Chroniques Express 93

PLUGS / THE JUNCTION / EVENING HYMNS / THE MONK BERRY MOON ORCHESTRA / DARSOMBRA / SPITZER / MY SECRETARY / MAGMA / ERIC DEBEIR / MOLYPOP / BOY / MUNGOLIAN JETSET / ADRIAN SHERWOOD / SPIRITUALIZED

PLUGS – Plugs

Dès les premières notes on est surpris. Surpris de découvrir une musique à  laquelle on ne s’attendait pas forcement. Car Plugs est un groupe qui a décide de faire de la musique pop rock en mettant dans la forme et dans le style suffisamment d’originalité pour que l’on ne passe pas à  côté de leur musique. Conduit par Morgan Quaintance, Plugs c’est un mélange de nombreuses influences musicales (krautrock, rock psychédélique, électro, prog-rock, heavy metal ») mais aussi artistiques (le groupe est basé dans l’East London, quartier branché de la capitale anglaise) réunies pour donner une musique indie vraiment intéressante qui, sans être savante, révèle suffisamment de complexité pour que l’on ne lâche pas l’affaire au bout de 4 ou 5 titres. Refrains accrocheurs, riffs de guitares, boucles entêtantes, nappes de synthés vintages, breakbeats »cet album constitue un vaste espace sonore rempli d’idées et très vite addictif. Le genre d’album qui aurait pu sortir aussi bien chez Warp que sur Domino mais qui a atterri finalement chez Eurostar Records. Et c’est tant mieux pour eux. (4.0) Benoît Richard
Eurostar Record – Septembre 2012

THE JUNCTION – Let me Out

The Junction a beau être un groupe de 2ème division, il n’empêche qu’on prend un réel plaisir à  l’écoute de leur album. Il faut dire que les Italiens sortent quelques bons titres de leur escarcelle (Run and look away, allison Your answer, May day, Nothing gonna ‘s change it). La recette est toujours la même : guitares accrocheuses, rythmique alerte, énergie punk,  rock et mélodie pop…The Junction adopte souvent un petit côté indie rock,  90’s, avec ce léger son crado qui les rapproche,  plus de,  Dinosaur Jr que de Bloc Party. Dès lors, on s’ennuie un peu plus sur les,  moins abrasifs et plus roublards (More and More, Sleeping Dancer). Mais bon, Let me out vous donne des envies irrépressibles de sauter en l’air une guitare à  la main. (3.5) Denis Zorgniotti
Dischi Soviet Studio – Septembre 2012

EVENING HYMNS – Spectral Dusk

Deuxième apparition sur le label, Kutu Folk, pour Evening Hymns, après un premier album Spirit Guides paru en 2010. Le CanadienJonas Bonetta, (accompagné pour l’occasion de membres deThe Wooden Skyet deTimber Timbre) signe avec Spectral Dusk une production tout aussi inspirée que la précédente, jouant avec toujours autant d’aisance sur la tristesse des sentiments avec des textes (inspirés notamment par le récent décès du père de, Jonas), et une voix traînante et profondément marquée par la mélancolie qui rejaillit dans des chansons aux tempos lents, orchestrées assez finement.Si l’ensemble est incontestablement très beau, il n’évite pas pour autant les tics et les clichés propres à  ce type d’album droopyesque, sur les bords, forcément enregistré par un barbu triste et seul (ou presque) dans une cabane au fin fond des bois. Du coup, malgré ses qualités indéniables, Spectral Dusk finit par lasser, voire par agacer quelque peu. (3.0) Benoît Richard
Kutu Folk / Differ-ant – Septembre 2012, 

THE MONK BERRY MOON ORCHESTRA – A beat for The Lovers (EP)

En dépit de som nom à  rallonge, The Monk Berry Moon Orchestra est un projet musicalement plus immédiat que The Rebels of Tijuana : les deux groupes ont en commun le même guitariste, Alexis Kacimi, et un amour immodéré pour la pop des années 60. Les contours sont toujours acid folk ou psychédélique, mais TMBMO trouve en Amanda, la propre soeur d’Alex, la chanteuse idéale pour raviver la flamme mélodique de Phil Spector, entre pop blanche et feeling black.  21st century a la même pep’s qu’un morceau , et un Things Don’t last allie un thème au rhodes proche de I heard through the grapevine et des guitares Byrds-iennes. Gare à  ne pas devenir une nouvelle Duffy, pro mais un peu trop mainstream. Heureusement, derrière guitares hallucinogènes et claviers sous acid veillent , que ce soit sur l’enlevé, Mystic Magic ou plus en finesse sur, I had to live anyway (et son petit côté Air). , En tout cas, ça swingue à  Genève, ce qui est déjà  en soi une surprise et une bonne nouvelle. (3.0) Denis Zorgniotti
Le Pop Club – Mai 2012

