Flica – Tapsskog : une douce et merveilleuse BO pour l’hiver

Vous ne connaissez peut-être pas le travail du malaisien Euseng Seto alias Flica. Tapsskog, cet EP numérique est une invitation à récupérer votre retard et à réparer cette erreur de goût. Flica n’a rien à envier aux compositions d’Akira Kosemura ou encore d’Haruka Nakamura.

On perd parfois la trace, le moindre indice qui nous rappelle comment on a découvert tel ou tel film, tel ou tel artiste, tel livre. Il me serait bien difficile de vous dire comment je me suis intéressé à cette scène asiatique à la toute fin des années 90 sur un Internet encore balbutiant qui irritait à coups d’écrans saccadés notre patience.

Il me sera encore plus hasardeux de retrouver la généalogie de ma rencontre avec la musique d’Euseng Seto ou Flica. Telepathy Dreams est sans aucun doute le disque que j’ai le plus écouté en 2009 à sa sortie. D’Euseng Seto, je ne savais rien alors. J’entendais bien ça et là dans sa musique un exotisme singulier qui se mêlait à des résurgences des œuvres les plus apaisées de Boards Of Canada. Telepathy Dreams et les autres disques de Flica n’ont que rarement quitté mon esprit. Mais l’électronique de Flica se nimbe d’une étrangeté et irradie à chaque instant un je ne sais quoi d’acoustique et de vibrant, un peu comme ce que la japonaise de Piana pouvait proposer de sa voix enfantine. Il y a dans la mélancolie d’Euseng Seto comme une sorte de fraîcheur enfantine, comme la certitude d’une magie possible.

Euseng Seto, dans sa musique, et plus particulièrement dans la rareté de ces quatre titres qui constituent Tapsskog nous impose le dépaysement dans un imaginaire toujours incertain entre automne et hiver, entre prairie et forêt profonde. La rythmique des titres imite à la perfection le bruit d’un pas pesant qui crisse dans la neige épaisse.

Le climat sait se faire nocturne tout au long de Tapsskog avec une quiétude toujours un peu perturbée par la fraîcheur qui ne cesse de tomber. Comme toujours chez Flica, les motifs musicaux sont marqués par une certaine répétition, par une forme de litanie, un peu comme cet enfant qui, la nuit venue, prononce toujours la même phrase alors qu’il traverse un long et sombre couloir.

Que ce soit le temps d’Entrance To The Woods ou encore un peu plus loin dans White Woods, nous traversons des paysages hivernaux et figés, la faune y semble endormie mais elle veille sur nous du coin de l’oeil et dans ce frémissement presqu’imperceptible, on croit alors sentir la promesse du printemps à venir. Comme toujours chez Flica, il y a le passage des saisons, le rythme d’une feuille morte et l’éclosion d’un fruit.

En seconde partie de cet EP, Euseng Seto semble nous inviter à prendre la tangente à la vitesse d’une marche tranquille, à désaxer sa vision des choses. Le superbe Riding Griffin semble réunir un Nino Rota crépusculaire avec un Georges Delerue tout en allusions. Les plus connaisseurs du label Schole Records croiront reconnaître quelques réminiscences d’un disque merveilleux d’une ancienne signature de la maison de disques nipponne, We Hum On The Way Home (2009) de Motohiro Nakashima, tout cela étant sans doute fortuit. Exit Trail vient conclure brillamment un EP que l’on aurait aimé voir plus long.

Ce qui est sûr, c’est que Tapsskog s’avère être une belle introduction à l’univers vaporeux de Flica.

Greg Bod

Flica – Tapsskog
Label : Schole Records
Sortie le 25 septembre 2020