[Contre] « L’amour », de François Bégaudeau : bidochonneries…

Dans un court récit de 80 pages au style plat et dépouillé, François Bégaudeau nous narre la vie au long cours d’un couple de Français moyens, Jeanne et Jacques Moreau, avec pour ambition de nous raconter « l’amour tel qu’il est vécu la plupart du temps par la plupart des gens ».  Le résultat est une description de la banalité du quotidien de gens auxquels on n’avait surtout pas envie de ressembler, avec qui on ne partageait rien et surtout pas la même vision de l’amour… plus grave : c’est moins drôle que les Bidochon.

BEGAUDEAU François
Francesca Mantovani © Gallimard

Au risque de passer pour un « social-traître », un transfuge de classe qui a oublié d’où il vient, ou un snobinard qui ne s’intéresse pas aux vraies gens, je n’ai pas compris l’enthousiasme de la plupart des critiques littéraires pour le dernier opus de François Bégaudeau, l’amour. Certains ont même été jusqu’à le comparer à Un cœur simple de Flaubert (rires).

BEGAUDEAU François COUV L'amourLe parti-pris de l’auteur est de nous narrer le quotidien, depuis l’enfance jusqu’au trépas, de Jeanne et Jacques Moreau. Ces Français moyens vivent au milieu des leurs, entre la Vendée et les Deux-Sèvres (l’auteur maîtrise son sujet puisqu’il est lui-même né dans la charmante bourgade de Luçon…). Bégaudeau s’évertue à égrener toutes les pratiques sociologiques « beaufisantes » de ces braves gens : ils écoutent Richard Cocciante, lisent France Dimanche, achètent à La Redoute, vont au bal, ont une Simca 1000, baisouillent à la va-vite à l’arrière d’une voiture, marient leurs enfants, ont des copains qui vont à la chasse, participent, tirent profit du boom économique des 70’s (achat du pavillon, de la voiture, puis, plus tard, de toute la technologie qui va avec) et j’en passe (c’est très détaillé, et l’auteur n’oublie rien des pratiques des différentes époques, rendons-lui cet hommage). Coté vie personnelle, c’est également à l’aune du Français de base : une aventure extra-conjugale, mais pas d’excès non plus, et puis les problèmes de santé, passée la soixantaine. Oups, je viens de divulgâcher l’intrigue ! Est-ce qu’avec tout cela, on écrit un livre ? Non… ou plutôt « si » (comme disent les braves gens), et c’est bien là le problème.

IL est très embarrassant de lire François Bégaudeau décrivant ce milieu avec une certaine chaleur, alors qu’on sait pertinemment que, comme la plupart d’entre nous, il l’exécrait, et a cherché à s’en extraire au plus vite. Cette simili tendresse peut finalement être perçue comme une condescendance surplombante (il n’est pas sociologue mais écrivain…). Quand Marie-Hélène Lafon brosse dans ses livres le portrait de la France paysanne, on s’y intéresse, on y croit et on est touché, ce n’est pas le cas dans L’amour. On rajoutera que Bégaudeau ne fait que reprendre le fonds de commerce de l’ineffable Renaud (meilleur exemple : La mère à Titi)… Et si finalement, c’était sa martingale ? Tendre un miroir aux gens qu’il snobe, mais qui se précipiteront dans les Super-U pour acheter ce livre très facile à lire (moins d’une heure avec un style et un vocabulaire basiques), racontant la vie de gens comme eux ! Bref, c’est notre nouveau Musso ! En plus, le titre l’amour est bath (expression des années 70) et cela va attirer le chaland… Mais l’amour, on a du mal à le trouver dans ce roman !

Que tente de nous dire Bégaudeau à propos de l’amour ? Pour lui c’est « sans crise ni évènement. Au gré de la vie qui passe, des printemps qui reviennent et repartent. Dans la mélancolie des choses. Il est partout et nulle part, il est dans le même temps. ». Pour développer sa vision neurasthénique de l’amour, l’auteur nous propose de suivre l’existence monotone de Jeanne et Jacques… et nous avons très envie de lui dire que, même chez les Français moyens, l’amour a aussi du souffle, des hauts, des bas, et pas seulement des faux-plats, comme il tente de nous le souffler. C’est un livre à interdire aux adolescents, aux jeunes adultes.  Non, l’amour c’est beaucoup mieux que cela, et c’est toujours plus excitant jusqu’au bout de la vie !

[Pour] “L’amour, de François Bégaudeau : des coeurs simples

Il est possible d’écrire dans la même phrase que notre société a besoin de la classe « moyenne » (ciment de la cohésion sociale et permettant la communication entre les plus pauvres et les très riches) et d’affirmer qu’on ne souhaite surtout pas avoir leur mode de vie. Il est dans l’air du temps politique de remettre cette classe sur le devant de la scène (François Ruffin par exemple) : est-ce que Bégaudeau (très politisé, je le rappelle) ne participe pas de manière démagogique avec l’amour à ce chantier plus que nécessaire ? C’est de mon point de vue le défaut majeur de ce livre qui présente peu d’intérêt littéraire.

Affirmer comme l’auteur que c’est un livre qui a pour sujet principal « l’amour » est un faux-nez qui masque une énumération des pratiques sociologiques des 70’s… Bref, tout ça pour ça ?… Sinon pour rappeler des mauvais souvenirs à ceux qui sont nés avant 71… Est-ce que ceux qui ont moins de 40 ans y trouveront leur miel ? J’en doute. Lisez plutôt Les choses de Georges Perec ou un beau roman d’amour comme L’écume des jours de Boris Vian. Rappelez-vous surtout que l’amour c’est beaucoup mieux que ce qui est effleuré platement dans le livre de Bégaudeau.

Éric ATTIC

L’amour
Roman de François Bégaudeau
Éditeur : Verticales
96 pages – 14,50€
Date de parution : 17 août 2023