DARSOMBRA – Climax Community

A Baltimore, on aime les guitares, toutes les guitares. Darsombra passe allègrement d’un modèle à  l’autre (avec une préférence pour une baritone) d’une technique à  l’autre (e-bow, drone, riff, arpège, solo, …) au terme d’un album entier composé de seulement… 4 morceaux. Un seul titre court, Green, parenthèse acoustique dans un album profondément électrique. Le jeu de Brian Daniloski rappelle parfois celui David Gilmour, de,  Steve Hacket et d’autres ténors de la musique progressive (Roaming the periphery) mais la longueur des morceaux, le côté répétitif à  tendance hypnotique et,  l’usage de drones tirent immanquablement la musique du côté de la stylisation, voire de l’expérimentation. Passé le petit moment acoustique (improvisé ?), Darsombra repart de plus belle dans sa guitare fluide et délayée cette fois en rajoutant comme fond sonore des riffs de métalleux (Thunder Thights). Finalement, cet album de guitares se termine dans une électronique krautrock.,  Bizarre, bizarre… mais loin d’être inintéressant. (3.0) Denis Zorgniotti
Exile on Mainstream Records / Differ-ant – Septembre 2012

SPITZER – The Call

Spitzer (ça fait un peu nom de gâteau apéro) est le projet électro de deux frères originaires de Lyon, Damien et Matthieu. Quoi de plus logique donc de les voir débarquer sur la structure lyonnaise InFiné avec un premier album de musique électronique plutôt mutante… Un style qui colle assez bien à  l’image du label monté par Agoria il y a 6 ans et qui abrite, pour plupart, des groupes et des albums aux profils indéfinis et aux musiques souvent hybrides (Aufgang, Cubenx, Composer, Arandel et récemment Don Nino…). Spitzer se démarque dans un genre qui n’est pas sans rappeler celui du groupe Poni Hoax ou encore la musique d’Arnaud Rebotini avec des titres sombres et froids, nourris d’influences aussi diverses que variées avec un style et une vraie personnalité qui ressort de l’ensemble. Le résultat est donc plutôt concluant, avec un groupe qui déroule des titres electro techno dark, teintés de rock progressif ou de musiques de films de SF des années 70/80. (4.0) Benoît Richard
In Finé – Septembre 2012

MY SECRETARY – Fool Secrets

Quant on pense  à  l’épiphénomène Asyl il y a quelques années (qui ne valait pas tripette), on se dit que, My Secretary a des arguments pour faire  parler de lui et  ce, même si les Niortais choisissent totalement l’anglais pour s’exprimer.,  Nous avons là  4 garçons dans le vent qui reprennent à  leur compte un rock new wave/ post-punk péchu. Le quatuor est dans l’air du temps mais marque des points dans sa propension permanente à  aller de l’avant, alliant force de frappe et trait de finesse. Derrière ses réminiscences Cure, A.Side préfère l’esquive à  la fuite en avant. Sur les traces de Radio 4 en son temps, My Secretary sait se sortir des rythmiques binaires pour amener une touche plus groovy à  certains de ces morceaux (Hush, hush ; Vitamin). D’un autre côté, le groupe envoie le bois et appuie sur le bouton »supersonique » pour ses guitares (Sophisticated, really gone). Le chant à  perdre haleine (en choeurs sur les refrains) démontre la détermination du groupe, sa volonté à  rendre efficace un talent initialement limité mais se révèle aussi un peu systématique. On passe outre et on profite. (3.5) Denis Zorgniotti
Maîzena record / La Baleine – Septembre 2012

MAGMA – Félicité Thösz

Magma n’a jamais rien fait comme les autres et cela n’est pas près de changer : 40 ans que ça dure à  faire une musique à  la croisée du jazz du rock progressif et de la musique classique (et lui donnant le nom de Zheul) Avec Félicité Thösz, le groupe de Christian Vander recycle des anciens morceaux et les grave enfin sur CD. Le disque est composé d’une grande oeuvre qui donne son nom à  l’album (un Félicité Thösz datant d’une dizaine d’années) et un morceau seul, Les hommes sont venus, encore plus ancien. Passons rapidement sur ce dernier qui semble s’inspirer des polyphonies vocales de Ligeti (à  l’origine le morceau s’appelait les Voix) et revenons à  Félicité Thösz composé de 10 parties et restituant pleinement Magma dans sa vision globale de la musique. On voyage beaucoup sillonnant des contrées asiatiques, du Japon (Teha, un peu niais quand même) au Tibet, tout en ayant l’emphase d’un Carmina Burana. Ou presque. Tout ça à  cinq alors que l’on imaginerait que Félicité Thösz soit l’oeuvre d’un grand orchestre. En dépit de son côté un peu pompier, on se laisse embarquer par ce voyage à  rebours, préférant les moments les plus printaniers (Dzoî avec chose nouvelle, des mots en français). D’autant plus que Vander est toujours un batteur d’exception et Bruno amène une délicatesse pianistique hors pair.(3.0) Denis Zorgniotti
Seventh record / Harmonia Mundi – Août 2012, 

