La Forêt de Mogari

laforetmogari.jpgNaomi Kawase se faufile à  pas légers, laissant dans un silence de majesté des petites traînées d’une sincérité gracieuse. Ce film reprend le thème de la disparition, déjà  présent dans le magnifique « Shara », comme transcendance intime et salvatrice. Mais la puissance de son oeuvre se dégonfle sous le poids des feuilles d’arbres centenaires, se noie sous les torrents symbolistes d’une « Forêt de Mogari » bien terne et décevante.

Shigeki, vieil hurluberlu d’une maison de rentraite, un peu perdu depuis la mort de sa femme (il y a 33ans !) et Masako, infirmière culpabilisée par la mort accidentelle de son petit garçon partent ensemble en escapade. Mais ces deux être hantés par le deuil, matérialisé par l’insondable forêt dans laquelle il s’enfoncent petit à  petit, vont s’y perdre transformant le voyage en périple personnel. Mogari signifie justement cette période difficile entre la mort d’une personne proche et l’acceptation de cette absence fatale.

Pourtant, la simplicité d’approche de Kawase qui réside dans la séduction timide de ses personnages, avait de quoi nous faire rougir tant la lente délicatesse de ses plans font frissonner nos nuques sous le souffle oublié de l’air conditionné. La salle respire, l’écran se gonfle d’une présence fantomatique, typique du cinéma japonais, par la caméra évanescente de Kawase. Porté sur le bout des pieds, l’objectif flotte sans inquiétude autour des deux personnages emportés comme pour être lâchés dans une offrande rituelle aux cieux, lieu symbolique du divin. En effet, cette présence peut marquer le regard volatile des disparus, bourreau édénique de l’esprit endeuillé de Shigeki et Masako.

La transcendance aura lieu par cette cérémonie, où le paganisme forestier sera échaudé par le symbolisme précaire des vertus cachées de Dame nature. D’abord, il y a cette expiation qui s’impose dans la verticalité : cette douleur doit s’évaporer par dessus la cime des arbres, le long de cette réalité enraciné que représente ces grands troncs, par l’exhumation du fossoyeur des âmes. Masako laisse échapper un cri rédempteur, manière de transfigurer son rôle maternel à  ce papy irresponsable. Mais la sincérité de Kawase n’empêche pas  » La forêt de Mogari  » de tourner à  vide dans une sorte de formulaire cérémoniel décharné. Cette procession en couple n’affecte pas vraiment le spectateur, face à  un film trop lisible qui a évacué la grâce tissée du  » je ne sais quoi  » de merveilleux qui incarnait  » Shara « . Les fantômes, ce sont eux deux, incapables de nous emporter dans leur élévation. Notre corps reste là , avachi sur le siège molletonné, spectateur d’un rituel aplati.

Pourtant, il y avait bien dans cette première partie, la pudeur qui dévoilait les formes d’une âme meurtri : Kawase donnait du volume à  l’absence comme souffrance. Il y avait bien cette chair qui s’épanouissait, entre les veines matelassés du jardin, dans un cache-cache burlesque digne des digressions kitanesques, ou des marivaudages familiaux du vieux de Taste of Tea. Mais la solennité du second acte, trop austère, dilue cette belle consistance prosaîque en un calvaire de signifiants : on assiste alors à  un défilé de signes émotionnels (larmes…), de symboles (rivière…) sacrifiant le sens au profit de l’ennui.

Maxime Cazin

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La Forêt de Mogari
Film japonais de Naomi Kawase
Genre : Drame
Durée : 1h37
Sortie : 31 Octobre 2007
Avec Shigeki Uda, Machiko Ono, Makiko Watanabe…

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le site officiel

La bande annonce :