera prise en main par Dave himself – avec l’aide de Randy Burns et Andy Somers – qui polira un son trop rêche, trop sale, lissant une satu’ grésillante et mal étalonnée laissant apparaître, comme le diamant sous la roche noire, la ténébreuse beauté et l’extrême complexité des riffs du divin rouquin.
La haine qui était le principal moteur du premier skeud, cette haine explosive, ingérable, ces coups de bâton qu’il fallait absolument mettre sur les tronches de ces enfoirés de Metallica, tuer ces motherfuckers qui n’avaient pas voulu du génie de Mustaine semble se canaliser sur ce deuxième album.
Elle n’a pas disparu. La haine de Dave est totale, entière, obsessionnelle. Elle restera durant des années le carburant malsain de la créativité Mustainienne. Mais plutôt que la cracher à la gueule de ses ennemis comme ça, sans discernement (on ne compte plus les nombreuses inimitiés de Mustaine avec le monde du Metal: Mike Muir, Tom Araya, Phil Anselmo ou même Kerry King), de la vomir à même le sol, il va l’apprivoiser, la manipuler, s’en servir pour qu’elle arrête de le desservir. Elle va le pousser, l’obliger à se perfectionner, à augmenter ses capacités, à devenir meilleur que les autres (En 2009, il a été meilleur guitariste de metal par Joel McIver dans son livre The 100 Greatest Metal Guitarists et est souvent cité par les gratteux de Metal eux-même comme l’un des plus grands riffmaker du genre).
Peace Sells….but Who’s Buying? n’est que le deuxième opus de Megadeth et se pose – déjà ! – en jalon essentiel dans la courte histoire du Trash Metal. Dave se canalise dans ce disque et offre aux oreilles des fans les prémices du monstre de Metal que deviendra quelques années plus tard Megadeth.

Peace Sells… est l’album de la naissance. La naissance d’un groupe qui fut crée en réaction. Un groupe « Anti » qui n’aurait pas dû vivre plus longtemps que le temps d’un album mais qui est parvenu grâce au génie – et à la folie douce – de son leader à créer son propre style, sa propre légende. La machine Megadeth est dorénavant lancée, le monstre Mustaine a brisé ses chaînes et s’apprête à déferler sur le monde du Metal dans un fracas de tous les diables.

La paix vient d’être vendue… Et ce n’est surement pas Megadeth qui l’a achetée.

Renaud ZBN

MegadethPeace Sells… but Who’s Buying? est sorti le 19 septembre 1986 sur Capitol records

Tracklist :
Wake Up Dead 3:37
The Conjuring 5:00
Peace Sells 4:05
Devils Island 5:02
Good Mourning / Black Friday 6:39
Bad Omen 4:03
I Ain’t Superstitious 2:42
My Last Words