IDLES – TANGK : le calme dans la tempête

Pour TANGK, leur cinquième album, les brûlants IDLES décident de brider la monture et de proposer un concept moins franc du collier. Si la forme diffère et peut surprendre les amateurs de sensations fortes, le fond reste résolument rock’n’roll et punk.

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© Tom Ham

Si le nom de IDLES est facilement entiché de mots clés tels que « tête de gondole », « post punk », « énergique », « brutal » (magie, ils sont additionnables dans une seule et même phrase), le groupe de Bristol s’évertue à ne pas s’enliser dans une zone de confort qui consisterait à se reposer sur une réputation solidement acquise désormais et a en répéter les standards ad vitam aeternam. En ce sens, TANGK de devenir immédiatement un marqueur dans la discographie du band tant le quintette a cherché à se diversifier musicalement, à apporter une nouvelle dimension et un souffle différent à ses compositions.

idles-tangkC’est dans cette optique qu’aux côtés des habituels Bowen et Kenny Beats, Nigel Goodrich, cerveau pour Radiohead notamment, vient superviser le projet et donne une autre perspective auditive. L’ambiance se veut plus feutrée, les arrangements sont d’une texture inédite pour des garçons plus habitués à faire dans l’intensité rythmique avant toute autre chose.
Aux premiers abords, l’introductif IDEA 01 ou le piano doux de A Gospel ressemblent d’ailleurs davantage à du Yorke et les siens lorsqu’ils voulaient eux aussi s’affranchir d’une étiquette et de ses facilités. Néanmoins, il ne faut pas y voir une posture/copie, IDLES trouve bien sa propre voie dans sa quête de sens et d’expérimentations. Dancer, le premier titre présenté à l’automne dernier, en est un échantillon probant, où l’on retrouve la patte dynamique-agressive du groupe autour de laquelle gravite une lumière pop-disco très LCD Soundsystem – renforcé par la présence de Murphy et Nancy Whang en voix au fond de la classe – pour un mariage à priori improbable sur le papier mais pourtant tube imparable dans son déploiement.

Le terrain est propice aux essais, on flirte allègrement avec le trip-hop sur POP POP POP ou Grace et ses breaks, ils n’hésitent plus à étirer au maximum les structures pour laisser planer la tension au lieu de frapper directement d’un uppercut : Roy qui ne s’envole qu’à son terme ou la déjà nommée ballade A Gospel. L’album se termine carrément sur des notes de saxo avec Monolith, titre que l’on qualifiera de faussement calme, où l’introspection demeure électrique. Jungle montre cette même rage contenue, moins explosive mais néanmoins bel et bien présente, palpable. L’impression d’être face à une grosse flaque d’essence et que ces petits malins ont planqué les allumettes pour ne pas tout embraser.

Même dans les thématiques, Talbot et les siens semblent jouer la carte de l’apaisement et de la rédemption. Si les sujets sociétaux/moraux restent évidemment un enjeu au cœur de l’écriture, une place prépondérante est offerte à un autre cheval de bataille: l’amour! Et sous toutes ses coutures. On peut faire la lecture primaire de l’utilisation à outrance du mot «love» sur l’entièreté du disque ou voir un peu plus loin la volonté de tirer du positif dans les tourments. De se concentrer sur le verre à moitié plein plus que vide en somme.

Le succès aurait-il alors édulcoré les tempétueux britanniques ? Pas si vite. La boite d’allumettes n’est en fait que dans la poche arrière du jean et il suffit d’un frottement pour relancer la machine infernale. Gift Horse, Hall & Oates, Gratitude relâchent la pression et prouvent que la troupe a toujours ce feu sacré. Ces morceaux viennent insuffler l’énergie nécessaire aux moments propices pour de grands moments punk, sur des tonalités convenues certes mais terriblement jouissives. Des titres qui viendront sans nul doute compléter la collection des highlights lors des déclinaisons live.

A priori pas le plus accessible de la discographie, TANGK a néanmoins le mérite de la prise de risque et d’ouvrir un champ des possibles pour un groupe en perpétuel mouvement. Certains pourront voir ici une légère profanation, d’autres un élément phare et potentiellement influent pour une scène et un genre en plein ébullition artistique. A chacun d’apporter sa palette de nuances pour trouver son propre angle.

Alexandre De Freitas

IDLES – TANGK
Label: Partisan Records/PIAS
Date de sortie: 16 février 2024