June Bug – Fearless : électro-pop, indus… et ludique ?

June Bug avance avec de plus en plus de certitude sur sa musique, en s’appuyant toujours sur la superbe voix de Sarah Decroocq mais en expérimentant encore plus dans l’électro et dans les sons grâce à Béryl Benyoucef. Fearless pourrait être l’album de la reconnaissance. Un album encore plus réussi et plus abouti que les précédents.

JUNE BUG
© Nicolas Djavanshir

Qu’il semble loin le temps de This is the story of (2012), le premier album de June Bug et ses morceaux de folk irlandisant, guitares sèches et flutiau (plus ou moins) guilleret. Loin aussi le temps de You don’t know who I am, un EP de 2015, sur lequel il y avait des morceaux très folk comme Just not meant to be ou Farewell. À cette époque pourtant, le groupe avait déjà commencé sa mue. On trouve sur cet album des morceaux qui annoncent clairement le style de ce Fearless. Plus d’électronique, moins de guitares, plus de tension entre la voix et la musique, plus de lyrisme et d’ampleur, que sur les albums précédents. Le changement s’était poursuivi, la personnalité du groupe s’était encore plus affirmée sur A Thousand Days (2018). Quand on réécoute l’album, les derniers morceaux de l’album – Psychose, Does it Matter, et surtout le somptueux, le magnifique Silenced sont vraiment de la même couleur musicale que ceux de Fearless. Mais aussi de la même qualité ! Ces morceaux ont plus de 5 ans, et ils n’ont pas vieilli. Ils n’ont rien perdu de leur force émotionnelle, de leur noirceur. Le groupe avait terminé son précédent album comme il commence celui-ci.

JUNE BUG FEARLESSLe bijou qu’est Silenced aurait pu figurer sans problème sur Fearless, juste avant Dusk, le premier morceau de l’album, ou Rollercoaster, le second morceau qui tous les deux appartiennent exactement à la même veine musicale. Et qui sont tous également beaux, intéressants, plutôt émouvants. Magistraux. L’entrée en matière de Fearless est parfaite. Des mélodies sont accrocheuses, irrésistibles, la voix de Sarah Decroocq est aussi aérienne, légère et chaude que l’électro de Beryl Benyoucef est lourde, poisseuse et légèrement angoissante, dans des tonalités de basse qui donnent beaucoup de volume et d’ampleur à ces morceaux. Dusk groove ou, plutôt, pulse de manière quasiment sensuelle avant d’éclater, des myriades de petites échardes sonores. Oui, parce qu’il faut aussi compter, chez June Bug, avec les arrangements, sonorités étranges et bidouillages électroniques qui enrichissent tous les morceaux. L’ensemble est plein d’une émotion incroyable. En écoutant et réécoutant, on se demande à chaque fois à quel moment on se laisse accrocher – dans la douceur du début, dans les changements de rythme qui ne manquent jamais d’arriver. Difficile à dire. Tout est tellement accrocheur.

Clap your hands, sur lequel Sarah Decroocq chante en nous chuchotant presque dans l’oreille, un morceau qui est une sorte de ritournelle qui tournoie de manière frénétique, sautillant, dansant, saccadé, rythmé. Une moulinette. June Bug a branché le stroboscope, c’est une très bonne idée. Clap your hands est un morceau électro-indus, noir, pas très joyeux, ni très optimiste – « go dance with us what’s the fuss/when the system is a curse/Will it last/will it burst/find a way out ». Pas très gai non plus Bite me, qui suit… « your ass is full of shit/the shit you make us eat ». Toujours sur une électro menaçante, avec une voix maintenant pleine de colère. June Bug, un groupe ludique ? Pas trop quand même…

Même s’il relâche un peu la pression sur Paradise, un peu plus reposant, une musique un peu moins sombre, moins menaçant, une mélodie qui semble sortie d’une comptine enfantine, comme le début de Fearless. Mais pour ce morceau, ce n’est que le début qui semble léger et aérien. La suite renoue avec cette électro-indus, saccadée comme sur la majorité des morceaux de l’album. On est quelquefois pris dans un orage sonore qui a quelque chose d’effrayant. Une musique qui accompagne bien un texte sombre, « I’ve been running around/nearly fell to the ground ». Le morceau est beau, tendu entre la lourdeur des sons et la légèreté de la voix et de la mélodie. June Bug aime bien passer de l’un à l’autre, nous laisser nous détendre pour nous emmener ensuite dans un mouvement frénétique dans des compositions qui tournent sur elles-mêmes comme des derviches. C’est exactement ce qui se passe sur Gold Eater, qui termine l’album. En beauté. Un dernier morceau épuisant. Dense. Comme l’album en entier, en fait.

June Bug est un groupe souvent très original, quelques fois un peu moins, d’autres fois tellement plus qu’on leur pardonne. Il y a tellement à écouter, à ressentir sur leurs albums…

Alain Marciano

June Bug – Fearless
Label : Araki records / Pied de Biche
Parution : 12 mai 2023