ERIC DEBEIR – 17

Tiens, voilà  une bonne surprise ! Pas très fan de la musique de Lonah, j’apprécie 17 album-concept d’Eric Debeir, un des membres de ce même groupe. Conçu pour devenir la BO imaginaire du 17eme, son propre roman, cet album peut se voir comme la version améliorée de la musique de Lonah. Le musicien reprend des ingrédients de morceaux existants,,  les ré-assemble et rajoute lui-même de nouvelles pistes (de recherche). C’est à  la fois une travail d’épure et de nouvelles créations par dessus ce qu’il reste des anciennes. C’est du sampling qui se fait directement à  la source et c’est un travail de collage passionnant. Le groupe de Caen souffrait de son trop grand cahier des charges pas toujours bien maîtrisé et de quelques tics emphatiques un peu plombants. Chez Debeir, ces écueils sont évités tout en gardant une richesse stylistique. 17 inclut en effet hip hop, musique électronique, jazz, dream pop voire tango argentin (l’espagnol Juan) dans une musique sombre qui rappellera Wise in Guys,,  MC 90 FT Jesus voire IAM sur l’introductif Arthur (avec son chant parlé et son ambiance »Micro d’argent »). Chevaliers garde son petit côté Cure mais devient un moment intimiste mélancolique où la voix angélique de Raphaëlle Portier fait merveille. 17 ratisse large mais arrive à  rester cohérent en dépit des ses sources hétérogènes. On appréciera particulièrement l’usage de Rhodes saturé qui emmène l’auditeur dans des visions déformantes. Tout est ici question d’atmosphères,,  des moments étranges et ensorcelants qui affleurent les rivages du conte fantastique (17). A vous donner envie d’aller plus avant et d’aller lire le versant écrit, le livre, du concept. (4.0) Denis Zorgniotti
Autoproduction / La Tengo Editions – Avril 2012

MOLYPOP – La Bande Perdue

On commençait à  s’habituer à  Emmanuel Tugny en solo, le revoici au sein de son groupe Molypop pour un album ressemblant à  un solde de tout compte. La Bande Perdue (et finalement retrouvée) est composée d’une série de chansons enregistrées entre 2008 et 2009. On retrouve le charme diffus qui émanait des escapades en solitaire de ce voyageur dilettante qu’est Tugny. Le genre de chanson comme on les aime, à  la coolitude assumée, s’inscrivant dans un universalisme diffus de saveurs (là  une trompette latine, là  un sitar, un violon ou un bandonéon). Mais la musique de Molypop ne serait rien si derrière cette langueur un peu mélancolique, la musique n’était pas si chiadée : faîte d’harmonies subtiles et d’arrangements fins. Le groupe – puisqu’il s’agit d’un groupe – s’inscrit dans une filiation années 60-70 avec des choeurs féminins pop auréolant souvent chacune des mélodies.La voix légèrement chevrotante de Tugny participe aussi au charme ambiant. Entre , Serge Gainsbourg,, Yves Simon et Gilberto Gil,, on se laisse embarquer par cette musique suave. (3.5) Denis Zorgniotti
Vila Mariana / Multicom City – Septembre 2012

BOY – Mutual Friends

A première vue, on penserait avoir affaire à  un duo de chanteuse folk pop comme il en existe déjà  pas mal sur cette planète. Et puis, en creusant un peu, on se rend compte que, Boy, (Valeska, la Zurichoise,  et, Sonja l’Allemande) c’est un finalement un peu plus que ça., Leur rencontre à  Zurich,, il y a quelques années, débouche donc sur un premier EP au printemps dernier puis sur cet album (Mutual friends) chanté en anglais et dans lequel les deux filles mettent toute leur force et toute leur détermination pour jouer une musique qu’elles veulent positive et pleine d’espoir. Et le moins que l’on puisse dire c’est que ça fonctionne., Sans faire forcément dans l’originalité, Valeska et Sonja s’en tirent avec les honneurs, alignant une douzaine de titres très accrocheurs, parmi lesquels on dénombre un bon tiers de singles potentiels. Largement de quoi suffire à  notre bonheur de pouvoir écouter cette pop à  la fois fragile et nerveuse qui ravit notamment quand le rythme s’accélère comme sur Little Number et Oh Boy… Ce dernier titre rappelant notamment la pop tout aussi lumineuse de, Phoenix… pas si étonnant que ça, puisque, Thomas Hedlund, participe sur quelques morceaux de, l’album. (3.5) Benoît Richard
AZ/Universal – Septembre 2012

