Patreon – le retour du « patronnage » à  la sauce numérique

jack-conteAvec le temps, nous avons tous appris à  connaître des sites comme My Major Company et consorts. Moi comme d’autres, j’ai voulu croire à  un modèle alternatif pour les musiciens; pour qu’ils puissent reprendre en main leur destinée créative. L’histoire contemporaine m’a appris que la structure se voyait plutôt comme un »label » contemporain, utilisant le web comme nouveau support. Ok pourquoi pas, j’avais sans doute mal compris la promesse produit

Depuis quelques mois, voir années, je me passionne pour les plateformes de financement participatif (crowdfunding) que sont les KissKissBankBank en France, ou les Kickstarter aux Etats-Unis. Le principe de ces sites est intéressant parce qu’ils ne tentent pas de dupliquer dans le numérique des formes d’industrie existant dans le monde physique, mais parce qu’ils inventent un nouveau mode de pensée. Le crowdfunding permet non plus à  un artiste de se lancer dans l’arène de l’industrie, mais simplement de donner à  un créateur d’idées ou de contenu, les billes pour arriver à  continuer à  créer.

En gros, si le projet d’un artiste, d’un musicien, d’un photographe, d’un , auteur m’intéresse, je décide de lui donner un coup de pouce en lui payant mon écot. Avec cet écot, je lui fournis une partie du financement qu’il a jugé nécessaire à  son projet pour exister. Qu’il s’agisse de matériel, de billets d’avion, de temps de travail etc. , Je ne suis producteur de rien, mais mécène bienveillant d’une idée, d’une forme d’art dont je finance le processus pour en vérifier l’éclosion, et m’en satisfaire.

J’aime assez, parce que je constate que plusieurs groupes que j’aime bien ont réussi à  utiliser ce mode de financement pour sortir des projets ou des éditions qui n’auraient sans doute jamais vu le jour à  l’aune d’une réflexion »de marché » (réédition d’albums méconnus, discographie de groupes oubliés etc.).

Jack Conte, co-auteur du groupe Pomplamoose connaît bien les chemins de traverse de la création musicale. En 2009, il lance une reprise d’un titre de Beyoncé avec une amie, sous le nom de Pomplamoose. A la faveur d’une sortie devenue historique de Jay-z, sa vidéo originale se retrouve au carrefour des recherches du lendemain par les internautes.

Il cumule plus de 10 millions de vue sur sa page youtube et les revenus »publicitaires » de Google suivent. C’est le début d’une success story à  échelle relative à  base de synchronisation pour la pub, de concerts, de ventes additionnelles sur iTunes… et de nombreuses interrogations, frustrations, doutes, terreurs, sur la manière d’aller poser le prochain jalon de la »carrière » musicale du groupe. Autant de questions qui finiront par »endormir » le projet.

Pour sortir de cette spirale infernale du doute, il décide de créer de son côté. Son projet un peu fou, –décrit en détails avec toute l’histoire de la genèse de la success story initiale dans une vidéo que je conseille aux anglophiles placée en bas de cet article– lui demande des centaines d’heures de travail: produire de la musique de robots dans un décor proche de la réplique du »Faucon Millénaire » de Star Wars, le tout posté sur Youtube pour tenter le retour du nombre de hits victorieux.

Or entre temps, soit de 2009 à  2013, la valeur du clic publicitaire sur Youtube a largement pris du plomb dans l’aile, et pour obtenir une somme correcte qui soit au moins un reflet objectif et »nutritif » du nombre d’heures passées à « créer » il faut se lever tôt, même en rassemblant autour de sa vidéo l’équivalent de quatre stades de foot américain.

C’est pourquoi le bonhomme décide de créer une plateforme participative d’un nouveau genre, qui peut donner des idées aux »médias » partout en crise. Patreon.

Patreon propose aux internautes de s’abonner à  l’artiste, comme on s’abonnerait à  un magazine ou une chaîne cablée. Chaque fois que l’artiste publie une nouvelle vidéo »artistique » de son projet sur youtube ou une autre plateforme, l’outil débite automatiquement (avec des garanties de fréquence et de plafond mensuel etc. hein) un montant de quelques euros sur la carte bleue de l’abonné. Du coup, tout le processus créatif de l’artiste (Conte l’explique très bien dans la vidéo: l’angoisse de la page blanche, la crainte du hit qui ne performe pas…) est soutenu par une communauté qui l’incite à  créer, qui soutient sa création. On ne débite la communauté que quand on crée un truc, la communauté s’abonne et permet de planifier une certaine rentrée financière régulière à  chaque publication de l’artiste etc.

Conte signale que ce modèle s’applique déjà  à  des vidéastes, des musiciens, mais aussi des auteurs de comics etc. Et qui sait demain pourquoi pas à  des Webzines, fanzines?

Moi j’aime bien le principe en tous cas, qui redonne une certaine valeur au projet, par rapport au seul comptage publicitaire. Un monde publicitaire qui prévilégie la page à  contenu avec publicité, peu importe le type de contenu, au principe d’acteur créatif capable de fédérer une communauté. L’avenir dira comment évolue Patreon et le mécénat qu’il propose, je ne m’avance pas, mais la démonstration du bonhomme est en tous cas criante de sincérité.

Denis Verloes

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Le principe de Patreon

Merci @Jcfrog qui m’a fait découvrir cette initiative

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