Derrière son aspect très plaisant de « feuilleton télé » à l’ancienne, Lidia Poët (Lidia fait sa loi en français) élève le débat au dessus des simples enquêtes policières menées par son héroïne, et adopte un ton militant réellement réjouissant.
Vous souvenez-vous de cette époque pas si lointaine où nous regardions des « feuilletons » à la télévision, et en particulier ces feuilletons policiers qui ravissaient toute la famille ? Chaque épisode était une enquête différente, dont le héros, détective amateur ou professionnel, démêlait les fils en moins de trois quart d’heures en dépit de toute vraisemblance, ce qui ne nous gênait pas du tout… Eh bien Guido Iuculano et Davide Orsini, les auteurs de ce Lidia fait sa loi (quel titre affreux en français !) sont sans doute aussi nostalgiques que nous de cette époque où les séries ne se trainaient pas au long de beaucoup trop d’épisodes par rapport à ce qu’elles avaient à raconter, et où on contraire, on expédiait en quelques scènes une histoire vraiment très compliquée.
Lidia Poët a réellement existé, elle fut même la première femme avocate en Italie, obtenant ce titre en 1883… qui allait lui être immédiatement retiré par l’Etat Italien qui n’acceptait pas qu’une femme exerce un tel métier. Elle devra attendre 35 ans, pour avoir le droit enfin d’exercer, à l’âge de 65 ans ! La série fictionnalise cette période « d’attente » où Lidia sera en fait très occupée à assister son frère, lui-même avocat, pour défendre les droits des femmes et de toutes les personnes marginalisées par la société italienne : alors qu’il y avait de quoi nourrir déjà un excellent sujet, le choix est fait d’aller franchement vers le divertissement en transformant Lidia en détective amateur, la faisant résoudre elle-même les cas où les personnes qu’elle défend sont accusés, évidemment à tort.
On pourrait en rire, mais il fait bien reconnaître que la série ne manque pas de qualités : d’abord parce que l’écriture en est impeccable, avec des énigmes policières passionnantes, impressionnantes même parfois, et ensuite grâce au choix de la fascinante Matilda de Angelis dans le rôle titre. Elle déploie une énergie irrésistible dans sa représentation d’une militante féministe en avance sur son époque, dévouée à une lutte permanente pour la justice et la défense des faibles, et passant en force dans chacun des épisodes à travers les obstacles dressés devant elle par les hommes, ces lâches !
Bref, Lidia fait sa loi est un divertissement totalement réjouissant, qui réussit à gagner sur tous les tableaux : des enquêtes passionnantes, un plaidoyer passionné en faveur de l’égalité hommes-femmes, mais aussi en faveur de plus de compassion envers son prochain, et un zeste d’amour impossible et de sensualité torride pour épicer le tout. Si ça ne vole pas bien haut, ça nous rappelle quand même pas mal de vérités sur l’évolution – bien trop lente – de la société, et c’est finalement beaucoup plus amusant que 80% des séries conventionnelles que les plateformes déversent sur nous chaque jour. Vivi l’Italia !
Eric Debarnot