MUNGOLIAN JETSETS – Mungoledics

Finalement c’est un drôle d’album pour un drôle de patronyme que nous propose là  le duo norvégien, Mungolian Jetset. Car si au départ on croit avoir affaire à  des amateurs de musique répétitive »façon, Steve Reich » par la suite, on comprend que c’est du côté de la house music, du disco moderne, du trip hop et plus globalement du dance-floor qu’il faut aller chercher des inspirations et des influences (Underworld). Et plus on avance dans l’album, et plus on se dit que la musique de ces deux norvégiens n’est pas si balisée que ça et que le groupe a suffisamment de malice et de talent pour réussir à  faire en sorte qu’à  la fin, on ne sache sur vraiment quel pied danser. En tout cas, dans le genre, c’est une jolie réussite. (4.0) Benoît Richard
Smalltown supersound/La Baleine – Septembre 2012

ADRIAN SHERWOOD – Survival & Resistance

Vieux de la veille parmi les producteurs de musique dub, Adrian Sherwood n’avait plus donné signe de vie depuis 2009, année où il publia en compagnie de Lee Scratch Perry, Dub Setter. Son dernier album solo (Becoming A Cliché) remonte quant à  lui à  2006. Reconnu notamment pour avoir vulgarisé ce style musical auprès de nombreux groupes de pop dans les années 80 et 90, le vieux sorcier de On-U-Sound revient avec un album qui rappellera au bon souvenir des fans de Massive Attack les ambiances sombres et enfumées des premiers albums du groupe mais également le fameux disque de remixes signé Mad Professor No Protection, sorti 1995, ou encore le Living in the Flood d’Horace Andy sorti sur Melankolic, le label de Massive Attack. Avec ses tempos avançant au rythme de l’escargot, ses notes de piano éparses, ses samples et ses sonorités grinçantes, ses ambiances ténébreuses, Survival & Resistance s’impose comme la bande son idéale pour un polar mélancolique, mais surtout comme une des bonnes surprises de cette rentrée. (4.0) Benoit Richard
On-U-Sound/Warp – Differ-ant – septembre 2012

 

SPIRITUALIZED – Sweet heart sweet light

On sait à  peu près tout ce qu’il faut savoir de people sur Jason Pierce. L’homme a un passé riche en composés chimiques passés dans les veines et deux formations mythiques au compteur: Spaceman3 et Spiritualized. Il est un des génies de ce que le rock britannique des 90’s a pu enfanter. En 2008 au retour de l’hôpital où il pensait rester pour toujours, il a réactivé un album de Spiritualized, plus décharné, rock et glauque que jamais. Une réussite. Il nous revient en 2012 avec ce que la presse musicale appelle un »classique »; soit la volonté de porter plus longtemps encore la magie de Spiritualized, son empreinte sur le rock contemporain, sans avoir à  rejouer éternellement le chef d’oeuvre ladies and gentleman…, et, Sweet heart Sweet light, c’est exactement ça. Prendre tous les fondements de , Spiritualized (les morceaux épiques de 9 minutes, les montées de guitare, les patterns hallucinatoires, la voix qui se pose sur le mix comme un noyé cherche son air…); et les réinjecter en 2012 comme si rien n’avait changé, comme pour dire à  une nouvelle génération. Oui on est bons, oui on fait ce genre de musique depuis une paie, ouais y’a pas de raison que ça change. Et c’est justement cette continuité qui provoque chez moi l’once de déception. Pierce m’avait habitué à  toujours questionner la nature de sa formation. Ici il démontre ce que Spiritualized sait faire de meilleur. Tant pis pour l’originalité. Avec sweet heat sweet light Jason Pierce nous démontre qu’un très bon disque n’est pas forcément un très grand disque. Le nouvel essai est très bon. Courrez l’écouter. Mais attendez-vous à  ne pas être surpris. Juste conquis. Pas étonnés. (3.5) Denis Verloes
Fat Possum / Cooperative music – Avril 2012